Le Tigre Blanc, un film de Ramin Bahrani
Dans une séquence liminaire assez terrifiante, nous assistons, en une minute, à la mise à mort d’un poulet. Un homme le sort violemment de sa cage, lui coupe la tête, les pattes, le plume, l’éviscère, le débite en quartiers qu’il jette dans un saut. Et hop, au suivant. C’est l’image/parabole sur laquelle le réalisateur américano-indien et le narrateur du film, Balram, s’appuient pour « justifier » d’un scénario lui-même emprunté, en partie, au livre publié en 2008 par Aravind Adiga.
L’histoire nous met dans les pas de Balram, jeune indien issu d’un village plus pauvre que …pauvre. A l’évidence plutôt intelligent, il est malheureusement privé d’enseignement par une grand-mère aussi autoritaire que tyrannique et percluse dans un mode de vie traditionnel. Lors d’une visite très « intéressée » du propriétaire du village, Balram comprend que le fils dudit propriétaire cherche un chauffeur. L’avenir appartenant aux audacieux, Balram force la porte de la somptueuse villa du fameux et totalement mafieux potentat. Bingo, il est embauché. Le voilà attaché au fiston en question, Ashok, et à sa femme Pinky. Tous deux rentrent des Etats Unis. Employé en même temps que confident et nounou, Balram joue le rôle qu’il a de tout temps appris, celui de serviteur dévoué corps et âme. Nous touchons ici d’ailleurs à l’un des thèmes fondamentaux de ce film, celui de la domesticité, du moins telle qu’elle est comprise en Inde. Malgré un traitement et une relation qui s’apparentent souvent à une situation maître-esclave telle qu’elle était admise dans l’Antiquité et, malheureusement de façon plus récente, Balram est content de son sort et sourit béatement à la vie. Jusqu’à cette nuit tragique au cours de laquelle tout bascule pour le jeune indien. Un événement dramatique va lui ouvrir enfin les yeux et le faire basculer vers une vérité que sa naïveté fondamentale refusait de voir.
Loin des sucreries à vrai dire un peu écœurantes made in Bollywwod, Le Tigre Blanc penche clairement vers une vision aussi habile que froide d’un docu-fiction sur l’Inde contemporaine, avec ses éternels problèmes de castes, de religions, de corruption, d’effrayante fracture sociale à grande échelle dans une autocratie cernée de tous côtés.
Du coup, il est inutile d’attendre ici un happy end ou bien du politiquement correct. Ce que nous conte le cinéaste est l’ascension fulgurante d’un homme qui veut, à tout prix, sortir de cette fameuse cage aux poulets. A l’évidence, les solutions sont peu nombreuses et dans tous les cas radicales. Pour le moins…
Résultat, un film sombre, glaçant, dérangeant parfois, porté par l’incroyable charisme d’Adarsh Gourav, Balram à la détermination aussi puissante qu’aveugle, celle de ce tigre blanc dont la légende nous dit qu’il ne naît qu’un exemplaire par génération.
Si vous avez envie d’aller en Inde après avoir vu ce film c‘est vraiment votre problème…
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