Comme on le dit en expression courante : ils ne chôment pas les musiciens de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse. Après la “success story“ du Nabucco en fosse, et le récent événement du Rachmaninov sur Garonne avec les quatre concertos en deux jours à la suite, voilà que se profile une partition qu’ils vont découvrir en exclusivité mondiale, et nous avec, celle d’un nouvel opéra, Voyage d’automne, écrite par le compositeur Bruno Mantovani (Voir mon article d’annonce).
Il sera aussi au Théâtre du Capitole en tant que chef le 23 novembre à 16h, pour un concert avec l’Ensemble Orchestral Contemporain et au menu, Schœnberg, Berio et Mantovani (voir autre article Récitals et Concerts).
Le soir même à 20h à la Halle, les musiciens de l’ONCT seront dirigés par leur Directeur musical Tarmo Peltokoski dans un programme un peu bousculé puisque nous aurons Kristi Gjezi, premier violon solo de l’orchestre, soliste du concert dans le Concerto pour violon de P. I. Tchaïkovski, un des trois les plus joués au monde. En trois mouvements, soit :
I. Allegro moderato
II. Canzonetta-Andante
III. Finale-Allegro vivacissimo
Suivront, d’Alban Berg, la Sonate pour piano dans une orchestration de Théo Verbey puis, d’Arnold Schœnberg, La Nuit transfigurée.
Le Ciné-Concert à la Halle est sur deux dates, le samedi 30 et dimanche 1er décembre, consacré à ce monument que constitue le film américain satirique Le Dictateur de Charlie Chaplin de juillet 1940,réalisé à ses frais, (remarquons à quelle date !) sur une musique de Charlie Chaplin et Meredith Willson. C’est Timothy Brock, responsable de la restauration de la musique, qui prend la baguette pour ce ciné-concert d’exception.
Le Dictateur : un film sonore, un film parlant. Malgré son refus d’entrer dans l’ère du parlant à la fin des années 1920, Charlie Chaplin prend le son à bras le corps dans Le Dictateur. La variété des utilisations du son (paroles, bruits, musiques) en fait un véritable manuel des effets sonores.
« Nous avons découpé le film en 70 séquences musicales, et pendant plusieurs semaines nous avons composé des morceaux originaux qui s’accordaient avec les séquences. Chaque note de musique dans le film, sauf un extrait de la Danse hongroise numéro 5 de Brahms et un bout du Prélude de l’acte 3 de Lohengrin de Wagner, est originale. » Meredith Willson.
Mais encore, de Charles Chaplin Jr, quinze ans alors, : « …Ainsi, phrase après phrase, ou plutôt note par note, papa et ses vaillants musiciens achevèrent progressivement Le Dictateur. A la fin, les musiciens avaient les cheveux gris et se trouvaient au bord de la crise de nerfs, mais quelle que fut leur souffrance, ils ne s’ennuyèrent jamais en travaillant avec papa. C’était un vrai spectacle de le regarder. Non seulement il fredonnait, chantait ou jouait du piano, mais au-delà de ça il ne tenait pas en place : il gesticulait avec la musique, rejouait les différents rôles de la scène qu’on travaillait en caricaturant les mouvements afin d’en tirer une réponse tonale. Dans ces moments, son jeu d’acteur était plus proche que jamais du ballet. »
Le vendredi 6 décembre à 20h à la Halle, c’est le Concerto en fa de George Gershwin qui fait son entrée, triomphale à n’en pas douter sous les doigts de Jean-Yves Thibaudet, pianiste français plus admiré aux États-Unis que dans les salles françaises, hélas. Pétri de culture américaine, il ne fera qu’une bouchée de ce concerto qui n’a pas l’ombre d’un secret pour lui, pas plus que n’importe quelle pièce des Gershwin, d’ailleurs. Pour l’accompagner, les musiciens de l’ONCT avec à leur tête Elim Chan qui les connaît bien pour les avoir dirigés il y a environ trois ans.
Le Concerto en fa devait au départ s’intituler le New York Concerto mais le jeune compositeur veut démontrer qu’avec cette partition, il n’est plus le compositeur de musique populaire-jazz mais qu’il a bien rejoint la musique dite savante. Son premier véritable succès fut la Rhapsody in blue créée le 9 février 1924. Tout en continuant à écrire quantité de chansons et la musique de nombre de comédies musicales lui assurant de confortables revenus. L’orchestre, de par les pupitres exigés, rejoint l’orchestre classique et s’il y a différence, elle se remarque essentiellement par la panoplie des instruments entourant timbales et percussions classiques, comme xylophone, wood block, claquettes, cloches. Le concerto sera tout simplement en trois mouvements appelés sobrement Allegro – Adagio ; Andante con moto – Allegro agitato. La Première a lieu le 3 décembre 1925 à Carnegie Hall avec George pour soliste, devant un parterre de célébrités comme Rachmaninov et autres.
La suite du concert sera dédiée à Serge Prokofiev, celui qui fut très tôt comme l’enfant terrible de l’Art moderne, compositeur précoce, plus que doué, d’un style dur, cassant et dissonant, d’une rythmicité brutale et inventive et d’une énergie extrême qui jaillit à la force du marteau de sa musique “jeune“ et “sans complexe“. Il s’assagira un peu au fil des ans, par exemple avec sa Symphonie n° 5, véritable cheval de bataille du compositeur revenu en son pays natal quitté en 1917 comme Rachmaninov. C’est une œuvre symbolisant le mieux son testament symphonique sur les sept écrites.
Composée durant l’été 1944 en un temps record de deux mois, orchestration comprise, cette symphonie rejoint au pinacle, des œuvres comme le Sacre du printemps de Stravinski ou le Concerto pour orchestre de Bartók. C’est aussi la composition charnière du retour en Union Soviétique après tant d’années d’exil. Le message d’espoir qu’elle transcende est amplifié par les circonstances historiques marquées par la débâcle nazie. Prokofiev dirige la Première à Moscou le 13 janvier 1945 devant un public enthousiaste, et ce fut sa dernière apparition en tant que chef d’orchestre. Elle est en quatre mouvements sur quarante minutes environ soit Andante – Allegro marcato – Adagio – et Allegro giocoso. Particulièrement exigeante pour l’orchestre. L’ONCT sera, à n’en pas douter, à la hauteur pour pouvoir fournir à la fois puissance et densité sonore, virtuosité et souplesse individuelle, et maintenir une transparence à l’opposé des agrégats sonores d’un Bruckner. Ce sera l’immense tâche au bout de la baguette de la chef Elim Chan.
Quelques mots sur Jean-Yves Thibaudet : cliquez ici
Quelques mots sur Elim Chan : cliquez ici
Et donc, ce concert ici même avec deux magnifiques œuvres. L’ONCT fait bien partie des Grands.
Orchestre national du Capitole