L’idée a émergé dès le début du confinement. Karine Sayagh-Satragno, romancière toulousaine, a commencé à rédiger sur les réseaux sociaux des chroniques quotidiennes et à interagir avec ses « chers confinés ». Depuis la capitale, Justine Roussel, une jeune illustratrice que l’auteure a rencontrée en Tanzanie en début d’année s’est attachée à mettre les mots en images, depuis son appartement parisien. Puis, Stéphanie Chaulot, éditrice carmausine, s’est greffée sur le duo en proposant d’éditer ce journal de confinement créatif. En un temps record, le trio féminin hyperactif est parvenu à faire naître « Confinée dans la dentelle » et à le faire paraître le jour du déconfinement de la France en ebook et en précommande livre papier sur la boutique de Yucca editions. Il sera bientôt disponible en librairie. L’Essentiel de la Culture a rencontré les protagonistes de cette aventure « Confinée dans la dentelle ».
Pouvez-vous nous raconter la genèse de « confinée de la dentelle » selon votre point de vue ? Comment les chroniques sont-elles nées ?
SC : Karine et Justine m’ont proposé le livre une dizaine de jours avant le 11 mai. J’avais suivi les aventures du livre et les chroniques sur les réseaux sociaux. Il fallait décider si oui ou non, je le publiais. Ensuite, tout s’est enchaîné jusqu’à la publication.
KSS : Confinée chez moi, j’ai rapidement eu besoin d’entrer en contact avec le dehors d’une manière ou d’une autre. J’ai commencé une relation épistolaire connectée via mon compte Facebook avec mes « chers confinés » sur les sujets qui m’occupaient quotidiennement durant cette période de claustration inhabituelle et anxiogène. J’ai éprouvé un grand réconfort à interagir. Et mes lecteurs ont apprécié il me semble de partager une forme d’intimité qui résonnait contre la leur. Puis Justine s’est greffée sur mes lettres avec ses dessins. C’était grisant d’écrire et de voir une histoire se muter en images. Le projet a plu à Stéphanie Chaulot, notre éditrice, et le trio s’est formé pour mener à bien ce projet en un temps record.
JR : Au fil d’une discussion, Karine m’a parlé de son projet de mémoires de confinement et m’a proposé d’illustrer une première chronique. J’ai choisi celle qui évoquait l’absence de sa sœur, en plein tour du monde. J’ai fait spontanément un dessin au feutre et on a ensuite décidé ensemble de continuer, pour voir…
Stéphanie, pourquoi avez-vous décidé de chambouler votre planning éditorial pour publier « Confinée dans la dentelle » le jour du déconfinement ? Qu’est-ce qui vous a séduit ?
SC : L’édition papier était en sommeil, l’édition locale n’en parlons même pas ! C’était l’occasion d’avoir un livre d’actualité qui collait au besoin du moment mais aussi de sortir de ce sommeil forcé. Ca n’a pas été simple, surtout que la chaîne du livre ne reprendra que véritablement fin mai. C’était un challenge de voir si nous arrivions à publier avant tout le monde !
Justine, c’est votre premier livre, comment s’est déroulé le travail d’illustration à distance avec l’auteure ? Comment avez-vous travaillé ?
JR : On a beaucoup communiqué par mail et Messenger, c’était important pour moi que les illustrations nous plaisent à toutes les deux et que Karine se reconnaisse dans le personnage que j’avais personnellement imaginé. A la lecture de ses chroniques, je faisais des croquis au crayon que je lui envoyais et on en discutait ensuite.
Vous reconnaissez-vous dans le « je » de la narratrice ? Quelle est la chronique qui vous ressemble le plus ?
SC : Oui. Comme je le dis souvent, Karine a mis les mots là où je ne les avais pas pour dire des choses qu’on avait besoin d’entendre. La chronique « Epicentre » m’a parlé plus que les autres, vous comprendrez pourquoi en la lisant !
KSS : Toutes ! J’écris habituellement des romans, fictions ou autofictions, mais ce « je » là, le « je » de Confinée dans la dentelle, c’est résolument le mien !
JR : Oui, je me suis identifiée dans certaines situations, dans sa folie surtout, notamment dans « Malade » quand la narratrice devient hypocondriaque ou dans « Urgence Thermomix » quand désemparée, je l’ai imaginée se ruant au supermarché, se cachant dans les rayons de papier toilette pour manger des chips… C’est une façon de décrire avec ironie les comportements irrationnels que beaucoup de gens ont eus au début du confinement, comme vouloir faire leurs courses en masse ou se battre pour du papier toilette.
Le fait que les chroniques évoquent à de nombreuses reprises Toulouse dans les illustrations et les textes, est-ce que c’est inspirant pour vous ou dérangeant si vous n’y vivez pas ?
SC : Je côtoie trop de Toulousains pour dire quoi que ce soit. Non, ce n’est pas dérangeant. Ça apporte une touche locale pour ceux qui y vivent et c’est ce qui pourrait se passer dans n’importe quelle ville au final.
KSS : Je suis née à Toulouse, j’ai été infidèle quelques années mais comment dire ? On revient toujours ! Je connais la ville comme ma poche ce qui ne m’empêche pas de la redécouvrir chaque jour sous un angle différent. Je suis amoureuse de cette ville ! C’était très angoissant pour moi de ne pas avoir pu la saisir en entier pendant ces 55 jours ! Du coup, je l’ai emportée avec moi dans ces chroniques. Le kilomètre autour de chez moi ne me suffisait pas !
JR : J’ai découvert Toulouse à travers les chroniques de Karine, et par une recherche d’images d’architecture pour les illustrations. La ville déserte, c’était la même impression à Paris. Dans «Silencio», la notion du bruit, de la ville morte, c’est vraiment quelque chose que j’ai ressenti pendant ce confinement, qui était une sorte de sentiment universel dans toutes les grandes villes je crois. Et j’ai les mêmes pigeons à ma fenêtre !
Un trio féminin est-il compliqué à gérer quand on œuvre dans l’urgence ? Quid des décisions à prendre, des prises de risque, des choix ? Y a t-il une cheffe ou avez-vous chacune votre rôle à tenir ?
SC : Je trouve qu’au contraire, ça c’est vraiment bien passé. On a su être complémentaire, on a super bien géré, d’autant plus sous la pression !
KSS : Dans la vie, j’ai tendance à être dirigiste mais il me semble que chacune a tenu son rôle. On a crée un groupe pour communiquer, comme une sororité. Je ne suis pas de ces femmes qui craignent ou jalousent les autres femmes. Elles me portent. Elles me secouent. Elles me rendent fières !
JR : Karine a déjà publié deux romans et Stéphanie dirige une maison d’édition. Elles savent ce qu’elles font, je leur ai fait totalement confiance pour conduire ce projet. J’ai davantage travaillé la partie graphique et la mise en page évidemment !
Pouvez-vous nous parler chacune de la rencontre avec les deux autres ?
SC : Une amie journaliste de Karine m’a parlé de son projet de livre jeunesse qu’on a dû reporter avec le confinement et de là, elle m’a proposé « Confinée dans la dentelle ». Justine, je l’ai connue par Karine, comme souvent dans ce type de projets en binôme.
KSS : J’ai rencontré Stéphanie, mon éditrice, sur les réseaux. Je lui ai présenté mon projet de livre jeunesse sur le thème du voyage qui devrait sortir début à la fin de l’été et on a commencé à travailler ensemble, très vite, elle est comme moi, c’est une hyperactive, elle ne dort presque jamais ! Quant à Justine, c’est plus romanesque, au bord d’une piscine sur l’archipel de Zanzibar, on a échangé des mots et des dessins. On ne se doutait pas que deux mois plus tard, on mènerait ensemble un tel projet ! Justine a un don pour imager mes mots, ça tombe juste presque à chaque coup !
JR : J’ai rencontré Karine à Zanzibar un mois avant le confinement. On a échangé naturellement et avons gardé contact ensuite. J’ai rencontré par la suite Stéphanie que m’a présenté Karine.
Parlez-nous de votre ressenti du confinement dans votre métier à chacune ? Qu’est-ce que ça vous a apporté ou enlevé ? Qu’est-ce que ça a changé ?
SC : Un grand silence. Plus de mail, plus de commande, l’annulation des salons, des dédicaces, des événements. Un effet domino. Assourdissant au début. Heureusement que je suis auteure également et que j’ai pu me reporter sur l’écriture. L’édition ne s’est réveillée qu’avec Karine et son projet.
KSS : Un confinement très créatif pour moi en tant qu’auteure. J’ai écrit avec une grande régularité. Mes chroniques. Le débit du troisième opus de ma saga « Sœurs ». J’en avais besoin. C’était cathartique. Et « Confinée dans la dentelle » était une nécessité pour moi. Même si je suis encore étonnée que ces chroniques soient devenus un livre !
JR : Je travaille en freelance comme styliste print, j’ai continué mes activités en télétravail pendant le confinement en même temps que le projet du livre. Ne pas pouvoir sortir était compliqué, comme pour tout le monde, mais ça m’a aussi permis d’être plus organisée et ce projet était un belle façon de sortir de cette « morosité ambiante » que décrit Karine.
Où trouver « Confinée dans la dentelle » ?
Sur la boutique de Yucca Editions
Ebook
Livre en précommande
Bientôt en librairie …
La bande son de « Confinée dans la dentelle » sur Deezer