Le 12 mai dernier, à l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines, Gilles Colliard et l’Orchestre de Chambre de Toulouse proposaient à leur fidèles habitués une expérience que l’on pourrait qualifier de révolutionnaire. Il s’agissait d’offrir aux spectateurs une nouvelle instrumentation de l’un des « tubes » les plus populaires de tout le répertoire classique, la Symphonie n° 9 d’Antonin Dvořák, la fameuse Symphonie du Nouveau Monde. Expérience réussie couronnée par une ovation générale d’un public médusé !
On connait la grande expérience de compositeur et de transcripteur de Gilles Colliard, le Directeur musical de la formation toulousaine. Plus de 70 œuvres et autant d’arrangements sont a mettre à son actif. Adapter une œuvre donnée à un instrumentarium différent de celui de la partition originale constitue une pratique courante dans toute l’histoire de la musique et notamment à l’époque baroque.
Comme l’explique très pédagogiquement Gilles Colliard avant l’exécution de cette Symphonie n° 9 « new look » de Dvořák, il s’est agi cette fois d’utiliser les outils techniques d’aujourd’hui afin de permettre son exécution par un orchestre de chambre. Les parties réservées aux instruments à cordes sont fidèlement conservée et jouée par les musiciens de l’Orchestre de Chambre. Néanmoins, le quatuor principal (deux violons, un alto et un violoncelle) est équipé d’instruments électriques qui amplifient sa sonorité. Le grand changement concerne les parties des vents et des percussions, confiées à un authentique synthétiseur !
Avant de plonger le public dans cette innovation « radicale », l’orchestre et son chef offrent les versions « originales » de deux bagatelles du même Antonin Dvořák. Deux pièces souriantes jouées avec joie et énergie par un ensemble à cordes raffiné et dynamique. L’accent caractéristique « Mitteleuropa » émerge avec finesse de cette belle exécution pleine de lumière.
Vient enfin le moment attendu de la « nouvelle » Symphonie du Nouveau Monde. Plusieurs innovations caractérisent son exécution outre les sonorités orchestrales. Les espaces entre les quatre mouvements donnent lieu à des évocation sonores et visuelles particulières (bruits et projections) qui prolongent ou annoncent le contenu musical des différentes parties. Dès l’Adagio ouvrant le premier mouvement, l’étrange sonorité délivrée par le synthétiseur s’impose. Dans l’Allegro molto cette contribution électronique joue le rôle d’un soliste soutenu par le tutti. Il faut souligner le sens musical du claviériste, Arthur Guillard, qui agit aux commandes de cet instrument-caméléon, mêlant éclat bondissant et lyrisme chaleureux. Dans le Largo, réputé rappeler les funérailles indiennes de Hiawatha, le synthétiseur endosse successivement le solo nostalgique du cor anglais et celui, plus joyeux, du hautbois, sans pour autant « imiter » ces instruments.
C’est d’ailleurs l’impression générale qui ressort de cette transcription. Il ne s’agit en rien d’une imitation. La structure générale de l’œuvre est conservée ainsi que son message musical et expressif, même si la particularité des sonorités en fait une nouvelle partition.
Les babillages de la version originale entre les pupitres de bois du Scherzo prennent ici de brillantes couleurs. En outre les percussions électroniques jouent leur rôle avec efficacité. Enfin l’Allegro con fuoco conclusif porte bien son nom ! Les échanges entre cordes et vents prennent par instants des allures de combat. Si parfois certains sons parasites semblent s’échapper du synthétiseur, ils s‘avèrent vite maîtrisés par le virtuose du clavier qu’est Arthur Guillard, habilement secondé par le technicien du son, Martin Balland.
L’inédit au programme de cette soirée a sans aucun doute atteint son but : renouveler dans la fidélité à l’œuvre originale !
Assistera-t-on à de nouvelles expériences de ce style ? La question reste posée.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse
Orchestre de Chambre de Toulouse