Dans le cadre du Cycle Grands Interprètes de Toulouse, le mardi 5 novembre à 20h à la Halle, les musiciens de l’ensemble Les Arts Florissants de William Christie auront le bonheur d’accompagner la soprano Sonya Yoncheva dans un programme d’arias consacrées à des compositeurs ayant vécu sous une période dite classique s’approchant de, ou autour de la Révolution française. C’est pourquoi le programme a pour intitulé Marie-Antoinette.
Le programme :
Mozart
Ouverture de la Finta giardiniera, KV.196
Gluck
Alceste : Air d’Alceste « Divinités du Styx »
Orfeo ed Euridice, Ballet des Ombres heureuses
Sacchini
Œdipe a Colonne – Antigone « Dieux ce n’est pas pour moi » (III,1)
Cherubini
Médée « Vous voyez de vos fils la mère infortunée »
Gluck
Danse des Furies (extrait d’Orfeo ed Euridice)
Iphigénie en Aulide « Oh malheureuse Iphigénie »
Piccinni
Didon (Acte III, scène 1) « Non, ce n’est plus pour moi »
Chardin
« C’est mon ami »
Arrangement de l’accompagnement pour cordes
Martini
Plaisir d’amour, romance
orchestration d’Hector Berlioz
Mozart
Extrait du Ballet d’Idomeneo – Larghetto pour Madame Hartig
Cherubini
Demophoon « Ah ! Peut-être mes dieux ! »
Gluck
Armide, Chaconne
Armide : Air d’Armide « Ah! Si la liberté me doit être ravie »
Mozart
Extrait du Ballet d’Idomeneo – Passacaille pour Monsieur Antoine
Mais, donnons ici une plus large place au compositeur que l’on retrouve davantage dans le concert, à savoir, Christoph Willibald Gluck, bien dans son époque, le XVIIIè, qui vénère la beauté de la simplicité grecque, celui qui va poser les bases d’un opéra nouveau et revisiter le mythe d’Orphée et Eurydice. Gluck qui fut l’objet et l’acteur de ces querelles récurrentes qui opposèrent les Italiens et les Français, les Anciens et les Modernes – en l’occurrence les piccinistes, soutiens au compositeur Niccolo Piccinni – et les gluckistes, venant après que la Querelle des Bouffons eut à ses débuts opposé Pergolese l’Italien à Rameau le français.
Gluck, venu du fond de la forêt bavaroise, un 2 juillet 1714, de milieu très modeste, une enfance familiale passée dans la grande solitude des bois, papa est garde-forestier, mais qui passera par Vienne, Milan, sera façonné au contact de l’opéra italien, revient à Vienne et, brusquement n’aura plus qu’une idée en tête : rejoindre Paris. Là, subjugué par ce qu’il y découvre, ici seulement pense-t-il, une conception neuve et personnelle du drame lyrique pourra triompher. Ce sera une Iphigénie en Aulide, d’après Racine, une pareille œuvre qui va “tuer“ tous ceux qui ont existé jusqu’à présent. Dans cet opéra, apparition pour la première fois de la grosse caisse. Il aura tout l’appui de son ancienne élève, la dauphine Marie-Antoinette. On est le 19 avril 1774. C’est le retour à une conception plus saine du théâtre chanté qui va prendre l’aspect d’un coup d’état révolutionnaire où tous les droits de la musique et du drame sont respectés. Les principes réformateurs de Gluck sont : la musique va seconder la poésie en renforçant l’expression du sentiment et l’intérêt des situations. Adieu les ornements superflus.
Suivra un Orphée et Eurydice récupéré dans son répertoire italien, qu’il transforme et enrichit. Une certaine Julie de Lespinasse de la Cour s’écriera : « cette musique me rend folle ».
Son Alceste italien sera lui aussi transformé qui, après quelques hésitations, connaîtra un triomphe définitif et grandissant. Il va tirer des cors des effets surprenants et introduit les trombones à l’Académie Royale pour la création de cet Alceste.
Un petit aller-retour à Vienne afin de récupérer son Armide. Encore un succès avec l’Iphigénie en Tauride et hélas, patatras, un “four“ avec Écho et Narcisse. Vexé, Gluck quitte Paris malgré tous les efforts de Marie-Antoinette qui l’avait choisi comme maître de musique des Enfants de France. Huit ans s’écouleront à Vienne dans sa magnifique résidence. L’enfant du garde-forestier a fort bien réussi et restera sourd aux sirènes parisiennes qui espéraient alors son retour. Toutes les arias et intermèdes instrumentaux de Gluck interprétés dans ce concert correspondent à cette période. De Gluck, Berlioz dira : « Musique de géant. », pendant que l’historien anglais, grand voyageur, Charles Burney dira de lui, dès 1777 : « le Michel-Ange de la musique. »
Mais, si Paris, en matière d’opéra donne le ton pour toute l’Europe, les compositeurs qui s’y font entendre et apprécier acquièrent ainsi une renommée européenne. Or, les plus influents d’entre eux ne sont pas français, mais italiens, ou du moins de style italien. On ne peut omettre l’italien Antonio Salieri et un certain Luigi Cherubini au catalogue impressionnant et qui a marqué l’histoire de la musique en France sous Napoléon 1er. Parmi ses opéras, sa Médée est l’ouvrage le plus représenté. Et la diversité des genres dans laquelle il excelle, préfigure le romantisme à venir. On peut citer aussi Gaspare Spontini, sorti d’un milieu de misère napolitain et qui se retrouvera, par la musique, protégé par Napoléon et Joséphine, jusqu’à leur divorce.
Non présent dans ce concert, on aurait pu citer aussi de cette période un certain François-Joseph Gossec, considéré comme musicien français et qui laissa une trentaine d’œuvres dans le domaine opératique, toutes d’avant la Révolution. Ayant investi dans le Concert Spitituel, il soutiendra des œuvres de Antonio Sacchini tout comme de Père Giovanni Batista Martini. Les frontières franco-italiennes sont de vraies passoires musicales assez inouïes.
Sonya Yoncheva
À la quarantaine amorcée, la soprano bulgare Sonya Yoncheva poursuit une carrière que l’on peut qualifier de triomphante et développée à la vitesse de l’éclair. Rappelons qu’elle fut élève du Jardin des Voix de William Christie en 2007 et lauréate d’Opéralia en 2010, ce fameux concours de chant lié à Placido Domingo. Depuis, on peut dire qu’elle est d’un insatiable appétit pour tout ce qui est chant. On connaît peu de cantatrices qui incarnent Poppée de Monteverdi un soir, avec des baroqueux, chantent Violetta le lendemain, (au Met de New-York) et choisissent Pauline Viardot et Clara Schumann pour leur récital le surlendemain. Non seulement le grand écart ne lui fait pas peur mais elle en tire une force conséquente et stimulante. Elle a subjugué dans l’opéra français, que ce soit Leïla dans Les Pêcheurs de perles, ou les quatre héroïnes des Contes d’Hoffmann, assumées avec un aplomb sidérant. Sa présence scénique intense et enjôleuse quand il le faut, servie, avouons-le par un physique qui est loin d’être un handicap, sa musicalité, son timbre, tous ces ingrédients lui ont permis de dévorer un à un les rôles les plus grands qu’elle met à son répertoire et elle semble vouloir chanter toutes les héroïnes du catalogue. Si l’on résume la saison actuelle, on relève Cio-Cio San au Liceo, Tosca et Yolanta à Vienne, Maddalena d’André Chénier, Lisa de la Dame de pique, Dido du Didon et Énée de Purcell à Versailles, Toulouse, Madrid et Munich. On peut l’affirmer : dans le panorama actuel, parmi les sopranos, Sonya Yoncheva est une Grande.
William Christie
Co-directeur musical fondateur des Arts Florissants, William Christie est l’artisan de l’une des plus remarquables aventures musicales de ces quarante dernières années. Claveciniste, chef d’orchestre, musicologue et enseignant, il a joué un rôle pionnier dans la redécouverte de la musique baroque en révélant à un large public le répertoire français des XVIIe et XVIIIe siècles. Américain de naissance, installé en France depuis 1971, sa carrière prend un tournant décisif lorsqu’il crée en 1979 Les Arts Florissants. À la tête de cet ensemble instrumental et vocal, il impose en concert comme sur la scène lyrique une griffe très personnelle. C’est en 1987 qu’il connaît une véritable consécration avec Atys de Lully à l’Opéra Comique puis dans les plus grandes salles internationales. De Charpentier à Rameau, en passant par Couperin et Mondonville, William Christie est le maître incontesté de la tragédie-lyrique, de l’opéra-ballet, du motet français comme de la musique de cour. Un attachement à la musique française qui ne l’empêche pas d’explorer aussi les répertoires de Monteverdi, Rossi, Purcell, Handel, Mozart, Haydn ou Bach.
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Les Arts Florissants
Ensemble de chanteurs et d’instrumentistes voués à la musique baroque, fidèles à l’interprétation sur instruments anciens, Les Arts Florissants sont l’une des formations les plus réputées au monde. Fondés en 1979, ils sont dirigés depuis lors par le claveciniste et chef d’orchestre franco-américain William Christie, accompagné depuis 2007 du ténor britannique Paul Agnew qui devient en 2019 codirecteur musical de l’Ensemble. Les Arts Florissants, dont le nom est emprunté à un petit opéra de Marc-Antoine Charpentier, ont imposé dans le paysage musical français un répertoire jusqu’alors méconnu (en exhumant notamment des trésors de la Bibliothèque Nationale de France) : non seulement le Grand Siècle français, mais plus généralement la musique européenne des XVIIe et XVIIIe siècles. Depuis Atys de Lully à l’Opéra Comique en 1987, recréé triomphalement en mai 2011, c’est la scène lyrique qui leur a assuré les plus grands succès, des productions la plupart du temps associés à des grands noms de la scène. Leur activité scénique ne doit pas masquer leur vitalité au concert : opéras et oratorios, œuvres en grand effectif (notamment les grands motets de Rameau, de Mondonville ou de Campra…). Ils offrent également une programmation extrêmement riche de programmes de musique de chambre, sacrée ou profane.
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