Ombres Blanches expose à nouveau Bernard Plossu, dont la photo sensible capte avec grâce de purs moments de bonheur. Durant tout l’été, la librairie toulousaine proposera des tirages inédits sous le titre « España en Fresson ». Deux rencontres sont prévues avec le photographe, vendredi 4 et samedi 5 juillet.

Du réel à l’abstrait avec le tirage Fresson. Photo Bernard Plossu
Début 2021, la librairie Ombres Blanches offrait ses cimaises à Bernard Plossu et à sa femme, Françoise Nuñez, sous le titre « Modus Vivendi », dans un dialogue tout de subtilité et de tendresse. Malheureusement, ce beau moment partagé était suivi, en décembre de la même année, par une triste nouvelle : la mort de l’artiste toulousaine. Eté 2025 : encore très affecté par la perte de son grand amour, Bernard Plossu lui rend hommage en nous racontant leur Espagne, Françoise Nuñez étant originaire d’Almeria. C’est dans cette région de soleil et d’intense chaleur que le couple vécût, plusieurs années, avec ses deux enfants, Joachim et Manuela. Et que Bernard Plossu ne cessa de photographier, ainsi que nous l’avait déjà montré la galerie du Château d’Eau fin 2018. Connu pour ses portraits et ses paysages très simplement esquissés en noir et blanc grâce, le plus souvent, à des appareils tout à fait ordinaires, l’artiste parisien a toujours pratiqué parallèlement la couleur. Mais à sa manière, intuitive et caressante. Pas question pour lui d’en mettre plein la vue, d’abuser de violents contrastes chromatiques.

Du quotidien naît parfois le mystère. Photo Bernard Plossu
A l’inverse, il va privilégier, dès 1967, les tirages Fresson, comme l’on fait Bernard Faucon, Paolo Reversi ou Sarah Moon. Imaginé à la fin du XIXe siècle, et adapté à la couleur en 1952, ce procédé au charbon de bois – nous ne rentrerons pas dans les détails, assez complexes – a pour première qualité d’assurer une longévité inégalée aux tirages. Elle donne également un rendu qui n’a rien de réaliste aux images, qui semblent comme recouvertes d’un voile de mystère.
« Mes photos ne sont pas des tableaux! »
Pour autant, Bernard Plossu déteste que l’on compare ces tirages très particuliers à des tableaux, comme il le précise dans le livre « Plossu, tirages Fresson » (Textuel, 2020) : « Le drame – et cela m’arrive au moins dix fois par an –, c’est quand quelqu’un s’exclame devant un Fresson : On dirait un tableau. C’est exactement ce qu’il ne faut pas dire. » Ce qui n’empêche pas l’artiste d’évoquer des inspirations picturales comme Morandi, Corot, Courbet ou, dans le domaine du cinéma, Antonioni.

Libre comme l’air… Photo Bernard Plossu
Bernard Plossu récuse aussi la comparaison avec le pictorialisme, mouvement photographique des origines qui s’efforçait le plus possible de se rapprocher de la peinture. Il résume son travail couleur de façon lapidaire et poétique à du « vécu-vu cubiste comme le noir et blanc ».
Pour l’exposition « España en Fresson », conçue par Bernard Plossu et le photographe toulousain Jacques Mataly, Ombres Blanches a mis à disposition sa galerie de la rue Mirepoix et l’ancienne librairie étrangère (qui déménage rue Sainte-Ursule), où se tiennent les rencontres avec les écrivains. Il fallait bien cela pour accrocher 120 tirages, pour la plupart inédits. Et rappeler à tous combien la période andalouse de Bernard Plossu fut intense, artistiquement et sentimentalement. Ne dit-il pas que les années où il vécût dans la petite ville côtière de Nijar, avec Françoise et les enfants, furent « les plus belles de notre vie ».
Exposition « España en Fresson », du 4 juillet au 6 septembre, galerie Ombres Blanches (rue Mirepoix), Toulouse. Gratuit. Vernissage vendredi 4 juillet à 18 heures en présence de Bernard Plossu. Rencontre avec le photographe et Jean-François Fresson samedi 5 juillet à 11 heures. Projet d’un film inédit de Henri Herré sur le travail éditorial de Bernard Plossu le 6 septembre à 11 heures.