Du 12 au 28 novembre 2025, Supernova revient avec une édition anniversaire foisonnante, à l’image de la jeune création qu’il défend depuis ses débuts. Sous l’impulsion de Karine Chapert, nouvelle directrice du Théâtre Sorano, le festival toulousain s’affirme plus que jamais comme un tremplin pour les artistes émergents et un espace d’audace, de partage et de convivialité. Culture 31 a échangé avec celle qui porte désormais la flamme du Sorano.

Karine Chapert © Franck Alix
Culture 31 : Cette année, Supernova fête son 10è anniversaire. Pouvez-vous rappeler l’essence de ce festival ?
Karine Chapert : C’est un festival qui a été fondé par Sébastien Bournac, précédent directeur du Sorano, avec cette idée de donner de la visibilité à la jeune création, que ce soit avec des compagnies d’Occitanie, mais aussi des compagnies françaises et européennes. L’idée était vraiment d’avoir un temps fort dédié pour qu’elles puissent montrer leur travail, à la fois sur des créations de spectacles et sur de la diffusion. Il y a aussi des maquettes : ce sont des compagnies qui vont montrer un moment de leur temps de travail. Ce sont donc des spectacles qui ne sont pas encore finis, mais qu’ils présentent pour l’éprouver devant un public et pouvoir le montrer à d’éventuels programmateurs.
En dix ans, qu’a apporté Supernova ?
Disons qu’il y a deux entrées. D’abord une entrée « public », où on a un festival très bien identifié comme un temps dédié aux jeunes compagnies par les Toulousains et les Toulousaines. Qui dit jeunes créations et compagnies émergentes, veut aussi dire thématiques très sociétales, avec des partis pris qui peuvent être assez radicaux, assez forts. Supernova est aussi un espace pour les spectateurs et spectatrices où ils vont pouvoir prendre peut-être plus de risques dans le choix des spectacles que dans le reste du rythme de la saison. Donc ça, c’est vraiment intéressant.
Après, c’est un temps qui est très bien identifié par les directeurs et directrices de lieux comme un temps de repérage artistique, au même titre que le festival Impatience à Paris, le festival WET à Tours et le Festival d’Avignon. Donc c’est un temps qui est repéré à la fois par les programmateurs et programmatrices d’Occitanie, mais aussi du reste de la France, où ils vont pouvoir découvrir des travaux et éventuellement programmer des compagnies. Du côté des compagnies, Supernova est une espèce de caution. Le festival a acquis suffisamment de notoriété et est repéré pour la qualité de sa programmation.

Sans faire de bruit © F. Mauviel
Cette édition 2025 est décrite comme audacieuse et flamboyante. Comment cette énergie va-t-elle se traduire ?
Déjà, il fallait qu’elle soit flamboyante, parce que c’est la dixième ! C’est le premier anniversaire à deux chiffres, donc c’était vraiment important. Et c’était important pour moi aussi, parce que c’est la première édition du projet que je porte aujourd’hui. Je l’ai voulue avec beaucoup de spectacles, donc c’est une édition où il y a beaucoup d’évènements, avec des nouveautés, et des partis pris très militants. C’est pour ça qu’elle est à la fois audacieuse et flamboyante.
Théâtre, lectures, dj set… Pourquoi cette diversité de formats vous semble importante ?
Parce qu’un festival, ce n’est pas simplement un empilement de spectacles. Le but est vraiment d’essayer de trouver un endroit de parcours pour le public. Et le théâtre aujourd’hui, ce sont des formes hybrides au plateau, c’est un art qui va faire appel à la fois à de la danse, aux mouvements, aux arts plastiques… Ça va se nourrir de plein de choses, et le festival doit en être le reflet. Et puis, je trouvais ça extrêmement intéressant de faire aussi advenir la lecture, que le public puisse avoir accès au spectacle d’abord par ce qui est écrit. Ça peut-être une entrée moins effrayante pour les spectateurs !
Simplement entendre un texte, voir comment il résonne dans la bouche de quelqu’un… C’est quelque chose pour lequel j’ai beaucoup d’appétence aussi ! Je trouve ça très beau d’entendre quelqu’un raconter une histoire et éveiller l’imaginaire du public simplement en parlant.

C’est un réflexe nerveux on n’y peut rien
C’est un évènement qui se veut convivial.
Avec toute l’équipe, on croit beaucoup à la question du lien et de l’humain. Ce sont des valeurs qui sont toujours défendues dans les créations qui sont jouées dans ce théâtre. Et on a envie que ça se diffuse aussi sur l’accueil du public.
Par ailleurs, ce nouveau cru a été conçu et imaginé avec de nombreuses structures toulousaines. Que dit cette dimension collective du tissu culturel local ?
Elle dit déjà qu’on ne peut plus faire autrement, en réalité. Plus que jamais, on travaille ensemble tous et toutes, parce que diminution des moyens. Et ici, on n’a qu’une salle, donc on a besoin d’autres espaces pour pouvoir proposer tous ces événements. Il faut que ça se déploie ailleurs qu’au Sorano. Au-delà de la contrainte, c’est une ambition de faire circuler le public dans plusieurs salles toulousaines. Qu’il puisse venir au Sorano, mais qu’il aille aussi à la Cave Poésie, au Théâtre du Pont Neuf, au théâtre Garonne… Ce sont des lieux très différents les uns des autres !
On passe par exemple du Garonne, scène européenne qui a trois espaces de jeu, à un endroit très intime comme la Cave Poésie, ou le Centre culturel des Mazades, qui a un gros travail de territoire sur les quartiers nord de Toulouse. Donc l’idée, c’est aussi de pouvoir travailler à la fois dans une synergie et dans une complémentarité des savoir-faire de chacun des lieux. On passe par exemple du Garonne, scène européenne qui a trois espaces de jeu, à un endroit très intime comme la Cave Poésie, ou le Centre culturel des Mazades, qui a un gros travail de territoire sur les quartiers nord de Toulouse. Donc l’idée, c’est aussi de pouvoir travailler à la fois dans une synergie et dans une complémentarité des savoir-faire de chacun des lieux. C’est assez jubilatoire et porteur.

Une pièce sous influence
Justement, diriez-vous que les rendez-vous hors-les-murs se démocratisent de plus en plus à Toulouse ?
Je pense que ce n’est pas arrivé aujourd’hui. Mais c’est vrai que depuis cinq ans, il y a vraiment une envie de maillage du territoire et de faire ensemble en respectant les savoir-faire et les identités artistiques de chacun des lieux. Et de pouvoir jouer de la complémentarité des plateaux. On peut presque faire du sur-mesure par rapport aux propositions artistiques qu’on accueille. Ce qui va permettre au public de voir les spectacles dans des conditions optimales. C’est aussi un gage de qualité et un engagement qu’on offre au public.
Vous avez pris la suite de Sébastien Bournac à la direction du Sorano en janvier 2025. Appréhendez-vous l’arrivée de Supernova différemment maintenant que vous êtes à ce poste ?
Différemment dans le sens où je signe une programmation, ce qui n’était pas le cas avant. Il y a donc un enjeu qui n’existait pas avant. Après, ça ne me crée pas plus d’inquiétude. Non pas que je me dise que tout va plaire, mais en tout cas, je défends bec et ongle tous les spectacles programmés, et je suis très contente de les montrer aux Toulousains et aux Toulousaines. Ce dont je suis très fière sur cette édition, c’est que 90% des spectacles sont portés par des femmes. Je pense que c’est quelque chose qui m’appartient.

Vive © Julie Cherki
Y a-t-il des envies déjà en réflexion pour les prochaines éditions de Supernova ?
L’envie et le projet, c’est que celle-ci se déroule telle qu’on l’a pensée, à la fois pour que les artistes aient plaisir à jouer dans ces lieux et que le public soit au rendez-vous. Je suis pour qu’on laisse le temps aux choses de se déployer.
En dehors du festival, quelles sont vos ambitions pour le Théâtre Sorano ?
Qu’il aille encore chercher d’autres publics, parce qu’on n’en a pas fini. Je crois qu’on a encore des batailles à mener pour que tous les gens, ou presque, se disent qu’ils peuvent mettre les pieds dans un théâtre. Ça, c’est fondamental pour moi. Les jeunes, c’est quand même le public de demain. Et pour que des jeunes gens passent ces quatre colonnes, il faut qu’il y ait dans la salle, sur la scène, quelque chose qui se raconte d’eux ou d’elles.
Notre ambition, c’est aussi l’inscription du Sorano dans sa proximité immédiate. C’est-à-dire les liens avec le Musée d’Histoire Naturelle et le Quai des Savoirs, pouvoir creuser un sillon très fort art-science avec ces deux bâtiments. On a eu un premier co-accueil avec le Quai des Savoirs, avant les vacances de Toussaint, sur le spectacle Faire Troupeau, qui était accueilli dans le cadre de l’expo du Quai des Savoirs sur la foule. Je pense qu’on va encore creuser ce sillon-là et susciter du désir, à la fois auprès des publics, pour qu’ils viennent voir ce qui s’y passe, et puis auprès des artistes, pour qu’ils aient envie de venir jouer dans ce lieu. Ce sont les artistes qui viennent nous chercher pour nous demander d’être programmés. Je pense que c’est la plus belle récompense qu’on peut avoir sur la qualité de la programmation défendue.
Propos recueillis par Inès Desnot


