[Les arroseurs arrosés] : Quand les acteurs de la culture évoquent librement leurs passions, leurs projets et un de leurs plus beaux rôles, celui de témoin attentif des programmations locales.

Gabriel, Michel LEGRAND et son épouse Macha MERIL
Gabriel SARROU VERGNAC est tombé dedans quand il était tout petit… Une passion pour la musique, les belles mélodies, le spectacle. Un premier coup de foudre, quand il était enfant, avec l’univers de Michel LEGRAND et, quelques années plus tard, une rencontre déterminante avec Roger LOURET, maestro des spectacles musicaux… Il ne lui en fallait pas plus pour réaliser l’un de ses rêves : concevoir un véritable show autour du répertoire de l’homme aux 200 musiques de film. « Les Parapluies des Demoiselles » a remporté un vif succès, dimanche 13 avril dernier, au Casino Barrière de Toulouse. Le 18 mai prochain, c’est avec le spectacle « Les Années 60 » que Gabriel sera de retour sur cette même scène. Pour Culture 31, le mélomane évoque son riche parcours et revient également sur ses coups de cœurs en tant que spectateur.
Avant « Les Parapluies des Demoiselles », Gabriel SARROU VERGNAC est déjà venu présenter « Emmenez-moi », « Couleurs Provence »,« La Java des Mémoires » et « O Sole Mio » sur la scène du Casino Barrière. Une série de spectacles musicaux tous très chaleureusement accueillis par le public toulousain ! Mais pour le directeur musical de talent, originaire d’Agen, cette dernière création revêt une importance toute particulière : « Mon tout premier souvenir de comédie musicale remonte à l’enfance, chez mes grands-parents, en Dordogne. Ils avaient une cassette VHS des « Demoiselles de Rochefort », que je visionnais en boucle à chaque période de vacances. Un peu plus tard, au collège, Cathy JUDITH, m’a offert le rôle de Gavroche dans une adaptation des « Misérables ». Quelque chose s’est éveillé en moi. Ensuite, je suis entré dans la compagnie Les Baladins en Agenais. J’ai appris à faire ce métier, à concevoir des arrangements musicaux, à faire travailler les chanteurs et les musiciens ».
Travailleur acharné, Gabriel a réuni plus de 35 artistes sur scène afin de rendre hommage au génie de Michel LEGRAND. Une création qui lui a demandé beaucoup d’énergie : « C’est un projet qui a mis des années à prendre forme… Mais l’élément déclencheur reste évidemment ma rencontre avec Michel LEGRAND, grâce à son épouse Macha MÉRIL. Nous avions partagé un dîner, après une très belle soirée au théâtre d’Agen. C’était il y a 10 ans. Je me souviens d’un homme très impressionnant, d’une culture incroyable. Je me souviens aussi de quelques phrases très précises, de conseils, de recommandations d’ouvrages à lire… Tout ça a fait son chemin dans mon esprit, et je me suis toujours dit que, quand je pourrais avoir un vrai orchestre sur scène, je ferais un beau spectacle autour de son œuvre. C’est chose faite ».
Les planètes ont fini par s’aligner pour Gabriel et son envie de comédie musicale : « J’avais regardé beaucoup de films dont Michel LEGRAND a signé la musique. J’étais bien imprégné de son œuvre… Et puis j’ai travaillé avec la musicienne Avril MULLER, qui a monté l’Orchestre du Printemps. En discutant, je lui ai proposé d’intégrer une partie de son orchestre dans mon projet. Elle a accepté. J’avais désormais tous les éléments en mains pour concrétiser la création que j’avais en tête depuis des années ».

L’équipe du spectacle « Les Parapluies des Demoiselles »
Un voyage à Rochebour, avec Delphine et Délia
Sur scène, chanteurs, danseurs et comédiens ont donc redonné vie aux morceaux les plus emblématiques de Michel LEGRAND, avec une énergie nouvelle, mais en conservant l’esprit originel des compositions : « J’ai vraiment écouté tout ce que j’ai pu trouver de lui, avant de faire une première sélection. J’ai commencé à dessiner une histoire autour de cette sélection, un canevas. Puis j’ai donné mes idées à Martin HEUZARD qui a écrit les dialogues. J’ai aussi travaillé avec Marion GUÉDON, pour intégrer des chorégraphies au spectacle, avec des ambiances différentes. Nous avons travaillé intensément, chacun de notre côté, et la semaine avant la grande première (à l’Agora d’Agen), nous avons mis nos efforts en commun : musique, chant, danse, théâtre… Tout s’est assemblé en quelques jours, et j’étais vraiment impressionné par le résultat ». En effet, le public est propulsé avec entrain dans la ville de Rochebourg, où les habitants grognent contre des impôts locaux qui n’en finissent plus de grimper… Heureusement, Harmonie, la pétillante tenancière du bar local, a un plan : organiser une fête pour rassembler la ville et ramener un peu de joie. Son espoir repose sur l’arrivée de ses nièces jumelles, Delphine et Délia, fraîchement revenues de Londres avec leur meilleure amie, Anna, une star montante des comédies musicales anglaises.
« Je cherche à rendre la musique plus accessible »
Pour Gabriel : « Michel LEGRAND a réussi à créer des ponts entre la musique dite « savante » et la musique plus populaire. Je trouve ça très important, avec lui tout était possible. Il a fusionné les différents courants. Sa musique est une musique très pointue, mais avant d’écrire pour les autres ou pour le cinéma, il a aussi écrit des choses légères, très drôles ».
Créer des ponts, diffuser la musique très largement, mélanger les styles et assembler les genres, voilà ce qui a toujours guidé Gabriel dans ses différentes créations, plus d’une dizaine de spectacles musicaux à ce jour : « Quand j’ai étudié la musique, à la faculté, tout était très cloisonné. Dans mes créations, je cherche à rendre la musique plus accessible. À dépoussiérer certains registres qui peuvent être caractérisés, à tort, comme inaccessibles, ou pas dans l’air du temps. Pour la création du musical « Les Parapluies des Demoiselles », j’ai tissé de nombreux partenariats, comme avec le Conservatoire d’Agen, par exemple. Il est important de garder ce lien avec les institutions, et la jeunesse, afin de, pourquoi pas, faire des émules ! Je sais que je ne suis pas le seul dans cette démarche, et je trouve ça formidable ! Il faut intéresser tous les publics. J’ai vu notamment que l’Opéra de Toulouse y attachait une grande importance. C’est aussi notre mission ».
« J’aime être surpris »
La dynamique que Gabriel SARROU VERGNAC déploie dans ses projets est aussi celle qu’il aime retrouver lorsqu’il est spectateur : « Quand je découvre un spectacle, j’aime être surpris et découvrir des formes nouvelles. Je suis très sensible quand il s’agit de musique, bien sûr, mais je m’intéresse à toute forme de spectacle vivant. Par exemple, cette saison, j’ai vu la pièce « ADN » au Théâtre Michel, à Paris, et la forme innovante de ce spectacle m’a cueilli. À Toulouse, il y quelques années, je me souviens aussi avoir été envoûté par le talent de James THIERRÉE, au T.N.T, actuel ThéâtredelaCité… C’était complètement fou, et à la fois extrêmement poétique. Il jouait du violon sur des patins à roulettes… Il y avait tout… Tout ce que j’aime : la multiplication de formes, de la musique, du cirque, de la danse, du théâtre ».
Si Gabriel avoue s’être nourri de chaque spectacle qu’il a pu voir, certains l’ont évidemment marqué plus que d’autres : « J’ai un souvenir très vif de « Thyeste », en 2018, dans la cour du Palais des Papes à Avignon, dans une mise en scène incroyable de Thomas JOLLY ». Sa passion des comédies musicales est aussi alimentée par la découverte de spectacles musicaux : « À Paris, j’ai croisé la route Nicolas LEMPERIER, qui à l’époque était ingénieur du son au Théâtre Mogador, le temple de la comédie musicale. J’ai dû en voir trois ou quatre grâce à lui. De merveilleux souvenirs en tant que spectateur qui m’ont suffi pour attraper le virus ».

Les Années 60 – Le Musical
Le spectacle emblématique des Baladins en Agenais, sur la scène du Casino Barrière
Au printemps 1993, Roger LOURET et sa bande créent le spectacle « Le Twist », à Agen, qui deviendra plus tard « Les Années Twist ». Une farandole de tubes yéyés dans des tableaux colorés, couronnée par les Molières en 1995 comme Meilleur Spectacle Musical. Une tournée triomphale des zéniths et l’arrivée sur le petit écran de la célèbre émission « Les Années tubes », présentée par Jean-Pierre FOUCAULT, ont ensuite participé à l’ascension de la compagnie vers le succès.
Remonté par une poignée de disciples de Roger LOURET, dont Gabriel, le spectacle qui se nomme désormais « Les Années 60 » enchante le Théâtre de la Tour Eiffel, à Paris, depuis deux saisons. Avant d’en débuter une troisième en novembre prochain, quelques dates de tournée sont prévues… Dont une à Toulouse, le 18 mai prochain : « C’est une émotion très forte de revenir au Casino Barrière avec un spectacle de Roger. Nous avions donné dans ce lieu une très belle version de « La Java des Mémoires », un autre grand spectacle de la compagnie, juste après son décès. « Les Années 60 – le musical », c’est une fresque historique flamboyante… En musique, tous les contours de cette décennie sont évoqués : mai 68, la révolution sexuelle, l’âge d’or des yéyés et puis tous les bouleversements de ces années folles qui ont vu émerger Johnny, Cloclo, Bardot, Françoise Hardy, Dutronc, Eddy, les Stones, Hendricks, Dick Rivers, les Beatles, Aznavour, Sheila, Brel, Bécaud et les autres… Que nous ayons vécu ou pas les années 60, c’est un bon moyen de rentrer dans cette époque et de la découvrir, en chanson ! »
Avis à tous les amoureux du twist endiablé, des tubes yéyés qui font battre le cœur et des volants vichy qui valsent au rythme des souvenirs… Cette parenthèse enchantée, entre nostalgie et joie pure, vous fera revivre l’effervescence d’une époque où chaque chanson réveille une émotion.
Casino-Théâtre Barrière de Toulouse
Le musical de Roger LOURET, MISE EN SCENE : Lucy HARRISON – CHOREGRAPHIE : Olivier BENARD – DIRECTION MUSICALE : Gabriel SARROU VERGNAC – COSTUMES : Claire DJEMAH