La nouvelle est tombée début décembre 2021. Notre cher Théâtre du Capitole, que plus de trois siècles d’existence attestent depuis la Place du Capitole l’importance majeure dans l’art lyrique français et européen, se trouve aujourd’hui devenu « national ». Nous avons voulu en savoir davantage et avons interpellé les trois personnes les plus à même de nous éclairer sur cette appellation : Francis Grass, Adjoint au Maire de Toulouse, en charge des affaires culturelles, Claire Roserot de Melin, Administratrice générale du Théâtre et de l’Orchestre national du Capitole et, bien sûr Christophe Ghristi, Directeur artistique de cette vénérable institution.
Classictoulouse : Le label national pour un théâtre résulte-t-il d’une demande de sa part ou d’une reconnaissance spontanée du ministère de la Culture ?
Francis Grass : C’est nous qui avons en 2019 pris la décision de postuler à ce label d’Opéra national. Sans fausse modestie, nous avions la conviction d’en avoir le niveau et d’en respecter les critères. Beaucoup d’observateurs pensaient que nous l’avions déjà, et du côté du Ministère de la Culture, plusieurs se sont souvent demandé pourquoi nous ne le sollicitions pas. Après l’arrivée de Christophe Ghristi, comme Directeur Artistique, et Claire Roserot de Melin, comme Administratrice générale, j’ai proposé au Président de Toulouse Métropole d’engager la démarche.
Pouvez-vous préciser ce que signifie « national » pour un théâtre qui coproduit depuis longtemps à l’international ?
Christophe Ghristi : La vocation internationale du Théâtre du Capitole a sans doute été établie par Nicolas Joel et ne s’est jamais démentie depuis. Nous coproduisons en effet avec nombre de maisons européennes et extra-européennes, de Barcelone et Riga à Tel Aviv. De même, nous accueillons les artistes qui font les beaux soirs des grandes maisons à travers le monde. Au-delà de la reconnaissance dont il témoigne, le label national signifie donc bien autre chose que l’espace de rayonnement de notre institution. D’abord, il nous met en lien plus fort avec le ministère de la Culture. A ce titre, il nous inscrit dans une cartographie nationale, tout en ayant une mission régionale encore plus forte. De ce point de vue-là, le Capitole avait pris les devants et, de même que l’orchestre, le ballet et le chœur se produisent régulièrement dans la région. En outre, nos propositions pédagogiques rayonnent depuis longtemps au-delà de la métropole toulousaine.
Sur quels critères ce label a-t-il été attribué au Théâtre du Capitole ?
Claire Roserot de Melin : Ce label est attribué aux maisons de production lyrique et chorégraphique positionnées comme des références dans le paysage culturel français. La programmation à la fois ambitieuse et ouverte à tous, la qualité de nos ateliers de fabrication des décors, costumes et perruques, le niveau des artistes permanents et invités de la maison sont bien évidemment des vecteurs de reconnaissance du Théâtre du Capitole. Mais labelliser cette institution comme Opéra National, c’est aussi reconnaitre le rayonnement de l’établissement sur le plan national et international, autant que l’ancrage de son projet culturel et artistique sur le plan local et régional, son travail en direction de tous les publics.
Quels sont les effets collatéraux à venir de cette attribution tant d’un point de vue financier, qu’administratif et artistique.
Francis Grass : Albert Camus disait : « Tout accomplissement est une servitude. Il oblige à un accomplissement plus haut. » Ainsi sur le plan artistique, il s’agit au minimum de maintenir le haut niveau atteint. Notre début de saison pleinement réussi, malgré les réticences liées au Covid, l’atteste. Sur le plan administratif, comme le label le nécessite, nous allons courant 2022 créer la structure juridiquement indépendante nécessaire, mais qui restera sous contrôle public entier de Toulouse Métropole.
Enfin sur le plan financier, nous attendons de cette reconnaissance artistique, un meilleur soutien financier de l’Etat et de la Région, sans désespérer du Département. Actuellement le financement est à 73% Toulouse Métropole, 7,6% État, 1,5% Région (uniquement orchestre) et 0% Département. Ainsi le Théâtre et L’Orchestre du Capitole, sont les moins aidés par les autres collectivités parmi les grandes villes françaises. Pourtant leur excellence reconnue contribue au rayonnement international de la France, de l’Occitanie et de la Haute Garonne.
Notre objectif est que l’Etat soit à 10% et la région à 4% réduisant ainsi l’iniquité par rapport à Montpellier. Quant au Département, sa participation active mais ponctuelle au projet Démos, est un encouragement à ce qu’il s’engage plus durablement.
Propos recueillis par Robert Pénavayre