La Plus Précieuse des marchandises, film d’animation de Michel Hazanavicius
Evoquer, même sous forme féérique, la Shoah, tient de l’impensable. Le réalisateur Michel Hazanavicius relève pourtant le gant et va même plus loin. Il s’engage dans cette entreprise en la dessinant. Pour la première fois de sa riche et prestigieuse carrière, le cinéaste oscarisé de The Artist prend ses pinceaux. Un rêve de jeunesse ! S’appuyant sur une adaptation du livre de Jean-Claude Grumberg (2019), il nous plonge au cœur d’une forêt enneigée. Nous sommes dans les années 40 du siècle dernier. En Pologne… Nous faisons connaissance avec un couple de bûcherons vivant petitement et dans la douleur d’un enfant perdu. La forêt dans laquelle la bûcheronne ramasse du bois est traversée par une ligne de chemin de fer empruntée fréquemment par des convois dont on connaît l’épouvantable contenu. D’un de ces wagons de triste mémoire, un paquet va être jeté dans la neige. Un bébé. Seule chance de survie pour cette fragile créature, la plus précieuse des marchandises. Il va être récupéré in extremis par la bûcheronne qui va voir là un signe du ciel. Si son mari n’accepte que malgré lui la présence de cet enfant dont la couverture qui le protège ne laisse que peu de doute sur la religion (voir Moïse), ce petit être va grandir au sein de ce foyer qui va trouver finalement dans sa présence une autre raison de vivre. Les années passent, la guerre continue, les charniers se succèdent dans les camps d’extermination. A vouloir sauver son « enfant », le bûcheron y laissera la vie. Son épouse sera recueillie par une gueule-cassée de la Grande guerre.
L’important ici n’est certainement pas le dessin, étranger d’ailleurs à une fluidité « pixarisée ». Inspiré par de grands maitres japonais, Michel Hazanavicius, dans ses contours sobres, ses lumières frappantes, son montage hésitant, nous donne à voir l’atmosphère fantastico-cauchemardesque de ces moments qui ont meurtri l’histoire du monde moderne. La scène du camp est proprement insoutenable ! Le résultat est un véritable chef-d’œuvre d’émotions. Porté par les voix de Jean-Louis Trintignant, Dominique Blanc, Grégory Gadebois et Denis Podalydès, ainsi que par la somptueuse bande-son signée Alexandre Desplat, même s’il n’est pas recommandé aux plus petits mais plutôt à partir de 12/13 ans, ce film n’en demeure pas moins une pierre de plus nécessaire à ce devoir de mémoire dont le dernier opéra de Bruno Mantovani créé au Capitole de Toulouse le 22 novembre 2024, Voyage d’Automne, constitue le corollaire lyrique de ce credo à répéter sans cesse : afin que nul n’oublie.