Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Gentleman Jim de Raoul Walsh
Déjà plus de 150 films évoqués au fil de cette chronique et pas un seul de Raoul Walsh, il fallait bien un jour combler cette lacune. Mais comment choisir dans une filmographie qui compte entre autres des classiques comme High Sierra, La Charge fantastique, Aventures en Birmanie, La Vallée de la peur, L’Enfer est à lui, La Femme à abattre ou Les Nus et les morts ? Prenons donc Gentleman Jim, réalisé en 1942, l’un des sept films que Walsh et Errol Flynn tourneront ensemble. A San Francisco en 1887, alors que la boxe est prohibée et cantonnée à des combats clandestins, des notables veulent institutionnaliser le noble art. Pour cela, ils vont recruter au sein de leur club des jeunes gens respectant les règles de ce sport édictées par le Marquis de Queensberry. Parmi eux, un employé de banque, Jim Corbett, Américain d’origine irlandaise, va se distinguer par son enthousiasme, son ambition et son talent.
Inspiré de l’autobiographie de James J. Corbett (1866-1933), Gentleman Jim est d’abord le récit de l’ascension sociale d’un jeune homme effronté, sûr de lui, insolent, caustique, séducteur, dans la peau duquel Flynn se glisse naturellement. A la réussite professionnelle et sportive du boxeur (qui deviendra champion du monde des poids lourds) répond une victoire plus intime : gagner le cœur de la fille de son patron qui lui résiste avec acharnement.
La noblesse des vaincus
Loin d’être une banale « success story » autour du rêve américain, Gentleman Jim mêle habilement les genres, passant de la comédie au film de boxe, de la romance à la peinture sociale. Errol Flynn se révèle parfait dans tous ces registres, jusque dans les scènes de combats jouées avec brio et filmées à la perfection par Walsh. Au passage, le cinéaste montre comment la boxe passe à cette époque des bas-fonds à la lumière et à la professionnalisation, met en scène avec autant de truculence que de tendresse la famille irlandaise de Corbett, impulse un rythme soutenu qui ménage des moments de latence.
La dimension socio-historique de Gentleman Jim est bien sûr mise au service du spectacle et du divertissement, mais cette délicate articulation faisait le prix des films de l’âge d’or hollywoodien et de ses meilleurs cinéastes (John Ford, Howard Hawks, Billy Wilder, Raoul Walsh…), véritables artistes se considérant comme des artisans. Par son originalité et son hommage à la noblesse des vaincus (belle séquence finale de passation de pouvoir entre l’ancien champion et le nouveau) Gentleman Jim occupe une place à part dans un genre qui, du Champion de King Vidor à Raging Bull de Scorsese en passant par Nous avons gagné ce soir et Marqué par la haine de Robert Wise ou Million Dollar Baby d’Eastwood, a donné naissance à tant d’œuvres marquantes.
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