Mank, un film de David Fincher
Sur le sujet, simple en apparence, de l’écriture d’un scénario, sauf qu’il s’agit ici de celui du chef d’œuvre absolu du cinéma qu’est le Citizen Kane d’Orson Welles (1941), David Fincher nous immerge dans le Hollywood des années 30 au cœur d’un tourbillon aussi hallucinant que vertigineux. Oscars en vue !
Joseph Mankiewicz, réalisateur de génie mais aussi de la plus grande catastrophe industrielle du cinéma, Cléopâtre (1963), avait un frère, plus âgé de douze ans, et connu aujourd’hui pour avoir été un scénariste hors pair. C’est lui qui, entre autres titres de gloire, signe le scénario oscarisé en 1942 de Citizen Kane. Le film de David Fincher commence au moment où ce scénario vient de lui être commandé pour son premier long métrage par un jeune cinéaste de 24 ans : Orson Welles. Déjà convoité par tous les studios et les plus grands cinéastes, Herman Mankiewicz, surnommé Mank, est connu pour un alcoolisme permanent et des idées plus démocrates que républicaines. En 1940, à la suite d’un accident de voiture qui le handicape sérieusement, Mank se retrouve littéralement enfermé dans un ranch perdu au fin fond du désert californien, certes assisté, mais avec pour seule obligation d’écrire, depuis son lit de douleur, le fameux scénario. Entre cette chambre/prison et le destin de Mank se construit alors une suite de flash-backs qui nous fait remonter le temps et nous met en présence des plus grands noms du 7ème art de cette époque et en particulier des propriétaires des fameux studios de la MGM : Louis B. Mayer (Arliss Howard) et Irving Thalberg (Ferdinand Kingsley), sans oublier une nuée de starlettes et notamment Marion Davies (Amanda Seyfried) qui fut pendant trente ans la maîtresse du milliardaire William Randolph Hearst (Charles Dance, l’impressionnant Mountbatten de la série The Crown). C’est justement lui qui sert de modèle à Mank pour le personnage de Kane. Soulignons que ce magnat de la presse, dont dépendait en partie l’équilibre financier de la MGM, essaya, en vain, d’interdire le tournage et ensuite la sortie du film de Welles. C’est donc tout un univers à l’apparence flamboyante mais guidé par des intérêts soit simplement financiers et industriels, soit personnels (Hearst tente systématiquement d’imposer sa maîtresse dans les productions de la MGM alors que Thalberg fait la même chose avec son épouse, l’actrice Norma Shearer). Alors que la grande dépression s’abat sur les USA, bousculant sérieusement le modèle économique d’Hollywood, Hearst invente les fake news en faisant tourner par la MGM de fausses actualités afin de battre le candidat démocrate aux élections locales. Tout cela et bien d’autres choses émaillent un récit cinématographique qu’il faut bien reconnaître d’une densité …redoutable.
Tourné dans un Noir et Blanc somptueux, avec des plans à l’ancienne, semblant venir d’un autre monde, celui de notre mémoire de cinéphile certainement, ce film devrait dérouler un vrai tapis rouge vers les prochains Oscars pour Gary Oldman, Mank incroyable de duplicité, entre bonhommie et manipulation. La mise en scène est d’une virtuosité hallucinante d’efficacité. Particulièrement exigeant pour le spectateur, Mank aurait-il trouvé sa place dans les grands circuits de distribution ? Dans tous les cas, Hollywood n’en a pas voulu et le cinéma indépendant, pour d’autres raisons, non plus. NETFLIX ne s’est pas fait prier longtemps, mettant ainsi la main, après les frères Coen, Martin Scorsese et bientôt George Clooney, sur une autre grande signature du 7ème art, David Fincher.
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David Fincher – En route pour les Oscars
Dès l’âge de 8 ans, David se passionne pour l’image et tourne ses premiers films…familiaux. Admirateur inconditionnel de George Lucas, il intègre à 18 ans, en 1980, la société d’effets spéciaux de ce dernier. Il y restera quatre ans, y accumulant une somme impressionnante de savoirs. A tel point que David Fincher va créer sa propre société de production. Puis c’est le grand saut et la réalisation d’un premier long. Et pas n’importe lequel. Rien moins que le troisième opus de la saga Alien. C’est le début d’une suite ininterrompue de succès dont les titres font rêver : Seven, The Game, Fight Club, The Social Network, etc. Mank, dont le scénario est signé de son père, Jack Fincher, apporte une pierre de plus à l’édifice incontestablement somptueux de ce réalisateur hyper pointilleux.