On pourra relire mon premier article annonçant ce spectacle et le second qui fait office de compte-rendu.
Quelle entame de saison ! Idéal pour rappeler ce qu’est véritablement l’opéra à ceux qui auraient pu l’oublier au vu des circonstances. Et là, les horloges ont été remises à l’heure. On ne revient pas sur la distribution vocale car, de Hugo Santos à, en remontant, Sulkhan Jaiani, puis Roberto Cavatta, l’immensité haïssable de Pierre-Yves Pruvot, l’aura de la basse de Roberto Scandiuzzi, la performance de ténor de Ramón Vargas, la musicalité d’Agostina Smimmero, la puissance et la splendeur vocale de Judit Kutasi, et l’irrésistible interprétation de la Gioconda par Béatrice Uria-Monzon, tous suscitent l’admiration. Quel plateau !
Se juxtaposent le travail énorme des chœurs au rendez-vous dans leurs nombreuses interventions et celui aussi de la Maîtrise. Chapeau à Alfonso Caiani.On continue la liste avec tous les musiciens présents dans la fosse. Roberto Rizzi-Brignoli a mené son affaire avec une détermination emportant tout sur son passage.
À partir du moment où ce fut le choix, côté théâtre, de l’atemporalité, il fallait donc trouver décors et costumes et lumières – des bravos répétés à Bertrand Killy – qui se plient aux dimensions de la scène et, finalement tout, tout s’enchaîne à la perfection. Les changements de décors, dus à Pierre-André Weitz, tout au long de l’ouvrage sidèrent d’ailleurs aussi bien sur les perspectives que sur les plateaux à la verticale, astuce permettant de faire avancer l’action tout en l’illustrant. Un travail qui vous rend admiratif ! Les détails, très instructifs, sont à lire dans le journal Vivace.
Ce qui nous amène à considérer, que dis-je, mettre en avant l’énorme travail qui se passe en coulisses, côté techniciens, accessoiristes et tous ces indispensables de l’ombre.
Enfin, on loue la performance des danseuses et danseurs qui ont eu à exercer tout leur talent tout en pataugeant dans quelques centimètres d’eau et ce, dans une première forlane mais surtout dans la fameuse Danse des heures. Ils ont pu évoluer sur des chorégraphies du meilleur effet. Je disais, atemporalité, mais nous sommes quand même, fortement suggérés et en accord avec le livret, dans les bas-fonds de la Venise du XVIIè qui ne sont pas peuplés que de bisounours et gentils clowns.
Et parce qu’on n’est pas dupe, quelques outrances de mise en scène de notre provocateur d’Olivier Py ont pu déranger quelques spectateurs. L’ensemble, résumé ci-dessus, se présentant alors, au bilan, avec un tel niveau de qualités dans tous les domaines, ces outrances ont été comme dissoutes, noyées par cette nappe d’eau, emportées par le spectacle, et pour les yeux et surtout pour les oreilles.
Tout cela, vous le devinez, ne pouvait être monté de la sorte que grâce à la détermination, la ténacité, que dis-je, le culot, et l’enthousiasme aidant de l’élément fédérateur dans cette aventure à hauts risques, j’ai nommé Christophe Ghristi, le Directeur artistique de cette vénérable Maison. Cinq représentations, cinq triomphes : il faut le faire. Là-haut, tout là-haut, La Gioconda peut se reposer quelque temps.