« Ce sont les artistes du street art qui marquent le mieux notre temps » Fabien Michel
Fabien Michel, toulousain et sportif dans l’âme, pratiquant la mer comme la montagne, passionné par Banksy, vient d’intégrer le Cercle des Mécènes du Musée des Augustins, une institution assez loin dans ses collections du street art ou des œuvres au pochoir de ce peintre mystérieux auquel ce jeune mécène voue un véritable culte. Fabien Michel a bien voulu nous expliquer les raisons de cet engagement. Un engagement qui va bien plus loin que l’art pictural en lui-même.
Rencontre.

Fabien Michel devant une œuvre du street artiste toulousain Dran
Culture 31 : Fabien Michel, qui êtes-vous ?
Fabien Michel : Je suis né à Toulouse, où j’exerce la profession d’agent immobilier. Je travaille également dans la rénovation d’immeubles anciens. J’avais le souhait de devenir commissaire-priseur. Mais autant l’art pictural et la sculpture me passionnent, autant je n’arrive pas à croiser cette passion pour d’autres formes artistiques. Aujourd’hui, mon goût se focalise sur le street art. J’aime le « dehors » et je ne pouvais que rencontrer cet art qui me correspond totalement. Je dois ajouter que je développe depuis 2020, en marge de mon activité immobilière, une activité de galeriste et de marchand d’art. Cette activité est souvent comme un corollaire à celle de collectionneur. Le tout est d’être vigilant à un certain équilibre économique et au qualitatif que l’on s’est fixé. Le monde de l’art est juste un microcosme dans lequel les intervenants se croisent en permanence. Je suis très sensible aux artistes, aux mouvements qui marquent une époque. Je peux citer comme exemple les impressionnistes, les surréalistes. Aujourd’hui, à mon sens, ce sont les artistes du street art qui marquent le mieux notre temps.
Vous venez d’adhérer au Cercle des Mécènes du Musée des Augustins. Comment avez-vous eu connaissance de l’existence de cette Association et pour quelles raisons l’avez-vous rejointe ?
J’ai découvert cette Association par relation personnelle avec Claude Scavazza, le Président du Cercle. En fait, ce qui m’a interpellé, alors que je n’ai qu’une connaissance moyenne de l’art pictural jusqu’au 19e siècle, c’est la curiosité et l’envie d’en savoir davantage et ne plus me cantonner par goût personnel à la peinture contemporaine. Mais ce n’est pas tout. J’ai vite compris combien les entreprises qui adhèrent à ce Cercle sont importantes dans le développement non seulement de ce centre culturel qu’est le Musée mais aussi dans le développement de toute une ville au travers de ses habitants.

Salon Rouge du Musée des Augustins © Daniel Martin
D’après vous, quelle est la place de la Culture dans une société ?
A mon avis, elle est prépondérante. Tout en sachant qu’il y a deux cultures : celle qui fait vendre et celle qui instruit et fait réfléchir. La première nous envahit sans que nous nous en apercevions. Elle peut se nicher derrière une collection de vêtements, un parfum et bien d’autres supports. Des sommes astronomiques sont en jeu. La seconde est le domaine des artistes qui font réfléchir en interprétant picturalement la société qui nous entoure et à laquelle nous appartenons. C’est cette dernière qui m’intéresse. Si vous me demandez d’illustrer mon propos par un nom, je citerais le Britannique Banksy bien sûr. Son travail au pochoir est juste fabuleux. Aujourd’hui il est reconnu mondialement, même si nous ne savons pas qui il est en définitive. Ce qui est sûr c’est qu’il a acheté un bateau pour venir en aide aux migrants en péril, qu’il est allé en Ukraine pour illustrer sur place l’agression dont est victime ce pays. Ses messages, si l’on veut bien s’attarder sur eux, vont très loin, beaucoup plus loin dans tous les cas qu’un sigle sur un sac à main…
Comment vous est venu ce goût pour l’art pictural en particulier ?
Je n’ose dire que c’est par facilité. Ceci étant, alors que j’aime beaucoup la musique ou d’autres formes artistiques, la peinture a ceci de fascinant qu’elle s’impose à vous au premier regard. On aime ou pas, après c’est une question d’esthétique mais le sujet est là, définitif, à portée de vos yeux. J’ajoute, si vous permettez, que la peinture est toujours à la croisée des chemins et exprime systématiquement une époque, les évolutions, voire les révolutions dont elle est témoin. Ce qui n’est pas rien. Il faut toujours tenter de regarder derrière une peinture pour essayer de comprendre ce qu’elle nous raconte. Un exemple ? Le regard de Monna Lisa. Un demi-millénaire après qu’il fut saisi par Leonardo da Vinci, il questionne toujours le monde entier.
Que représente pour vous cet engagement dans le Cercle des Mécènes du Musée des Augustins et qu’en attendez-vous ?
Je suis très curieux ! Aujourd’hui le Cercle étudie l’achat d’un tableau des tous débuts des années 1900*. Une période que je ne connais pas du tout et sur laquelle finalement, grâce à ce projet d’achat, je me suis documenté. Sans le Cercle, jamais je n’aurais fait cette démarche. Ce qui a de passionnant au Musée des Augustins c’est que la période de sa collection va du Moyen Âge au début du 20e siècle. C’est vertigineux. Je dois ajouter que si l’art est quelque chose qui, comme par définition, est passionnant, il réunit des personnes qui le sont tout autant. Et ce n’est pas le moindre des apports de ce Cercle. Nous sommes dans le partage complet d’une passion commune. Ce qui m’a convaincu d’entrer dans cette association est aussi cette manière de faire bénéficier le plus large public des subsides de finances privées. Nous le savons tous, de nos jours encore plus qu’hier, l’argent public va se faire rare. Qu’une entreprise décide d’investir dans la culture, c’est automatiquement placer son action dans un temps long qui la dépasse complétement. C’est au travers de mon agence immobilière que je suis adhérent au Cercle du Musée des Augustins. Je trouve que cela fait sens car je vais croiser, en terme de communication, mes deux activités, celle dans l’art et celle dans l’immobilier. Je veux donner une éthique spécifique à ma société, particulièrement concernant la branche rénovation de l’ancien, une activité dans laquelle je fais souvent appel à des artisans d’art.
Quel message souhaiteriez-vous faire passer aux personnes qui hésitent encore à se lancer dans le mécénat ?
Il arrive que de superbes machines industrielles ou personnelles tournent un peu en rond en terme d’activité, même si le compte de résultat est brillant. Le mécénat est capable de donner une autre finalité à son activité, une autre dimension. Car, en plus d’élargir la visibilité d’une affaire, le mécénat marque son histoire définitivement, bien au-delà de sa légitime finitude. Un dernier exemple ? Regardez les Princes de la Renaissance italienne. Si ces familles, certes richissimes, mais pas que, n’avaient pas passé ses commandes à des peintres et des sculpteurs parfois dans la misère ou inconnus, je pense à Botticelli ou Michel-Ange, où en serait l’art aujourd’hui ? Sans avoir les moyens de Cosme ou de Laurent de Médicis, je suis persuadé que tout le monde peut être partie prenante à l’histoire de l’art.
Propos recueillis par Robert Pénavayre