Chaque semaine, on vous invite à lire une nouveauté, un classique ou un livre à redécouvrir.
Alors que J.D. Vance deviendra ce lundi 20 janvier le 50ème vice-président des Etats-Unis, on peut se pencher avec profit sur le récit autobiographique qu’il publia en 2016 (avant sa carrière politique) et qui devint un best-seller dans son pays avant qu’une adaptation cinématographique signée Ron Howard (avec Gabriel Basso, Glenn Close et Amy Adams) ne sorte en 2020. Paru en France en 2017 aux éditions Globe et réédité en poche l’année suivante, Hillbilly Elégie offre un précieux témoignage pour comprendre une part des réalités américaines qui échappent souvent aux Français (pour ne citer qu’eux).
Qui sont donc ces « hillbillies », baptisés aussi « rednecks » ? Des « ploucs », des « péquenauds », des « petits blancs » enracinés dans l’Amérique profonde et méprisés par une large de l’establishment politico-culturel, des ouvriers (ou descendants d’ouvriers) historiquement proches du parti démocrate et qui basculèrent largement du côté des républicains ces dernières décennies. Né en 1984 dans une famille pauvre de la Rust Belt (« ceinture de la rouille », cette ancienne région industrielle frappée par la récession et les délocalisations induites par la mondialisation économique), J. D. Vance se présente comme « le fils d’un homme qui m’avait abandonné, et que je connaissais à peine, et d’une femme que j’aurais préféré ne pas connaître ». Délaissé par une mère engluée dans ses addictions à l’alcool et aux drogues, le garçon sera élevé par ses grands-parents maternels dans une petite ville de l’Ohio n’ayant connu que la crise.
Hommage aux plus pauvres
Agé de trente-deux ans lorsqu’il publie son livre, J.D. Vance dit l’avoir écrit afin « qu’on sache quelle vie mènent les plus pauvres et qu’on mesure l’impact de cette pauvreté, matérielle et spirituelle, sur leurs enfants ». Et le portrait qu’il dresse des siens, de sa famille (« une famille de fous »), de leurs proches, de « ceux dont les gens qui vivent entre Boston et Washington se moquent », ne cache rien de leurs travers et des maux touchant ces déclassés : familles explosées, système d’aides sociales confortant trop souvent le maintien dans la pauvreté, crédits à la consommation aux taux exorbitants, malbouffe, surconsommation médicamenteuse, alcoolisme, drogue, déliquescence des liens sociaux… Pour autant, ses grands-parents, parfois brutaux et violents, aimants et protecteurs, lui inculquèrent des valeurs morales, une décence commune propre aux gens de peu.
Tout semblait destiner Vance à un avenir sombre, à la colère et au ressentiment. Un engagement dans les Marines, de 2003 à 2007, lui fait quitter son Ohio natal. Envoyé en Irak, servant dans des unités non-combattantes, il retirera notamment de cette expérience une méfiance envers les expéditions militaires US. De retour au pays, il s’inscrit à l’université publique de l’Ohio puis, grâce à des bourses, intègre la prestigieuse faculté de droit de Yale. Il deviendra avocat et épousera une Américaine d’origine indienne (elle-même avocate). Reconverti dans les affaires, ce n’est qu’en 2021 qu’il se lance en politique et qu’il est élu sénateur de l’Ohio un an plus tard. On connaît la suite… Apre, drôle, émouvant, Hillbilly Elégie est le récit étonnant d’une ascension sociale, le témoignage d’un transfuge de classe n’ayant pas renié ses origines. Le rêve américain existe encore.