Jusqu’au jeudi 12 juin 2025, Melchior Picaut expose ses toiles abstraites-brutes dans les locaux Ô Local, au 18 Port St Etienne à Toulouse (Quartiers Place Dupuy/Aqueduc). Techniques de feutres à alcool et de posca, et influences hippie et tribales africaines sont la symbiose de l’œuvre de Melchior, et ce, dans un coworking vivant, de type loft. Une plongée originale dans l’humain artistique entouré de gens au travail, cette exposition est gratuite.

Melchior, artistes aux tons abstraits-bruts uniques et inspirés de l’art hippie des années 1960/70 et de l’art tribal africain, expose Ô Local jusqu’au jeudi 12 juin 2025 © Melchior Picaut
Dans les bureaux d’Ô Local consacrés au secteur immobilier, les immobiles toiles de Melchior hypnotisent et bougent des yeux de celles et ceux qui les regardent. Les explorer révèle un art grouillant de vie.
Le vivant sur toile
Au 18 Port St Etienne, Melchior Picaut transforme les locaux modernes fondés sur brique rouge toulousaine et carrelages anciens d’Ô Local en galerie vibrante. Jusqu’au 12 juin 2025, ses œuvres, tracées au feutre à alcool et posca (un type de marqueur acrylique largement utilisé dans l’art contemporain, ndlr), épousent les bureaux d’Ô Local et le Local 1, l’espace attenant. « Par mon art, je cherche à exprimer des visions, des sentiments d’espaces pleins et grouillants […] comme un être vivant qui se bat pour exister », confie l’artiste.
Big Living (Melchior, 2025) impacte de ses couleurs turquoise et violacée, tandis que Double Nature (Melchior 2022) est dessinée au feutre de précision sur papier. « J’aime que mes créations parlent de nous, êtres humains. Dans le beau comme dans la folie […] », ajoute-t-il. Les yeux figés, celui qui est happé par les formes psychédéliques de Melchior y observe des mots anglais comme « sunshine » (soleil, ndlr) ou « love » (amour, ndlr) dans des toiles, mi-hippies des années 1960/70, mi-tribales. « C’est hypnotisant, on y voit comme des yeux de partout, tu te sens observé », note un coworker (collègue, ndlr) d’Ö local. Une autre y voit « une âme de cartoon » ou une version du fameux jeu de trouvaille « Où est Charlie ? » artistique, mêlant courbes libres et symboles africains : des modulations si chères à l’artiste Melchior Picaut.

« Big Living », Melchior, 2025. Oeuvre au feutre à alcool et posca sur papier. Crédit photo : William Alimi
Ô Local, où l’art rencontre la vie
Ô Local, un espace de coworking ancré à Port St Etienne depuis près de dix ans, n’est pas seulement un bureau. « Ce n’est plus un lieu de passage, on prend le temps de regarder ce qui lie intérieur et extérieur, à savoir les œuvres présentées », explique Angèle Essahli, office manager d’Ô Local, qui s’occupe de la gestion du lieu accueillant les artistes toulousains émergents. En exposant Melchior, sélectionné via un appel sur les réseaux sociaux (Linkedin, Instagram), Ô Local tend à désacraliser l’art. « On veut le rendre accessible, provoquer des rencontres ». Les toiles, cadrées à l’entrée ou sur canevas dans l’open-space, sont appréciés des coworkers et des visiteurs : « on profite de leur beauté au quotidien ».
Gratuit, l’exposition originale dans la forme comme dans le fond s’ouvre à tous. « On expose sans frais pour l’artiste, on couvre tout », précise Angèle Essahli, rêvant d’un lieu encore plus tourné vers l’extérieur, prêt à accueillir associations ou événements toulousaines. Melchior, habitué des expositions dans la région toulousaine (MJC de Castanet-Tolosan en 2019), trouve ici un écho. « On peut choisir d’y voir ce qu’on veut », conclut Angèle Essahli, invitant à contempler ou rêver face aux œuvres qui rendent plus agréable encore le cadre de vie au travail.
Jusqu’au 12 juin, l’art brut et vif de Melchior s’illumine dans l’espace moderne, fait de noir, de blanc et de rouge, d’Ô Local.
Informations pratiques
Ô Local, 18 Port Saint-Étienne et 8 Impasse Bonnet, 31500 Toulouse
Jusqu’au jeudi 12 juin 2025
Ouverture du lundi au vendredi : 8h30-18h
Entrée
Gratuite
À voir absolument. Melchior Picaut expose un art moderne et frais, inspiré du mouvement culturel hippie des années 1960 et 1970 et de l’art tribal. Utilisant l’original feutre posca, ses toiles de toutes les couleurs donnent une nouvelle lumière, Ô Local, un lieu de coworking du secteur de l’immobilier fait de briques rouges de notre Toulouse aux couleurs noirs, rouges et blanches, épouse parfaitement l’âme des oeuvres de Melchior.
Melchior Picaut, artiste toulousain dont les toiles illuminent Ô Local, s’est entretenu avec Culture 31.
Comment naît une nappe abstraite sous vos feutres posca ?
Melchior : Elles se créent d’elles-mêmes. Je me laisse aller par la musique, les ambiances. Tout se fait malgré moi, avec des gestes attentionnés de premier plan, dans le but d’avoir une écriture automatique qui se fait. J’ai besoin de ne plus avoir d’attache sur le sol, pour une création automatique. C’est un aléatoire mais tout est placé à sa juste place, réfléchi pour créer une nouvelle nappe suscitant un agréable. Je me laisse aller dans des mouvements : je danse, j’ai besoin que mon corps bouge quand je crée, toujours dans une énergie positive.
Quels symboles guident vos œuvres comme Big Living (2025) ?
Melchior : Les deux symboles qui me guident vraiment sont les fleurs et les yeux. La fleur rappelle ce qui est réel, vivant et palpable. Les yeux représentent autant de personnes que peut représenter l’effet d’une personne sur une autre : les yeux jugent et contemplent. Le regard est différent selon qu’on regarde ou qui nous regarde. J’essaie de mettre en composition le vivant et mes yeux. J’ai une vision naïve de la vie : je peins donc pour me réapproprier le monde qui m’échappe. Les symboles ne sont que des prétextes à mettre des couleurs le plus possible.
La musique, comme je le disais, régit ma vie artistique. C’est un rêve secret : j’aimerais créer de la musique. J’écris un peu de poésie, en me basant parfois sur certaines fenêtres créées. L’histoire de ces œuvres-là, c’est comme si on prenait un subconscient au microscope, qu’on le coupait en deux et qu’on voyait ce qui s’y passait : les bonnes ou mauvaises choses, dramatiques ou bien belles.
« Mes œuvres sont là où elles doivent être. Tant que celles-ci voyagent et font voyager, c’est gagné. » – Melchior
Comment Ô Local dialogue-t-il avec vos toiles ?
Melchior : C’est un très beau parallèle. Selon le local, je choisis les œuvres à présenter, ce qu’elles vont faire ressentir au-delà d’une facilité technique. Dans mes œuvres, j’essaie de parler des choses de la vie, de ce que je ressens. La joie de vivre des Toulousains et l’architecture de la vie m’ont inspiré. Mes œuvres sont là où elles doivent être. Tant que celles-ci voyagent et font voyager, c’est gagné.

L’artiste toulousain Melchior rêve d’exposer partout dans le monde de l’art © Melchior Picaut
L’art est devenu une urgence : mon père avait attrapé la maladie de Charcot. Je n’étais pas bon à l’école et avant qu’il parte, je voulais lui prouver que je savais faire quelque chose de mes mains. Je n’ai pas un parcours de vie facile. Dans ce contexte, au lieu de dire le plus de choses avant de dire les belles choses, je prends le détour et dit directement les belles choses. J’ai une sainte horreur du blabla. J’aime ce qui est de l’ordre de la passion. Si on n’a plus rien à dire, ce n’est pas grave, on se regarde. Je préfère la vie fragmentée, comme mes morceaux dans mes œuvres le révèlent.
« [En exposant], on a le sentiment de donner son enfant à quelqu’un d’autre. » – Melchior
Comment les Toulousains peuvent-ils se connecter à votre art abstrait-brut ?
Melchior : L’abstrait, pour dire la notion générale de mes œuvres est simple, Un enfant de huit ans peut comprendre l’expérience, le fait qu’il y ait plein de couleurs qui suivent celles de l’arc-en-ciel, et ce, dans le but de toucher le plus de personnes possibles. Le côté brut est dans la manière dont je fais création : il y a une transe automatique au-delà de moi qui me dépasse, basée sur aucun code. Je n’ai pas appris à faire de l’art aux Beaux-Arts, mais je l’ai construit en autodidacte.
Les expos sont un moment spécial. On met un morceau de notre âme, qui a demandé beaucoup de travail, à la vue de tous. Pendant ce temps où les œuvres ne sont pas chez nous, on a le sentiment de donner son enfant à quelqu’un d’autre.
Après des années de dessin, j’ai trouvé des symboles qui me plaisent et le gigantisme m’excite artistiquement parlant, c’est pourquoi je souhaite faire voyager mon art partout dans le monde