Compte-rendu Concert. Toulouse. Halle-aux-grains, le 1er Juillet 2021. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : Oreste, Pasticcio de 1734, extraits ; Franco Fagioli, Oreste ; Inga Kalna, Hermione ; Siobhan Stagg, Iphigénie ; Krystian Adam, Pilade ; Biagio Pizzuti, Troante ; Margherita Sala, Filotete ; Il Pomo d’Oro ; Maxime Emelyanychev, clavecin et direction.
Un pastis tient à la fois d’une pâtisserie et d’un alcool anisé. Cette partition de Haendel qui réutilise quelques-uns de ses airs préférés et les lie par de nouveaux récitatifs s’appelle un Pasticcio. Le procédé était courant en ces temps. Il donne l’ivresse et la douceur, car le coronavirus nous offre un condensé du Pasticcio en une version sans entracte d’une heure quarante. Que dire sinon que cela représente une véritable aubaine, le meilleur de Haendel sans récitatifs et sans tous les Da Capo ! Cette soirée est un véritable bain de beauté pour les oreilles qui sont traitées avec délicatesse et pour l’âme qui est traversée par les divers sentiments qui agitent les nobles personnages. Pas besoin de connaître l’intrigue pour se laisser conquérir par le pouvoir souverain de la musique de Haendel. Pas besoin de programme non plus. Le pouvoir de ce concert est cette immersion dans le beau. La partition est somptueuse et offre à chaque chanteur des airs variés. Le maître d’œuvre est le divin Maxime Emelyanychev. Ce chef que les Toulousains connaissent bien revient avec son orchestre Il Pomo d’Oro. Il excelle au clavecin d’où il dirige passionnément. La fine fleur des meilleurs musiciens baroques s’embrase sous la direction fébrile du chef russe. Les tempi sont enlevés, les phrasés extravertis, les suspensions des airs lents sont de la magie pure. La virtuosité est comme sublimée. Chef et musiciens sont un enchantement de chaque instant.
Sur ce tapis moelleux et brûlant à la fois, les voix se posent, s’envolent, trillent, vocalisent et nous émeuvent.
Franco Fagioli, contre-ténor argentin est Oreste. A lui les airs les plus excessifs au bord de la folie. La virtuosité étincelle, la fureur épouvante et le désespoir arrache des larmes. La voix est somptueuse de timbre sur toute la vaste tessiture : d’aigus claironnants à des graves ronds et sonores. Quel artiste ! Hermione son épouse meurtrie est la soprano Inga Kalna. La voix est puissante et ronde, moelleuse et ductile. Elle fait ce qu’elle veut des larges phrases que Haendel lui réserve, le souffle infini de la cantatrice lui permet toutes les audaces. Trilles et vocalises ont la même perfection. Le duo entre les époux sera un moment de grâce pure où la technique infaillible des deux chanteurs livre une telle perfection que l’émotion repose à la fois sur un accord esthétique et le sentiment de l’accomplissement des retrouvailles. Le ténor Krystian Adam est un Pilate élégant et sensible. La voix superbe de couleur mielleuse est capable de virtuosité rare comme d’émotion profonde dans un air lent à faire pleurer les pierres. En Iphigénie la voix pure de Siobhan Stagg est un pur régal. Le contralto profond de Margherita Sala en Filotete offre un contraste saisissant. L’engagement de l’interprète est extraordinaire. Biagio Pizzuti en Roi Troante a la noblesse de timbre attendue, comme une technique parfaite. Sa belle solidité équilibre la distribution qui privilégie les voix aiguës.
Une soirée de rêve où la meilleure musique de Haendel a trouvé des interprètes superlatifs. Que la tournée, entravée par le méchant virus, de ce beau programme trouve enfin son public ! Une telle perfection est un baume inestimable. Bravo aux Grands Interprètes qui ont gardé confiance et ont reporté le concert prévu cet automne.
La bien trop courte saison se termine en beauté et pleine de promesses.