Ses pépins de santé oubliés, la fin d’année est faste pour Eddy Mitchell. Son 40e album studio, « Amigos », figure parmi les meilleures ventes, tout comme son autobiographie. Et voilà que ce diable d’homme annonce une nouvelle tournée, durant l’été 2025, pour fêter joyeusement ses 83 ans.
Eddy Mitchell l’avait pourtant juré : on ne l’y reprendrait plus avec les tournées. Il nous le déclarait tout de go en 2009 : « Je veux rester à la hauteur de ce qu’on attend de moi, ne pas décevoir le public. Je n’ai aucune envie de chanter assis, d’être un vieux rockeur ou pire un vieux crooner. » Engagement que l’artiste avait rompu une première fois, en 2017, pour la saison 2 des Vieilles Canailles auprès de ses copains Johnny Hallyday et Jacques Dutronc. Et qu’il rompra à nouveau en 2025, accompagné par un big band dirigé par son complice Michel Gaucher, avec 6 concerts programmés entre le 21 juin et le 24 juillet, de Nancy à Toulon. Avec deux étapes en Occitanie, le 28 juin à Nîmes, et le 18 juillet à Carcassonne. Un beau cadeau pour les fans, qui ne s’attendaient pas à une telle surprise. Enfin, pas tout à fait un cadeau de Noël puisque les billets pourront atteindre 130 euros (ils seront de 99 euros en placement libre à Carcassonne). Le coût de la rareté, sans aucun doute…
Merci les « Amigos »
Outre ses plus grands succès, Eddy Mitchell chantera quelques extraits de son nouvel album, « Amigos », le 40e enregistré en studio. Ce sera aussi le premier depuis des lustres sans son comparse Pierre Papadiamandis, formidable compositeur de « Couleur menthe à l’eau », « Le cimetière des éléphants », « La dernière séance » et tant d’autres standards, mort en mars 2022. Le disque est dédié à cet « ami de toujours » (première collaboration en 1966 avec « J’ai oublié de l’oublier »), aussi discret dans les médias qu’il fut essentiel dans l’œuvre de « M’sieur Eddy ». Pour faire face à ce manque, le chanteur a sollicité quelques artistes avec lesquels il s’entend bien pour les mélodies, se réservant comme d’habitude l’essentiel des textes, qu’il sait si bien trousser, entre humour et tendresse. Dans un style bien caractéristique, country rock ou soyeux, mettant en vedette pedal steel guitar et cuivres, les « amigos » d’Eddy Mitchell font du très bon boulot. On retrouve ainsi avec plaisir Alain et Pierre Souchon sur « En décapotable Pontiac » et « Boogie bougon », William Sheller pour « L’aventure n’est jamais loin », Alain Chamfort pleinement « Amoureux » (texte de Pierre-Dominique Burgaud) ou un Pascal Obispo très cool sur « Tu es son homme ». Et aussi Michel Gaucher sur deux titres et Michel Amsellem (qui coréalise l’album) sur deux autres. Sans oublier, dans un exercice inédit, Muriel Moine, la femme d’Eddy, pour un hommage à « Big Jim », à savoir Jim Harrison.
Eddy se livre
Pour son autobiographie, Eddy Mitchell a retenu la leçon de son copain Jacques Dutronc : ne pas s’embarrasser des détails ; aller droit au but et balancer un maximum d’anecdotes. Il reprend aussi sa méthode d’auteur de chansons : « Je n’ai jamais eu réellement la sensation de savoir écrire. Je me suis surtout inspiré de la technique des films de série B en me disant que ça devait être concis, rapide et visuel. » Comme l’artiste s’est souvent raconté, dans d’innombrables interviews et dans quelques livres (dont, ces dernières années, « Le dictionnaire de ma vie » avec son fils, et la superbe BD « Des Lilas à Belleville » avec Ralph Meyer), il y a de la redite dans l’air. Mais à la lecture, on s’en moque un peu, Claude Moine, alias Eddy Mitchell, adoptant le ton parfois tendre, souvent goguenard et toujours gourmand qu’on lui connaît.
Au fil de ses 82 ans d’existence, « Schmoll » (surnom dont il rappelle l’origine comme celui de « M’sieur Eddy » dans le livre) a connu bien des enthousiasmes et autant de sources d’agacement. En voici quelques-uns, qui donnent le relief nécessaire à ses confidences.
Ses bons souvenirs…
Les farces de son père au retour de l’école. Il travaillait tôt et revenait en début d’après-midi des ateliers de la RATP.
La découverte fascinée des cinémas de quartier qui « projetaient des films d’aventure américains, des westerns, des polars, des films noirs où jouaient des mecs avec chapeau, imper et belle voiture. »
Sa rencontre musclée avec Jean-Philippe Smet, qui lui avait « emprunté » quelques disques lors d’une surprise-partie. Le début d’une amitié inaltérable avec celui qui deviendra son « frère ».
Les « qualités humaines » de son autre vieux copain Jacques Dutronc : « Parmi nos points communs, il y avait l’humour, le sens de la dérision, du cynisme et de la provocation. »
Charles Trenet, un « ogre » question bouffe et alcool. « Il était incouchable, drôle, vif, plein d’esprit jusqu’aux petites heures du matin. »
Grâce à Bertrand Tavernier, Eddy Mitchell a obtenu un rôle formidable de « bas du front » dans « Coup de torchon » (1981). Dans ce domaine, l’acteur joue la modestie : « Je n’ai jamais pris de cour de comédie. Je n’ai pas de technique de jeu. J’essaye d’abord de connaître mon texte sur le bout des doigts (…) La méthode de l’Actors Studio, très peu pour moi (…) Mitchum disait qu’à la méthode Stanislavski, il préférait la méthode Smirnoff. C’est beau. »
De beaux souvenirs aussi grâce à une « Dernière séance » devenue mythique avec ses deux films (« Le corsaire rouge » et « Bandido caballero » pour la première en janvier 1982), ses publicités d’époque et ses attractions. Un bonheur d’émission qui se poursuivra durant 16 ans.
Enfin, concernant des collègues comme Claude François ou Serge Gainsbourg, Eddy Mitchell préfère se concentrer sur le meilleur. Concernant ce dernier, il ne s’attarde pas sur « quelques excès mémorables », mettant plutôt en avant « sa gentillesse, son talent, son extrême sensibilité ; sa culture et son cœur immense. »
…Et ses moments difficiles
Les opérettes que sa mère lui infligeait au théâtre du Châtelet quand il était petit. « Si j’ai eu une enfance choyée, elle fut douloureuse sur le plan musical », résume-t-il.
Les mariés qui, lors des tournées des Chaussettes Noires, lui demandaient de venir faire du rab pour égayer leur fête. Pour ne pas dire non, Eddy Mitchell traitait l’élue de « boudin ». « Plus j’étais blessant, plus elle était vexée », reconnaît-il aujourd’hui. Et c’est ainsi que le bougon obtint définitivement ce qu’il a toujours désiré : « avoir la paix ». Crispant à l’occasion quelques féministes.
Les années soixante qui « n’étaient pas une sorte de surprise-partie incessante ». Ceux qui idéalisent l’époque « oublient la guerre d’Algérie et le puritanisme de tante Yvonne, la langue de bois gaulliste, son antiaméricanisme, l’infantilisation de la jeunesse la violence de la police ou l’absence de liberté d’expression. »
Mauvais souvenirs aussi lors des années difficiles, entre 1969 et 1973, dues à « des chansons tellement alambiquées que j’avais même du mal à les interpréter ». Pour subsister, Eddy Mitchell effectua plusieurs tournées dans les pays de l’Est. « C’était terrible. Tous les visages étaient fermés, on ne voyait pas un sourire, le silence était partout, la peur aussi. En plus j’en revenais chaque fois malade à force de bouffer du chou farci. »
Rayon cinoche, ce ne fut pas toujours rose non plus. Jean-Pierre Mocky faisait ainsi régner une « ambiance épouvantable » lors du tournage de « A mort l’arbitre » (1984), « s’ingéniant à nous dresser les uns contre les autres et à nous pousser dans nos retranchements. C’est le seul réalisateur à qui j’ai voulu casser la gueule avant de le faire interdire de plateau plusieurs jours. » Heureusement que Michel Serrault et Guy Marchand étaient de bons compagnons (Eddy Mitchell retrouvera Serrault et Mocky dans « Ville à vendre » en 1992). Mêmes souvenirs mitigés du tournage de « Salaud on t’aime » (2013), de Claude Lelouch, à cause de la montagne (« ça m’ennuie et j’y dors très mal »), des menus (et ces « raclettes qui sentent les pieds ») et d’un goût prononcé du réalisateur pour l’improvisation (« tout le temps, c’est fatigant ») Heureusement que l’ami Johnny était de la partie.
Dans son autobiographie, Eddy Mitchell parle des premières tournées « minables ». « Les salles de spectacle n’avaient pas de loges, de sono ni même de micros, parfois. Nous avalions pas mal de couleuvres : des organisateurs partaient avec la caisse ou des imprésarios refusaient de nous payer. » Les choses ont fort heureusement bien changé, Eddy Mitchell étant bichonné comme jamais. Et plus du genre à tout claquer dans les salles de jeu, vice qu’il a combattu en se faisant interdire de casino à la demande expresse de sa femme Muriel.
Album « Amigos » (Barclay/Universal).
« Autobiographie » (Le Cherche-Midi, 239 pages, 19,80 euros).
Concerts samedi 28 juin à 20h30 aux arènes de Nîmes (tarifs : de 57 euros à 128,50 euros) et vendredi 18 juillet à 21h30 au théâtre de la Cité de Carcassonne (tarif : 99 euros).