Avec « Sirât », présenté en compétition à Cannes, Oliver Laxe a réussi à partager critiques et public de façon virulente. Sa plongée dans l’univers alternatif des rave parties a enthousiasmé les uns et prodigieusement énervé les autres. Reste la quête touchante d’un père à la recherche de sa fille dans le désert marocain.
« Fait péter le son ! », lance une jeune femme à un copain qui tourne le potentiomètre. Vœu exaucé au-delà de tout ce qu’elle escomptait dans une des scènes chocs de « Sirât », mot qui signifie la frontière très étroite entre le paradis et l’enfer. Pour les adeptes de raves parties, le Nirvana se situe au plus près des enceintes, dans une extase qui doit beaucoup aux basses énormes et aux produits stupéfiants. Oliver Laxe, metteur en scène espagnol élevé en France nous avait impressionné avec les scènes d’incendies dans « Viendra le feu », qui avait obtenu le prix du jury Un certain regard, à Cannes, en 2019. Il nous immerge de la même manière dans l’ambiance électro régnant lors des fêtes extrêmes dédiées à la transe. Dès le début, le son bastonne, jusqu’à faire vibrer les sièges et souffrir nos oreilles. Un homme (Sergi Lopez, qu’on est heureux de retrouver dans un rôle important) se fraye un chemin au milieu des « teufeurs » bien allumés. Il est à la recherche de sa fille aînée, qui n’a pas donné de nouvelles depuis plusieurs mois. Son jeune fils l’accompagne dans une quête qui paraît désespérée.

Sergi Lopez en père éploré dans « Sirât ». Photo Pyramide
Après le Maroc, direction la Mauritanie, dans un désert qui se conquiert difficilement. Les pistes sont peu praticables, le vent souffle terriblement, la poussière coupe la respiration. Oliver Laxe colle aux basques d’une bande qui semble tout droit sortie de « Mad Max », réunion hétéroclite d’éclopés de la vie – et d’éclopés tout court. Dans un voyage se transformant peu à peu en cauchemar. Co-produit par les frères Almodovar, « Sirât » impressionne par son casting ahurissant, sa mise en scène bousculée par les éléments en furie et son sens de l’image forte (qu’elles sont belles ces lumières des véhicules roulant dans la nuit au milieu de nulle part). Mais Oliver Laxe, également coscénariste, idéalise à l’excès cette « famille » de marginaux revenus de tout et abuse de ressorts dramatiques à même de nous clouer au fauteuil. Dans une sombre odyssée laissant si peu de place à l’espoir…
« Sirât », d’Oliver Laxe, en compétition à Cannes, le 3 septembre dans les salles.