« La pie voleuse » est une belle et heureuse surprise. Sur un canevas humaniste tel qu’il sait si bien les tisser, Robert Guédiguian évite le manichéisme et revient à une certaine légèreté, qu’on lui croyait perdue depuis quelques films.
L’univers de Robert Guédiguian n’a pas beaucoup changé depuis son premier film, « Dernier été », en 1981 : petit théâtre prolétaire où l’homme du peuple se heurte brutalement à la dureté de l’économie de marché. Heureusement qu’il y a la tendresse et l’amour, la force des liens familiaux et les élans du cœur. Et puis Marseille, son soleil, son horizon bleuté, ses orages – son quartier de l’Estaque si souvent chanté avec ce qu’il faut d’accent… « La pie voleuse » ne déroge pas aux schémas qui sont la marque du réalisateur. On y va donc, tranquillement, dans une confiance un peu fatiguée, en se disant qu’on a déjà vu ça cent fois. Et on a tort de chausser a priori nos charentaises de la bien-pensance. Car Robert Guédiguian et son coscénariste Serge Valetti instillent une fraîcheur revigorante à « La pie voleuse ». Le titre, d’ailleurs, aurait dû nous mettre sur la piste. Il fait référence à l’ouverture pimpante de l’opéra de Rossini. Et sert de fil rouge à une histoire qui débute lors du cambriolage et du dégât des eaux subi par un magasin de musique nommé…La Pie Voleuse. Le chèque d’acompte pour un piano doit être refait. Un nom y figure, celui d’un instituteur retraité (Jean-Pierre Darroussin), le plus souvent bloqué chez lui dans un fauteuil roulant. Son rayon de soleil s’appelle Maria (Ariane Ascaride), auxiliaire de vie – comme on dit aujourd’hui – qui s’occupe de son ménage et de ses courses. L’employée en apparence irréprochable (elle les adorent, ces petits vieux qu’elle visite régulièrement) a une fâcheuse tendance à piquer dans leur portefeuille voire à détourner, donc, quelques chèques pour aider son petit-fils dans l’apprentissage du piano. Jusqu’au jour où le fils de l’instituteur, agent immobilier un peu veule (Grégoire Leprince-Ringuet) découvre le pot aux roses…
Sur cette partition qu’on pourrait croire attendue, Guédiguian joue des notes de légèreté bienvenues, dans sa mise en scène, rythmée par Rossini, Mozart, Chopin ou Satie – plus proche d’un Michel Deville (souvenirs émus de « La lectrice » et de « Péril en la demeure ») que d’un Ken Loach. Cette vivacité se retrouve dans le scénario, d’une grande finesse, qui apporte son lot de surprises. Certes, le déterminisme social pèse lourd (Maria, en réponse à l’instituteur, qui lui parlait de son métier de femme de ménage, lui dit: « Ne me faites pas penser à la vie que j’aurais pu avoir, cela me fait du mal »). Mais les êtres ne sont pas tous mauvais, quelle que soit leur place dans la société. Ils peuvent même s’amender pour faire preuve de générosité. Beaux personnages, tour à tour tristes et malicieux, interprétés avec une justesse touchante par la bande à Guédiguian, qu’on a toujours plaisir à retrouver. Pour un message humaniste qui fait chaud au coeur.
« La pie voleuse », actuellement au cinéma.