Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Femmes au bord de la crise de nerfs de Pedro Almodóvar
Sorti au début de 1989 en France, le septième long métrage du cinéaste espagnol marqua son premier grand succès international et son accession au statut d’auteur majeur qui sera dès lors célébré par les festivals (il est un indéboulonnable des sélections cannoises), la critique et les institutions (dont les Oscars). A tel point qu’Almodóvar a longtemps incarné à lui seul le cinéma espagnol – du moins aux yeux du grand public et des médias dominants – et que l’on a fait du réalisateur le symbole de la « Movida » alors que le mouvement s’était déjà éteint. Femmes au bord de la crise de nerfs marque donc l’intronisation du madrilène au rang de star mondiale tout en résumant assez bien un style, un univers, qu’il ne cessera de développer et d’exacerber. Kitsch, couleurs tapageuses, musique omniprésente, jeu sur les clichés, prépondérance des personnages féminins, références cinématographiques : tout était déjà là, à l’exception des thématiques sexuelles en général abondantes chez Almodóvar.
Le scénario – délibérément confus – n’est qu’un prétexte à une succession de scènes plus ou moins baroques, stylisées, tape-à-l’œil. Sur une intrigue de comédie de boulevard, le cinéaste ajoute une touche de mélodrame (son genre de prédilection). Des allusions à Fellini (Huit et demi), Nicholas Ray (Johnny Guitare) ou Hitchcock (Fenêtre sur cour) donnent un côté chic et cultivé à l’ensemble. Une histoire de terroristes chiites s’invite dans le barnum.
Esthétique publicitaire
Outre Carmen Maura, Antonio Banderas et Rossy de Palma (qui deviendront quelques-uns des comédiens de prédilection du cinéaste), que retenir de Femmes au bord de la crise de nerfs ? Sans doute l’émergence d’une esthétique publicitaire (esthétique dont Jean-Jacques Beineix et Luc Besson seront dans un autre genre les représentants en France) dans le cinéma dit d’auteur et la célébration d’une provocation inoffensive car prenant soin de ne déranger aucun dogme de son temps.
D’une portée plus sociologique que cinématographique, le film demeure aujourd’hui un témoignage sur son époque et la confusion des valeurs qui permit à un habile faiseur d’être considéré comme un grand artiste. Pour découvrir ce que le cinéma espagnol nous a offert de meilleur, on se reportera plutôt aux œuvres de Juan Antonio Bardem, de Luis García Berlanga, de Carlos Saura ou, plus près de nous, de Rodrigo Sorogoyen.
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