Critique. Concert. La Roque d’Anthéron. Parc du château Florans, le 22 juillet 2025. Ralph Vaughan Williams : L’envol de l’alouette ; Johannes Brahms : Concerto pour piano n°1 ; Antonin Dvorak : Symphonie n° 8. Liya Petrova, violon ; Alexandre Kantorow, piano ; Orchestre Philharmonique de Marseille ; Direction : Lawrence Foster.
La fine musicalité de Liya Petrova et Alexandre Kantorow irradie
sous le ciel de Provence
Très attendus par un public concentré et qui n’a pas laissé une place libre dans le théâtre de verdure, Liya Petrova d’abord puis Alexandre Kantorow ont été à la hauteur des attentes.
Liya Petrova toute gracieuse de présence a interprété avec une finesse remarquable le concerto pour violon de Vaughan Williams. L’envol de l’alouette est en effet une pièce construite comme un concerto enchainant les mouvements. Cette musique peut paraitre pâle mais en fait elle est comme un daguerréotype d’une passé révolu et idéalisé. La délicatesse de cette musique sous les doigts si sensibles de Liya Petrova gagne une poésie magique. C’est tout un idéal de la nature anglaise, celle qui n’existe plus en cette période d’anthropocène, qui est évoquée. Avec ce voyage dans le temps, tout en poésie majeure, Liya Petrova imagine des nuances, des couleurs et des phrasés d’une grande délicatesse. Son violon si lumineux, sa présence scénique si charmante font de l’interprète une véritable fée. Certes il est des concertos plus imaginatifs, plus puissants, ou plus mélodieux mais cette poésie si particulière peu de violonistes peuvent la défendre avec ce talent. Cette beauté au milieu des grands platanes, dans un air à la fraicheur idéale, nous a baigné dans une oasis de pureté et de douce lumière. L’orchestre philharmonique de Marseille a offert une grande beauté sonore pour accompagner la violoniste. Lawrence Foster à la baguette n’a pas suivi totalement sa soliste dans sa vision si poétique.
Alexandre Kantorow est très applaudi lors de son entrée en scène. Il existe un véritable amour du public pour ce musicien français si talentueux. Cette année a été très concertante pour le jeune musicien. Il va encore se rendre à Londres pour les Proms et au Verbier. Ce premier concerto de Brahms l’accompagne régulièrement. Tout dernièrement il l’a interprété à Paris avec le Philharmonique de Radio France sous la direction de John Elliot Gardiner. L’aisance avec laquelle il aborde cette grande œuvre n’appartient qu’à ceux qui sont très proches de l’univers de Brahms. On sait le lien musical fort qui uni Alexandre Kantorow à Brahms. Il a tout pour éblouir dans ce concerto très symphonique. Ce soir avec L’Orchestre de Marseille placé sous la direction de Lawrence Foster il n’aura pas l’exigence et la subtilité de John Elliot Gardiner pour partenaires. Son interprétation sera plus directe, plus simple et plus pianistique. L’orchestre joue fort et nuance peu. Le pianiste sait les moments où il peut davantage chanter et délicatement nuancer. Ailleurs il résiste au déferlement symphonique. Le mouvement le plus réussi sera le final ou un véritable élan mutuel permet enfin un accord entre le chef et le soliste. Le public ravi par le talent du pianiste lui fait une ovation tonitruante.
Pour le bis nous aurons la surprise de retrouver Liya Petrova. Les deux musiciens nous offrent un superbe extrait de la sonate de Richard Strauss. Le deuxième mouvement nous entraine vers un monde de pure poésie et l’accord entre les deux amis est absolument magnifique.

La complicité amicale aux saluts est évidente. Photo: H.S.
Après l’entracte l’orchestre s’engage dans la huitième symphonie de Dvorak. C’est brillant et l’hédonisme de la direction de Lawrence Foster n’a pas de limites. Des cuivres extérieurs, des bois sur-jouant et des cordes sur stimulées donnent une interprétation un peu trop « à l’américaine » et l’ambiance « Mitteleuropa » n’est pas présente. La valse en particulier est sans souplesse et sans nuances. La chef âgé de 83 ans et qui semble très heureux de diriger à nouveau cet orchestre qu’il connait très bien pour avoir été à sa tête durant 12 ans peut être fier d’arriver au bout d’un concert si généreux. Nous resterons donc sur cette fête qui permet à un orchestre et un chef de se retrouver mais le temps a passé. Et ce sont le deux jeunes solistes qui seront les trésors de la soirée.
Photos : Pierre Morales
Hubert Stoecklin
lien pour écouter Alexandre Kantorow dans le premier concerto de Brahms