Eric Neuhoff sera à la librairie Privat, à Toulouse, jeudi 17 avril, pour présenter « Penthotal », un récit à la fois terrible et tendre sur le grave accident de voiture qui a failli lui coûter la vie en 1978, alors qu’il n’avait que 22 ans. Et comment ce drame le ramène aujourd’hui aux passions et aux amitiés de jeunesse.
Critique littéraire et cinématographique au « Figaro », Eric Neuhoff a écrit plus de trente livres, alternant romans, récits et ouvrages sur le 7e Art. Avec « Penthotal », il revient sur l’été tragique où il a perdu un de ses meilleurs amis, Olivier, échappant, lui, de justesse à la mort. Il raconte l’accident de voiture, fragile 204 cabriolet percutant la pile d’un pont, sur la Costa Brava ; décrit une année d’hôpital marquée par la douleur et l’incertitude alors que remontent à la surface les souvenirs d’une jeunesse de dilettante, « morte sur le coup » en quelques secondes, remplacée par une vie ayant « enclenché le frein à main ». On retient son souffle avec Eric Neuhoff quand il est prisonnier de son lit de souffrance ; on l’accompagne dans sa folle adolescence, celle d’un étudiant (qui a notamment passé deux ans de prépa littéraire au lycée Fermat, à Toulouse) du genre « feu follet », « arrogant crétin et irresponsable définitif ». Et l’on déguste le sens de la formule de l’écrivain autant que ses références (le Bus Palladium, la trilogie Sebago-Burlington-Burberry, « Breakfast in America » de Supertramp, Diane Keaton dans les films de Woody Allen, les copains de « Nous irons tous au paradis », Truffaut et Sautet…) qui sont les marqueurs d’une époque.

Eric Neuhoff – Photo Denis Félix
Les événements que vous racontez ont eu lieu en 1978. Pourquoi avoir attendu tant de temps pour leur consacrer un livre ?
Ce récit, je ne l’aurais sans doute jamais écrit si Thibault de Montaigu ne me l’avait demandé pour sa collection « La confession ». Par ailleurs, il me semblait assez correct de le faire maintenant, avec le recul, pour rendre hommage à Olivier, mort dans la 204 qu’il conduisait.
Qui était Olivier ?
C’était un ami de Toulouse qui préparait Sciences Po à Paris et effectuait son Service militaire dans sa ville. En 1978, il venait pour la première fois nous rejoindre sur la Costa Brava pour quelques jours de vacances. Il me faisait penser à Jack Nicholson : pas très grand, petit nez pointu, de la malice dans les yeux. Il restera éternellement ce type de 23 ans, maître-étalon de cette époque-là.
Le temps a passé et pourtant vous décrivez avec une grande précision votre long séjour à l’hôpital…
Il faut croire que notre mémoire est comme un disque dur qu’il suffit d’activer pour que les souvenirs remontent. Surtout quand on a vécu un truc particulier qui n’arrive pas à tout le monde. Et qu’on a envie d’essayer de transmettre les sensations que cela procure – la violence, la douleur. Sur un lit d’hôpital, l’impression est très bizarre : on voit les choses par flashs ; on se réveille, on s’évanouit ; on aperçoit des silhouettes, on est imprégné par certaines odeurs. C’est terrible mais il y a quand même des moments cocasses.
La douleur est centrale dans votre récit…
Ceux qui disent que la douleur nous apprend quelque chose ont tort. Elle m’a peut-être mis du plomb dans la tête…et de la ferraille dans la jambe mais pas plus. Seule certitude : quand je suis passager dans une voiture, je fais très attention à ce qui se passe sur la route.
Votre livre est une nouvelle occasion de raconter « l’armure dorée » de la jeunesse. Comment décririez-vous la vôtre ?
Ma jeunesse n’était pas dorée, plutôt cuivrée ! Avec mes copains, on cultivait un côté Vitelloni. On se foutait de tout. On voulait s’amuser, on ne pensait pas à l’avenir. On repoussait toujours les choses sérieuses au lendemain. Ce n’était pas glorieux mais c’était comme ça. Il faut quand même se rappeler qu’à l’époque, il n’y avait pas de ceintures de sécurité dans les voitures, peu de limitations de vitesse sur les routes, pas de casque obligatoire pour les deux-roues…
Comme toujours dans vos livres, les références cinématographiques abondent…
Repenser aux films d’alors permet de faire ressurgir d’autres souvenirs. A l’hôpital, j’étais en état de manque. Je n’ai rien vu pendant un an. Ma mère m’apportait « Pariscope » et c’était très frustrant. « Voyage au bout de l’enfer », « Série noire » et « Sonate d’automne » sortaient dans les salles et moi, j’étais le couillon qui regardait Danielle Gilbert à midi à la télé au lieu d’aller à la première séance au ciné.
Dans les sorties récentes, quel est votre dernier coup de cœur ?
« The insider », de Steven Soderbergh. Ce film d’espionnage est très bien écrit…même si on ne comprend pas tout. Je recommande également un livre, « Tout, rien, quelqu’un » (Flammarion) où la fille américaine de l’acteur Mathieu Carrière raconte la vie bohème new-yorkaise dans les années 1990 et la descente aux enfers qu’elle a vécue. Il y est question de drogue et d’hôpitaux psychiatriques, d’une mère artiste, d’un père complètement taré. C’est vivant…et assez drôle.
Eric Neuhoff à la librairie Privat (14, rue Arts), Toulouse, jeudi 17 avril à 17 heures pour son livre « Penthotal » (Albin Michel, 214 pages, 19,90 euros). Tél.05 61 12 64 20.
> Un livre pour le week-end : Penthotal d’Eric Neuhoff