Qui va donc s’en plaindre ? C’est un automne bondissant avec à la Halle aux Grains à 20h, lundi 24 novembre, le cycle Grands Interprètes de Toulouse qui vous invite à partager le programme suivant : le Müncher Philharmoniker dirigé par Tugan Sokhiev dans, l’Ouverture Les Hébrides de Mendelssohn suivi du Concerto pour deux pianos et orchestre de Poulenc avec pour solistes les frères Jussen, Arthur et Lucas des Pays-bas. Et pour clore, une œuvre fétiche pour le chef, la Symphonie n° 4 de Tchaïkovski.

Tugan Sokhiev © Jeremy Xie
Programme :
Felix Mendelssohn : Les Hébrides (la Grotte de Fingal), Ouverture en si mineur op. 26
Francis Poulenc : Concerto pour deux pianos et orchestre en ré mineur. Allegro – Larghetto – Final (Allegro molto)
Piotr Ilitch Tchaïkovski : Symphonie n° 4 en fa mineur, op. 36
Lucas et Arthur Jussen comptent parmi les duos de piano les plus prisés de notre début de nouveau millénaire. Compte tenu de leur illustre et fulgurante carrière internationale, on peut dire que les frères Jussen (nés en 1993 et 1996) sont les ambassadeurs éminents de la musique classique aux Pays-Bas. Avec leur jeu énergique, presque symbiotique, leur grande finesse sonore et leurs interprétations captivantes, ils sont encensés par la presse et par le public.

Lucas et Arthur Jussen
Les frères Jussen se sont produits très rapidement avec des orchestres internationaux prestigieux, dont le Boston Symphony Orchestra, le Chicago Symphony Orchestra, le Royal Concertgebouw, l’Orchestre du Festival de Budapest, le Gewandhausorchester de Leipzig et l’Academy of St Martin in the Fields. Ils collaborent avec des chefs d’orchestre renommés tels que Christoph Eschenbach, Iván Fischer, Sir Neville Marriner, Andris Nelsons, Yannick Nezét-Séguin et Jaap van Zweden.
Au cours de la saison 2025/26, Lucas et Arthur Jussen seront artistes en résidence auprès de l’Orchestre symphonique de la radio de Francfort (hr-Sinfonieorchester), apparaissant dans plusieurs programmes tout au long de l’année.
Ils enregistrent dès 2010 – ils n’ont pas vingt ans – pour la prestigieuse firme Deutsche Grammophon, avec à la clé déjà cinq albums consacrés à Mozart, Beethoven, Schubert et à la musique française, tous acclamés par la critique. C’est à la demande des deux frères que Fazil Say écrit Night en 2016.

Grotte de Fingal, île de Staffa, Écosse, par Thomas Moran (1884-1885) / High Museum of Art
FELIX MENDELSSOHN : Ouverture Les Hébrides, (la Grotte de Fingal), opus 26
Né à Hambourg en 1809, Mendelssohn fut l’un des musiciens qui vit le plus de contrées en son temps, n’ayant aucune contrainte financière particulière. Beaucoup parmi ses meilleures compositions furent inspirées par les endroits qu’il visita. Notamment l’Italie. Visitant l’Écosse pendant l’été de 1829, il atteignit les îles Hébrides. Il fut impressionné par cette merveille naturelle, la grotte de Fingal avec ses orgues basaltiques. Le thème qu’elle lui inspira fut noté dans une lettre sous une forme légèrement différente de celle que nous connaissons aujourd’hui. Sa composition fut faite en grande partie à Rome fin 1830. Il la révisa en 1832 et en donna la première audition à un concert à Londres le 4 mai 1832, sous son titre actuel.
Cette pièce constitue bien une des plus belles pages du romantisme de son auteur. Même Wagner, pas un “fan“ de Mendelssohn, dira de lui qu’il fut « paysagiste de premier plan, et son chef-d’œuvre est Les Hébrides, imagination merveilleuse, sensibilité raffinée, présentation d’un art consommé. » L’orchestration est magistrale, très évocatrice, avec une énorme quantité de textures orchestrales dans ce magique spectacle marin.

Portrait de Francis Poulenc (Collection F. Poulenc – Autorisation Rosine Seringe)
Francis Poulenc (1899-1963)
Concerto en ré mineur pour deux pianos et orchestre ~ 18 mn
Allegro ma non troppo / Larghetto / Allegro molto
Ce concerto est qualifié par certains de baroque. Pour faire plus simple, on dira plutôt que c’est un concerto en liberté, même si les connaisseurs de l’écriture pianistique du compositeur vous diront qu’ici, il fait preuve de préoccupations d’écriture plus poussées que dans ses œuvres précédentes. On est dans sa période essentiellement pianistique (1932) et il choisit une formule rarement exploitée, celle à deux pianos déjà rencontrée chez Bach, Mendelssohn, Mozart, et cela dans le même esprit de divertissement brillant.
L’ouvrage est indissociable d’une certaine Winnaretta Singer-Polignac, princesse Edmond de Polignac, américaine de naissance, admirable protectrice en ce temps-là des arts, des sciences et des lettres. Riche héritière des machines à coudre Singer ! elle mit sa fortune au service de l’ART, surtout de la musique. C’est elle qui commande l’œuvre au musicien afin de la faire jouer au Festival International de Musique. Contemporaine de Venise en 1932. C’est là que l’ouvrage fut créé. « Ayant toujours joué à deux pianos avec mon vieil ami d’enfance Jacques Février, je dois avouer immodestement que la première audition fut impeccable (…). Ce fut un franc succès, car l’œuvre est gaie et directe. » En effet, la personnalité de Francis Poulenc triomphe, l’œuvre étant une des plus typiques de son côté inventif, inspiré, spontané, et de sa liberté indéfectible.
Le Concerto comporte trois parties. D’abord un Allegro ma non troppo traité dans un caractère de dynamisme irrésistible et léger, d’un charme acide et mordant. On remarquera les préoccupations sonores du compositeur, les plus sensibles et les plus heureusement résolues, comme le dialogue entre les deux pianos. Suit un Larghetto qui emprunte l’allure d’un andante mozartien, bientôt suivi par un épisode plus “romantique“ et une sorte de valse rapide avant de revenir au thème initial. Le finale, allegro molto, fait montre d’une grande diversité stylistique : ronde légère, emprunts à des rengaines de music-hall, manière de jazz : tout cela sonne modern’style, puis s’alanguit, avant de s’achever dans un bref moment de grande virtuosité pianistique.

Münchner Philharmoniker © Judith Buss
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : « Qu’adviendra-t-il de cette symphonie ? Restera-t-elle vivante encore longtemps après que son auteur aura quitté cette terre, ou sombrera-t-elle aussitôt dans le gouffre de l’oubli ? Je ne sais, mais je sais que pour l’instant, je suis capable de voir les défauts de mon dernier né. Et je suis de plus en plus persuadé que du point de vue de la facture et de la forme, elle représente un pas en avant dans mon évolution. »
Symphonie n°4 en fa mineur, op. 36
Elle est dédiée “à mon meilleur ami“ (en réalité à sa protectrice et confidente Nadejda von Meck)
Première audition le 10 février 1878 à Moscou. Nikolaï Rubinstein dirige – succès mitigé
À Saint-Pétersbourg le 25 novembre. Napravnik dirige. Elle est triomphalement accueillie. Le Scherzo est bissé.
Durée moyenne 40’à 45
Nomenclature orchestrale :
2 flûtes – piccolo – 2 hautbois – 2 clarinettes – 2 bassons – 4 cors – 2 trompettes – 3 trombones – tuba – timbales – percussion – cordes.

Piotr Ilyitch Tchaïkovski
En moins d’un mois, la Quatrième fut achevée. L’assiduité et la concentration permirent au compositeur de surmonter les difficultés qu’il rencontrait et le tenaillaient. « Jamais encore, aucune de mes œuvres d’orchestre ne m’avaient coûté autant de peine, mais peu à peu, j’y ai pris goût, et maintenant j’ai du mal à m’arracher à mon travail. Je peux me tromper, mais il me semble que cette symphonie est une œuvre exceptionnelle et qu’elle est ce que j’ai fait de mieux jusqu’à présent. Je puis maintenant me consacrer à mon travail en ayant conscience que l’ouvre qui sort de ma plume ne sera pas destinée à l’oubli. »
À madame Nadezha von Meck, bienfaitrice ? et dédicataire. « Vous me demandez si cette symphonie possède un programme précis ? Je vous répondrai – aucun. Mais en fait, il est difficile de répondre à cette question. Comment exprimer ces sensations indéfinies par lesquelles on passe lorsqu’on écrit une œuvre instrumentale sans sujet précis ? C’est un processus purement lyrique. C’est la confession musicale de l’âme qui est passée par beaucoup de tourments et qui par nature s’épanche dans les sons, de même qu’un poète lyrique s’exprime par des vers. Il y a bien un programme dans notre symphonie, c’est-à-dire la possibilité d’expliquer verbalement ce qu’elle cherche à exprimer, et à vous, à vous seule je puis et je désire indiquer sa signification, à la fois dans l’ensemble et dans le détail. Naturellement, je ne puis le faire qu’à grands traits. »
La lettre, dont des extraits vont suivre, constitue un exemple à peu près unique dans l’histoire de la musique, d’une importance capitale pour comprendre, et la Quatrième, et bon nombre d’autres de ses œuvres.
Quelques mots sur les quatre mouvements : cliquez ici


