Tarmo Peltokoski est sur l’estrade devant les musiciens de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse, et la soliste violoncelliste est Sol Gabetta. Le programme est impressionnant. Le concert du jeudi 27 février à 20h à la Halle débute avec Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy suivi de Schelomo, Rhapsodie pour violoncelle et orchestre d’Ernest Bloch. Pour clore par ce monument, la Symphonie n° 1 de Mahler.
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Tarmo Peltokoski / Orchestre national du Capitole © Romain Alcaraz
Claude Debussy (Saint-Germain en Laye, 22 août 1862-Paris 26 mars 1918)
Prélude à l’après-midi d’un faune Durée 10’
Ce fut le véritable prélude au Debussy orchestrateur n’ayant jusqu’alors donné aucune œuvre symphonique importante. Écrit en 1892 et créé le 22 décembre 1894 à la Société Nationale de Musique de Paris. Le morceau dut être bissé. Il pose formellement ainsi les fondements de la musique moderne. Il imagine de tirer de l’églogue de Stéphane Mallarmé, l’Après-midi d’un faune, une symphonie en trois mouvements dont il ne va garder que le Prélude. Au-delà de l’éveil voluptueux du désir d’un faune dans la chaude moiteur d’un “dimanche après-midi dans les têtes“, c’est bien la musique moderne qui s’éveille. Il est réjouissant que cela soit dans la volupté ! Bien sûr, il ne s’agit point d’une illustration du texte sinueux et allusif de l’écrivain, lourd de suggestions charnelles et flottantes, mais d’une musique du désir, d’une prise de possession physique de la couleur de l’orchestre. Mallarmé écrira : « Cette belle musique ne dissone pas avec mon poème, et elle va encore plus loin, vraiment dans la nostalgie et la lumière, avec finesse, avec malaise, avec richesse. »
« Mon œil trouant les joncs, dardait chaque encolure
Immortelle qui noie en l’onde sa brûlure
Avec un cri de rage au ciel de la forêt,
Et le splendide bain de cheveux disparaît
Dans les clartés et les frissons, ô pierreries ! »
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Le Faune Pan et la Nymphe Syrinx 1759 – François Boucher
Ernest Bloch (né à Genève en 1880, mort à Portland Etats-Unis en 1959), compositeur, violoniste et chef d’orchestre.
Schelomo, rhapsodie pour violoncelle et grand orchestre
Violoncelle soliste : Sol Gabetta
C’est sans doute le chef-d’œuvre du compositeur suisse, datant du début du XXè siècle. Il puise sa force dans ses propres racines hébraïques et s’inspire de la figure biblique de Salomon. Une œuvre puissante à laquelle tout grand virtuose du violoncelle se mesure, sans exception, l’ouvrage faisant partie du Top 5 des partitions pour l’instrument.
« Comme on le voit, je n’avais aucune intention descriptive. J’étais imprégné du texte biblique et, surtout, de la misère du monde pour laquelle j’ai toujours eu tant de compassion. »
Bien que Bloch ait affirmé que l’œuvre n’avait pas de programme défini, il a suivi cette déclaration d’un commentaire qu’il a appelé une « psychanalyse » de l’œuvre. Il a déclaré que le violoncelle est la voix de Salomon, le rhapsode de l’Ecclésiaste, proclamant l’utilité de toutes choses, tandis que l’orchestre « représente le monde qui l’entoure et ses expériences de vie. En même temps, l’orchestre semble souvent refléter la pensée intérieure de Salomon tandis que l’instrument solo donne voix à ses paroles ».
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Ernest Bloch
Partition signée et datée en bas de la dernière page : Ernest Bloch, Janvier-Février 1916, Genève
– un seul mouvement d’environ vingt minutes
Première audition : 3 mai 1917 à New York (Carnegie Hall) par le violoncelliste Hans Kindler, violoncelliste solo de l’Orchestre de Philadelphie, accompagné par Artur Bodanzky dirigeant le New York Philharmonic.
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Sol Gabetta © Julia Wesely
A la suite de ses résidences à la Staatskapelle Dresden et au Bamberger Symphoniker la saison dernière et son apparition au Concert de Paris de la Bastille avec l’Orchestre national de France, Sol Gabetta a ouvert sa saison de concerts avec le Münchner Philharmoniker
Quelques mots sur la carrière de Sol Gabetta, cliquez ici
Gustav Mahler (1860-1911)
Une pleine conscience de l’importance de Gustav Mahler a définitivement fait jour. La cause est désormais entendue et ce, dès sa Première Symphonie. Mais on dira tout de suite la part prise par le disque, surtout vinyle ! dans la révélation du musicien entre tous, avec cette immensité de moyens nécessaires à mettre en œuvre, maintenant chose possible dans les salles de concert. Une Œuvre-somme révélée qui résume la grandeur et la décadence de l’Occident musical.
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Gustav Mahler jeune ,à l’âge où il écrit la Symphonie n° 1
« Toutes mes œuvres sont une anticipation de la vie qui vient. » G. Mahler
L’orchestration de la Première Symphonie, telle que nous la connaissons aujourd’hui date, à peu de choses près, de 1897, après de nouvelles révisions. Elle comprend bien sûr tous les pupitres de cordes, une harpe, les bois ou vents par quatre, mais de nombreux cuivres – sept cors, cinq trompettes, quatre trombones, un tuba -, ainsi que deux timbaliers et une percussion abondante. Le raffinement, et parfois même la nouveauté des sonorités ne cesse jamais de surprendre ni d’étonner, et cela d’autant plus que la plupart des inventions sonores les plus hardies se trouvent déjà dans le manuscrit de 1893.
Interrogé à ce sujet par sa fidèle amie Nathalie Bauer-Lechner, Mahler lui répond en 1900 : « Cela provient de la manière dont les instruments sont utilisés. Dans le premier mouvement, leur timbre propre est submergé par l’océan de sons, comme le sont ces corps lumineux qui deviennent invisibles à cause de l’éclat même qu’ils diffusent. Plus tard dans la Marche, les instruments ont l’air d’être travestis, camouflés. La sonorité doit être ici comme assourdie, amortie, comme si on voyait passer des ombres ou des fantômes. Chacune des entrées du canon doit être clairement perceptible. Je voulais que sa couleur surprenne et qu’elle attire l’attention. Je me suis cassé la tête pour y arriver. J’ai finalement si bien réussi que tu as ressenti toi-même cette impression d’étrangeté et de dépaysement. Lorsque je veux qu’un son devienne inquiétant à force d’être retenu, je ne le confie pas à un instrument qui peut le jouer facilement, mais à un autre qui doit faire un grand effort pour le produire et ne peut y parvenir que contraint et forcé. Souvent même, je lui fais franchir les limites naturelles de sa tessiture. C’est ainsi que contrebasses et basson doivent piailler dans l’aigu et que les flûtes sont parfois obligées de s’essouffler dans le grave, et ainsi de suite… » Pas étonnant que la critique hongroise accuse Mahler de cultiver l’étrangeté, la vulgarité, la bizarrerie, la cacophonie même, « anti-musicale », de manquer d’invention, de goût, et de ne se complaire que dans les effets orchestraux. L’homme est à terre, fort surpris d’être de la sorte…incompris.
Autour de la genèse de sa première symphonie, cliquez ici
Quelques indications sur les quatre mouvements de cette terrible et…enivrante partition de près d’une heure !! cliquez ici.