Après « L’amour ouf », la romance adolescente est le sujet central de « Leurs enfants après eux », adaptation très attendue du roman de Nicolas Mathieu. Malheureusement, ce Roméo et Juliette des années 90 manque de souffle et abuse de ressorts mélodramatiques.
Le triomphe de « L’amour ouf », de Gilles Lellouche, semble avoir desservi « Leurs enfants après eux », adaptation du Goncourt 2018 dont le début de carrière en salle est poussif. Il est vrai que le canevas est similaire, à savoir comment un jeune homme des milieux populaires (Paul Kircher) s’accroche à l’idée d’une passion durable, ici pour une demoiselle des beaux quartiers (Angelina Woreth). Et combien vont être nombreux les obstacles qu’il va devoir franchir en chemin. Les producteurs sont les mêmes que ceux de « L’amour ouf », à savoir Hugo Sélignac et Alain Attal. Et Gilles Lellouche est aussi de la partie, dans le rôle du père du héros, alcoolique autodestructeur… et dans celui de coproducteur.
On doit reconnaître aux réalisateurs Ludovic et Zoran Boukherma un sens du rythme et du cadre propres à dynamiser une intrigue à la Ken Loach et à rendre leurs personnages de cinéma plus grands que la vie. Sur quatre été, entre 1992 et 1998, au cœur des anciens hauts fourneaux de Moselle, la misère sociale est bien réelle. C’est le règne des boulots précaires, de l’alcool consommé à haute dose, des liens familiaux qui se délitent. Mais les frères Boukherma ne se contentent pas d’un constat dépressif, leur expérience du cinéma de genre (avec notamment l’excellent film de loups-garous « Teddy ») leur donnant des armes pour réaliser d’efficaces scènes d’action et de violence. On est plus réservés sur leur manière de faire vibrer l’histoire d’amour centrale. Certes, les réalisateurs rendent bien la montée des hormones adolescentes, s’attachant à la moiteur des corps, au désir qui explose, au sexe acrobatique (sous la douche, sous la tente, dans l’habitacle étroit d’une voiture). Et ils sont bien servis par leurs jeunes interprètes Louis Memmi (le copain d’enfance du héros à la mèche rebelle), Sayyid El Alami (le chef de bande, l’ennemi intime), Angelina Woreth et Anouk Villemin.
Le problème vient de la répétition des scènes (le film dure 2h20) et du rôle écrasant joué par la musique, celle, originale, d’Amaury Chabauty, ponctuée d’une suite ininterrompue de tubes, dont certains figuraient dans le roman de Nicolas Mathieu. Les frères Boukherma en font des caisses avec Red Hot Chili Pepper (« Under the bridge »), Goldman & Cie (« Je te donne »), Johnny (« Que je t’aime »), Pagny (« Savoir aimer ») ou Springsteen (« Born to be wild »). Une version au piano de « I will survive » (rappelez-vous : France 98) atteint des sommets de niaiserie. Quant à « Un samedi soir sur la terre », de Cabrel, elle nous est livrée quasi intégralement pour illustrer une scène de séduction poussive. L’émotion surlignée ainsi, de façon caricaturale, dans le drame ou le tire-larmes, finit par saouler le spectateur plus qu’un pack de Kanterbräu ou un whisky bon marché.