Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Les Trois Jours du Condor de Sydney Pollack
Difficile de choisir dans la riche filmographie de Sydney Pollack qui compte tant d’œuvres devenues des classiques et ayant récolté succès public comme critique à l’instar de Propriété interdite, On achève bien les chevaux, Jeremiah Johnson, Nos plus belles années, Tootsie ou Ouf of Africa. Sorti en 1975, Les Trois Jours du Condor illustre l’émergence à Hollywood d’un sous-genre que l’on pourrait qualifier de « thriller paranoïaque » sur fond de théorie du complot. Outre les traumatismes causés par les assassinats de John Kennedy, de son frère Robert puis de Martin Luther King, l’Amérique – embourbée au Vietnam – est travaillée par une crise de ses institutions et de ses idéaux dont le point d’orgue est le scandale du Watergate conclu par la démission du président Nixon. Nulle surprise dès lors que l’existence d’un « Etat profond » et les agissements criminels d’officines nourrissent au milieu des années 1970 des films comme Conversation secrète (1974) de Francis Ford Coppola, A cause d’un assassinat (1974) et Les Hommes du président (1976) d’Alan J. Pakula. A cette même époque, Pollack s’attèle donc au sujet et dirige son acteur-fétiche Robert Redford (ils tourneront sept films ensemble).
Analyste de la CIA dans un petit bureau de New York, Joseph Turner découvre alors qu’il revient de déjeuner que tous les membres de son équipe ont été assassinés. Contactant son supérieur au sein de l’agence, il manque à son tour d’être éliminé lors du rendez-vous que celui-ci lui a fixé. Commencent alors une course-poursuite et une enquête que le survivant – épaulée par une jeune femme qu’il a d’abord prise en otage – va mener au sein d’un tortueux théâtre d’ombres.
Banalité du mal
Entre le film d’espionnage et le thriller politique, Les Trois Jours du Condor se singularise par le profil des personnages qu’il met en scène, en l’occurrence des hommes presque ordinaires, de sages bureaucrates très éloignés des clichés forgés par James Bond et autres agents surhumains. Cette apparente banalité des protagonistes renforce le sentiment de réalisme et de peur puisque le danger peut ainsi surgir de l’individu le plus insignifiant. De même, Pollack préfère miser sur un climat d’angoisse et de tension diffuse que sur de pures scènes d’action.
Malgré ces singularités, le film reste limité par le classicisme (aux limites de l’académisme) de la mise en scène, son intrigue obscure (on ne comprend guère les motifs de la machination au cœur du récit), sa fin tellement ouverte qu’elle en devient frustrante. Face à Robert Redford, Faye Dunaway est réduite à un rôle de quasi potiche tandis que Max von Sydow campe un tueur au cynisme glaçant. Une vingtaine d’années plus tard, Sydney Pollack (par ailleurs remarquable comédien, on songe notamment à sa composition dans Eyes Wide Shut de Kubrick), fera une nouvelle incursion dans le genre du thriller paranoïaque avec La Firme. Signe des temps, un cabinet d’avocats d’affaires remplacera alors la CIA comme figure de l’organisation criminelle.
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