L’Orchestre national du Capitole de Toulouse poursuit sa saison à la Halle aux Grains avec la retransmission en ligne d’un concert dirigé par Cornelius Meister qui invite le pianiste Nicholas Angelich et affiche deux œuvres majeures du répertoire germanique.
Cornelius Meister © Marco Borggreve
Malgré l’absence de public en raison du confinement, la saison de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse se poursuit à la Halle aux Grains avec la retransmission en ligne de certains concerts. Le programme qui devait être dirigé le 11 décembre par Joseph Swensen étant annulé, celui qui invite le chef Cornelius Meister et le pianiste Nicholas Angelich sera le quatrième et dernier concert confiné à être visible sur les pages Facebook et Youtube de l’ONCT. Habitué de la Halle aux Grains, Nicholas Angelich interprètera le Cinquième concerto de Ludwig van Beethoven.
Inventée par Johann Sebastian Bach, la forme du concerto pour clavier et orchestre évolue durant tout le XVIIIe siècle pour aboutir à une première maturité avec les œuvres de Wolfgang Amadeus Mozart, qui leur insuffle des adagios poétiques et des finals brillants, allongeant également leur durée pour en faire de véritables pièces de concert. Beethoven, lui-même pianiste virtuose, s’inscrit dans cette voie, à une époque où la facture viennoise invente des pianofortes plus sonores, adaptés à de grandes salles de concerts. Le compositeur abandonne alors rapidement les traits de galanterie pour confronter un piano plus puissant à un orchestre devenant lui-même considérable.
Se déploie ainsi durant quinze ans (1795-1809) un cycle de cinq concertos: pianiste et instrumentistes rivalisent dans les deux premiers de virtuosité et de couleurs, tout en se coulant encore dans la forme classique viennoise, avec une poésie enivrante ; les Troisième et Quatrième concertos adoptent une grandeur nouvelle, le piano devenant l’interprète souverain, dialoguant avec un orchestre entrant dans sa maturité. L’aboutissement du cycle est le dernier concerto, surnommé «L’Empereur» après la mort du compositeur en hommage à la splendeur de cette œuvre, et non en l’honneur de Napoléon Ier qui était en 1809 aux portes de Vienne où résidait Beethoven. Pendant l’écriture, le compositeur est en effet le témoin des batailles entre les armées française et autrichienne : «J’avais commencé à donner des petits concerts de chant chez moi toutes les semaines, mais cette guerre néfaste a tout arrêté. Quelle vie épuisante et dévastatrice autour de moi ; rien que tambours, canons, misères humaines de tout genre», écrit-il, confiné dans une cave.
Nicholas Angelich © Stephane de Bourgies
Malgré ces circonstances, il conserve pourtant toute sa créativité, signant notamment un quatuor, une marche, trois sonates, une série de variations sur un thème original, une fantaisie pour piano, une douzaine de lieder, des extraits de la musique d' »Egmont », et ce Cinquième concerto brillant où arpèges, trilles et gammes déferlent sur le clavier accompagné par un orchestre vigoureux. Même si son Adagio s’impose comme une méditation particulièrement inspirée, le surnom «L’Empereur» rend compte du caractère majestueux de l’œuvre. Créée en 1811 et dédiée à l’Archiduc Rodolphe, cette partition est la seule de la série que Beethoven ne jouera jamais. Ces cinq concertos pour piano s’inscrivent dans l’histoire de la musique de manière exceptionnelle, en raison de la place majeure accordée à l’instrument par sa technique redoutable et son impact sonore s’imposant au romantisme.
Le chef allemand Cornelius Meister dirigera ensuite « Une vie de héros » (Ein Heldenleben), de Richard Strauss. Celui-ci a 34 ans lorsqu’il achève en 1898 son huitième poème symphonique, écrit trois ans après « Ainsi parlait Zarathoustra ». L’opus 40 du compositeur allemand inaugure alors une série de pages symphoniques qui ne s’inspirent plus d’œuvres littéraires. Comme le sera plus tard la « Symphonie domestique », il s’agit d’une œuvre d’inspiration autobiographique: Richard Strauss s’est projeté dans la peau de son «héros» et a mis en note sa femme Pauline sous la forme du solo de violon de la troisième partie. Conçue pour un orchestre de grande envergure, « Une vie de héros » relève avant tout de la fresque philosophique, dépeignant en six tableaux un héros fantasmé, sa compagne, ses adversaires, le combat qui les agite, les œuvres de paix du héros, et enfin la retraite et l’accomplissement de celui-ci…
La partition se divise en six parties dont les titres ont été apposés a posteriori, d’après les propos tenus par le compositeur lors d’entretiens: « Le héros », « Les adversaires du héros », « La compagne du héros », « La Bataille du héros », « Les œuvres de paix du héros », « La Retraite du héros et l’accomplissement ». Dans la dernière partie, Richard Strauss reprend plusieurs thèmes tirés de ses œuvres antérieures. Il dirigera en 1899 la première exécution, nécessitant une quarantaine de minutes. Dédicataire de l’œuvre, le chef d’orchestre Willem Mengelberg en dirigea le premier enregistrement, trente ans plus tard. En 1900, le compositeur Paul Dukas qualifia « Une vie de héros » d’«audace harmonique à faire dresser les cheveux sur la tête. On n’avait rien osé de pareil avant M. Strauss et M. Strauss lui-même n’avait encore rien écrit de si hardi.»
Concerto n° 5 de Beethoven par N. Angelich (piano), « Une vie de héros » de R. Strauss,
sous la direction de C. Meister, samedi 5 décembre, 18h00.
Concert retransmis sur les pages Facebook et Youtube de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse, en direct de la Halle aux Grains.