Le « Nosferatu » hollywoodien de Robert Eggers est beaucoup plus terrifiant que les adaptations précédentes du mythe du vampire, notamment celle de Werner Herzog, qui a terriblement vieilli.
Le comte Dracula et toutes ses ombres maléfiques ont de beaux jours (de belles nuits) devant eux. On a beau connaître l’histoire par cœur, ricaner a priori de tous les clichés enfilés comme des perles, on se laisse à nouveau prendre au jeu macabre du suceur de sang le plus fameux de la littérature et du cinéma. Dans son adaptation hollywoodienne, Robert Eggers (« The Witch », « The Lighthouse”) fait son miel de cette intrigue étouffante, mordant à pleines dents dans l’horreur et le sanglant – ce que nombre de critiques lui ont sévèrement reproché. Un jeune notaire allemand (Nicholas Hoult, vu récemment dans l’excellent « Juré n°2 » de Clint Eastwood) se rend dans les lointaines Carpates afin de faire signer l’acte d’achat d’une ruine, située dans sa ville, au comte Orlok, alias Nosferatu (Bill Skarsgard, monstrueusement jubilatoire). Le bellâtre va passer à la casserole avant que le vampire fasse le voyage inverse pour tenter de séduire la belle épouse du juriste, depuis longtemps travaillée par des cauchemars terrifiants (Lily-Rose Depp joue les souffreteuses effarées avec beaucoup de conviction)…
Très inspiré par le « Dracula » originel de Bram Stoker et le « Nosferatu » muet de Murnau (1922), sommet de l’expressionnisme allemand, celui de Robert Eggers vaut surtout pour son esthétique très soignée, déclinant toutes les nuances de gris, dans un monde sur lequel plane une chape d’angoisse. Dans ce registre diablement romantique (l’intrigue se déroule, et c’est essentiel, au milieu du XIXe siècle), il faut saluer le travail admirable du directeur de la photographie Jarin Blaschke et du directeur artistique Hauke Richter (intérieurs bourgeois surchargés qui semblent étouffer un peu plus les personnages, ruines d’une noirceur effrayante…) Quant aux scènes les plus violentes, elles sont d’une efficacité redoutable, vous clouant au siège à plusieurs reprises.
Revoir le « Nosferatu » de Werner Herzog (1979) après cette nouvelle mouture est source de déception. Isabelle Adjani, visage blafard et yeux cernés de noir, est la tête de gondole de ce film plutôt bancal avec Klaus Kinski, parfait dans le rôle-titre. Werner Herzog joue sa partition un peu ironique (Roland Topor y incarne un cinglé d’anthologie en bras droit du vampire) sans vraiment prendre son sujet au sérieux. Il filme bien la nature sauvage mais ne sait pas créer un sentiment de peur, même quand des ribambelles de rats courent sous nos pieds. L’ensemble, dont l’esthétique télévisuelle paraît bien pauvre, souffre d’un manque de rythme et de force. Finalement, et c’est bien rare dans sa filmographie, Klaus Kinski est le seul à faire preuve de sobriété, et même à nous toucher, dans le rôle d’un immortel qui n’en peut plus de toujours renaître de ses cendres.
« Nosferatu », de Robert Eggers, actuellement au cinéma.
« Nosferatu », de Werner Herzog, disponible en DVD Gaumont ou en VOD sur les plateformes La Cinetek, Canal ou Orange.