« Ce que le jour doit à la nuit », un film d’Alexandre Arcady
Originaire de Tunisie, le réalisateur est allé y planter sa caméra pour son dernier opus au moment même du printemps arabe. Ces évènements politiques l’ont-ils inspiré ? Rien n’est moins sûr. Et pourtant le support dramatique du scénario, le célèbre roman éponyme de Yasmina Khadra, lui fournissait une matière opulente. Trop peut-être. Le résultat est un film interminable (2h39 !) interprété par des comédiens en surjeu total (Anne Parillaud, Anne Consigny, Nora Arnezeder, Vincent Perez), parfois convaincants tout de même (Nicolas Giraud, Olivier Barthelemy) ou alors d’une fadeur extrême, ce qui est le cas du rôle principal. Et c’est un peu embêtant. Comment Alexandre Arcady a-t-il pu engager un jeune comédien débutant aussi insipide pour tenir le rôle de Younes. Beau gosse certes, Fu’ad Ait Aattou est mannequin, mais de là à lui confier la lourde tâche d’incarner ce jeune homme autour duquel repose toute l’argumentation dramatique, il y avait plus qu’un pas. Résultat, à lui tout seul, étant omniprésent à l’écran, il plombe définitivement le film ! Et pourtant, l’idée de nous faire vivre le basculement vers l’indépendance de l’Algérie au travers de la vie privée d’une poignée de jeunes Français était plus qu’intéressante. Encore fallait-il que les errements amoureux de cette jeunesse insouciante des temps qui changeaient sous leurs yeux ne soient pas trop envahissants et que les situations ne flirtent pas en permanence avec la caricature. Un exemple ? La scène-pivot du film est une femme française qui se tape un beau berbère (devinez qui) et qui ensuite lui fait jurer sur l’honneur que celui-ci ne touchera pas à sa fille dont il tombe par la suite follement amoureux. Et voilà Younes pris dans les rets d’un serment incroyablement improbable qui fichera sa vie en l’air. En même temps que le film ! Et je vous fais grâce des ralentis, des yeux larmoyants plein cadre, des voiles qui s’envolent, etc. Le romanesque a ses limites. Ici elles sont allégrement franchies afin de se vautrer dans le plus incroyable mélo.
Robert Pénavayre