Sing Sing, un film de Greg Kwedar
La prison de Sing Sing, à quelques encablures de New York, en passe de devenir un musée, est connue dans le milieu carcéral pour avoir hébergé le programme RAT (Rehabilitation Through the Arts), un programme dont les résultats firent envie à de nombreux établissements pénitentiaires qui ne tardèrent pas à l’adopter.
Comment donner un maximum de chances aux détenus afin que, libérés, ils puissent se réinsérer dans le monde libre ? Nous croisons immédiatement Divine G, un prisonnier, accusé à tort d’un meurtre, et détenu depuis de longues années à Sing Sing. Il consacre l’essentiel de ses journées à un atelier–théâtre. Avec l’aide d’un dramaturge et metteur en scène, les prisonniers montent cette fois un doux mélange de pièces célèbres, dont l’Hamlet de Shakespeare. Il s’agit de recruter une troupe et, surprise, le caïd intra-muros, Divine Eye, se porte volontaire. Les répétitions peuvent commencer. Alors que G attend désespérément sa relaxe, ses connaissances en droit lui permettent d’aider Eye à monter son dossier de remise en liberté. Ah, la liberté… D’essayages de costumes en filages de texte, nous faisons connaissance avec cette poignée de personnes recluses dans une prison de haute sécurité. La violence y est permanente, elle suinte des regards et des situations. Mais le film nous épargne ses explosions et se concentre sur l’incroyable solidarité qui relie ces détenus. Et, surtout, le fantastique travail de découverte d’eux-mêmes que le théâtre leur fait faire. 85% du casting est composé d’anciens prisonniers, dont certains ont connu cet établissement. Notamment Clarence Maclin (Divine Eye), ce dur à cuire qui est tout chamboulé de réciter : « Mourir, dormir, rêver peut-être… » *, un texte qui lui ouvre des portes dont il ignorait jusqu’alors l’existence même. Divine G est, lui, un comédien américain montant imperturbablement au box-office, et c’est légitime : Colman Domingo. La profondeur de son jeu, de ses accents, de ses regards, démontre un potentiel largement sous-utilisé jusqu’à présent. Il est totalement bouleversant et porte ce film, avec ses camarades de tournage, à un degré incroyable d’intensité, d’émotion et de vérité humaine. Du grand cinéma, tel qu’on l’aime, à des années-lumière de certains films bodybuildés par des têtes d’affiche improbables n’ayant rien à raconter. Un second opus pour le réalisateur texan Greg Kwedar qui nous rend impatient d’un troisième !
* Première scène du troisième acte de l’Hamlet de William Shakespeare