Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
The Shop Around the Corner d’Ernst Lubitsch
Il fallut attendre les années 1980 pour que ce film, sorti confidentiellement en France en 1945 sous le titre Rendez-vous, bénéficie au gré de reprises d’un grand succès public tout en entraînant la redécouverte plus globale du cinéma d’Ernst Lubitsch, maître de la comédie américaine. Avec Ninotchka et To Be or Not to Be, The Shop Around the Corner est l’une des plus belles réussites du cinéaste. Tout en restant fidèle à ses fondamentaux (le vaudeville, la comédie de mœurs, la sophistication, le sens du rythme, le jeu des illusions et des faux-semblants…), Lubitsch fait preuve avec ce film, adapté d’une pièce de théâtre de Miklos Laszlo, d’une tendresse et d’une émotion peu communes envers ses personnages. De façon inhabituelle encore, ce sont des gens ordinaires qu’il filme, en l’occurrence les employés et le patron de la maroquinerie Matuschek à Budapest.
Parmi eux : Alfred Kralik (James Stewart), vendeur en chef, et Klara Novak (Margaret Sullavan), nouvelle employée. Ces deux-là ne se supportent guère, se chamaillent sans cesse et pourtant ils entretiennent sans le savoir une correspondance enflammée suite à une petite annonce publiée par la jeune femme dans un journal. Quand Kralik découvre l’identité de celle avec laquelle il a tant de points communs, il tente d’apparaître auprès d’elle sous un meilleur jour…
Subtile mécanique
Ce ressort dramatique classique (un personnage connaît la vérité, pas l’autre) est exploité merveilleusement par le metteur en scène qui joue des quiproquos comme d’une arme de précision. Surplombant les bonheurs et les malheurs des êtres composant cette comédie humaine (les seconds rôles ont d’ailleurs une importance décisive), le spectateur omniscient savoure la subtile mécanique de Lubitsch tout en se laissant surprendre par les rebondissements.
Si une certaine noirceur ou gravité apparaît en arrière-plan (les conventions sociales, l’hypocrisie, le poids des rapports de classe, un adultère qui manque de virer à la tragédie…), le réalisateur du Ciel peut attendre ne sacrifie jamais la légèreté et l’élégance qui sont sa signature. On retrouve aussi bien sûr son sens de l’espace (avec le rôle essentiel tenu par les portes) qui libère formellement le film de son origine théâtrale pour en faire un pur joyau cinématographique.
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