« Le désir d’une robe rouge est un affreux péché. Elle sait depuis toute petite qu’elle est née pour porter une robe noire, pour porter des vêtements longs qui cachent tout le corps, qui cachent le noir des cheveux, qui vont jusqu’à cacher ce qu’exprime le noir des yeux… C’est être protégée que d’être dans le noir, protégée du désir des hommes qui ont le droit, eux, de désirer. Mais ce que font ou désirent faire les hommes est toujours normal ». Cette réflexion provient d’un extrait du roman de Lamia Berrada-Berca intitulé « Kant et la petite robe rouge » qui est adapté au théâtre du centre du 11 au 13 février 2022.
« Ce roman parle de l’émancipation de la femme. C’est l’histoire d’Aminata qui subit un mariage arrangé et qui se retrouve séduite par un homme. Il la ramène en France et va par la suite l’abandonner. Elle se retrouve sans rien, elle a aucun mode de communication, elle connaît très peu la langue française. Dans sa tradition vestimentaire, le mode occidental qui l’entoure ne lui est pas accessible. Elle est extrêmement attirée par une robe rouge, qui va devenir le symbole de cette émancipation », raconte Marc Fauroux, comédien et metteur en scène de cette pièce de théâtre. Ce dernier explique la raison qui l’a motivé à adapter ce roman en pièce de théâtre : « Ce qui a vraiment nourri mon choix est que très rapidement, j’ai eu pour idée de faire dialoguer deux personnages, c’est-à-dire Aminata et un autre que j’ai créé. C’est un couturier qui va concevoir la robe rouge et dont il est lui-même aux prises avec un désir d’émancipation de son éducation, de sa culture. Donc, cette pièce est l’histoire de deux formes de transgressions différentes. Dans le détail, on se pose la question : à quel moment un homme ou une femme va décider que le cours des choses ne se déroule pas toujours comme cela est prévu écrit et à quel moment cela passe par la transgression ».
Ainsi, le couturier se fait conteur. Dans sa main, un crayon, du fil et des aiguilles, des ciseaux, jusqu’à l’arrivée d’un flot de tissus rouge d’où il va assembler et coudre la petite robe rouge. Le destin d’Aminata dépose entre ses mains les deux mots du philosophe Emmanuel Kant : Ose Savoir. Ces mots, comme une formule magique résonnent chez cette jeune femme maintenue jusqu’alors dans l’ignorance. Osera-t-elle… porter cette robe rouge ? « Dans cette pièce, ce livre de Kant est déposé sur son paillasson par quelqu’un qui s’est trompé sur un livre qu’il avait emprunté à un voisin. Aminata est fascinée par la présence de ce livre et lorsqu’elle lit ces deux mots, ils explosent dans sa tête et elle va les relier à cette image de la robe rouge et cela va changer sa vie. Elle ose enfin transgresser les règles ».
« C’est du théâtre très visuel »
« Le spectacle démarre dans l’atelier du couturier. Il y a pour nos oreilles une création sonore originale à partir d’éléments de l’INA (Institut national de l’audiovisuel) sur les mariages forcés. Dans le détail, on entend plusieurs femmes témoigner de leurs expériences du mariage forcé à travers le monde. Lorsque nous en avons parlé avec l’auteure, elle a trouvé intéressant d’ouvrir ce sujet et de ne pas rester focalisé sur le Maroc ». Cette création vidéo onirique incite le regard du spectateur à décoller vers le conte quand les documents sonores le font replonger dans la réalité contemporaine de nombreux mariages arrangés. Ce spectacle se destine à tout âge à partir de 12 ans. Comme le détaille marc Fauroux, « c’est du théâtre très visuel, donc il y a un rapport à l’objet qui est très important. Cela veut dire que même des jeunes qui ne comprendraient pas la totalité du discours peuvent être émus par quelques séquences.«
A noter que Lamia Berrada-Berca sera présente durant toutes les représentations. Ainsi, il sera possible de la rencontrer et de dialoguer avec elle. Cette pièce sera également en représentation pour le prix du jeune écrivain à Muret le mardi 15 février.