« La Déconniatrie. Art, exil et psychiatrie autour de François Tosquelles ». C’est l’exposition, actuellement aux Abattoirs jusqu’en mars 2022. Dans le détail, « cette exposition dévoile une histoire méconnue qui a fait date dans la psychiatrie et a également influencé le cours de l’histoire de l’art moderne en favorisant l’art brut », explique le musée toulousain. Il ajoute : “La Déconiatrie” suit la vie de l’œuvre du docteur François Tosquelles qui a fui comme 500 000 réfugiés espagnols la victoire franquiste après la guerre d’Espagne (1936-1939).
Un acteur principal de l’évolution en psychiatrie
« À travers cette exposition c’est la place de l’autre perçu comme indésirable, étranger, malade, impropre à la vie en société, qui est de nouveau au cœur des Abattoirs. À partir du parcours de Françcois Tosquelles, sont questionnés les rapports entre art, exil et psychiatrie, et la notion de création dans le contexte de l’exclusion, de l’enfermement ou de l’hospitalisation, bref d’aliénation » poursuit le musée. « En partant d’un lieu rural éloigné, il s’agit ici de croiser l’histoire de la psychiatrie, de la politique, du postcolonialisme de l’art moderne, du surréalisme et de l’art brut ou encore du cinéma d’avant-garde. Ce projet qui rassemble de nombreuses œuvres, dont celles créées par les pensionnaires de l’hôpital, ainsi que des films inédits, des livres, des photographies et des créations contemporaines célèbre ce droit au vagabondage du corps et de l’esprit selon l’expression de François Tosquelle », ajoute les Abattoirs.
Fil rouge de cette exposition, ce psychiatre catalan fait partie entière de l’histoire de la psychiatrie puisqu’il fait partie des pionniers et visionnaires qui ont participé activement à la transformation des institutions psychiatriques. Par ailleurs, il est initiateur de l’organisation “Psychiatrie de secteur” qui est encore valable de nos jours. « Ce qui caractérise la psychanalyse, c’est qu’il faut l’inventer, dira-t-il en 1989. L’individu ne se rappelle de rien. On l’autorise à déconner. On lui dit : ‘Déconne, déconne mon petit ! ça s’appelle associer. Ici, personne ne te juge, tu peux déconner à ton aise’. Moi la psychiatrie, je l’appelle la déconniatrie. Mais pendant que le patient déconne, qu’est-ce que je fais ? Dans le silence ou en intervenant, mais surtout dans le silence, je déconne à mon tour ».
Avant de “révolutionner la psychiatrie”, “après plusieurs mois de rétention dans le camp de Septfonds, le psychiatre s’installe pendant l’Occupation à Saint-Alban-sur-Limoge en Lozère. Dans l’hôpital où il travaille, avec l’idée de soigner les malades comme l’institution, il fait alors émerger de nouvelles pratiques de soin basées sur l’humanisation, le collectif le travail et l’activité artistique par les pensionnaires, dont les créations circulent au niveau local avant d’être collectionnées par Jean Dubuffet sous l’appellation d’art brut”, racontre le musée.
Une création de Yayoi Kusama
Dans la première salle, nous suivons le parcours de Tosquelles et de ses compagnons d’infortune. Les photographies dévoilent les paysages escarpés des Pyrénées, le calvaire des exilés et leur quotidien au camp de Septfonds. Ces images d’archives témoignent des conditions drastiques d’internement pour ces hommes reclus dans un no man’s land. Le contraste est saisissant avec les photographies de la vie à Saint-Alban exposées dans la troisième salle.
La suite de la visite met à l’honneur de nombreuses œuvres (dessins, peintures collages…) réalisées par des pensionnaires à l’hôpital de Saint-Alban. Ainsi, le public peut découvrir les sculptures de figurines et de jouets d’Auguste Forestier, fils d’agriculteur interné en 1914 jusqu’à sa mort en 1945 car il a fait dérailler un train en disposant des cailloux sur la voie. Son art est découvert en 1943 par Paul Eluard en exil dans l’établissement suite à la rédaction de son poème “Liberté”. Le poète français amène quelques-unes des œuvres de l’interne pour les montrer à Jean Dubuffet qui à la fin de la fin de la guerre se rendra à l’hôpital pour rassembler sa collection d’art brut.
Présentée en écho à l’exposition La Déconniatrie, le public pourra découvrir de l’oeuvre « Dots obsessions » de Yayoi Kusama dans laquelle “des “ballons-molécules” aux formes indéfinissables flottent dans l’espace tandis que des miroirs intensifient l’absolu obsessionnel de cette effervescence de rondeurs. Au cœur, de ce micro/ macro-cosme, le visiteur halluciné par ces pois nus et chaleureux, faussement désordonnés., éprouve dans une sorte d’intimité sensuelle. La relativité de son identité à la fois perdue et démultipliée”, détaillent les Abattoirs. Le musée conclut : “Les troubles visuels et psychiques provoqués par ces points en suspension, probables réminiscences d’enfance, animent presque toutes les créations de l’excentrique “Kusuma”.