Vous aviez cette image de Toulouse, ville joyeuse, irriguée par le parfum des violettes et du cassoulet et où se retrouvent, à la terrasse des cafés, rugbymen plein d’énergie et étudiants fêtards ? C’est une ville bien différente que révèle « Toulouse noir », le recueil de nouvelles « évènement » qui paraît aux éditions Asphalte.
Douze auteurs proposent une traversée du miroir pour découvrir Toulouse côté ombre. Douze histoires qui mettent en exergue la réalité sociale derrière les apparences.
C’est une « équipe » d’auteurs d’une grande diversité qui a été réunie par Charles-Henri Lavielle, le coordinateur du recueil. Cette pluralité de regards permet de dresser un portrait au plus juste de la ville, dans l’esprit du roman noir, dont on rappelle que derrière l’intrigue, il a toujours une dimension sociale et politique.
Dans Toulouse noir, chaque auteur s’empare d’un quartier qui est à la fois un décor et un personnage à part entière. Hafid Saidi nous emmène autour de la place Belfort, à la rencontre de personnages en voie d’extinction, encore solidaires, dans un quartier en pleine gentrification.
On part ensuite, avec Nicolas Rouillé, autour de la gare. Son héros subsiste dans une zone condamnée par la construction du Grand Matabiau. C’est tout un monde qui disparait, grignoté maison après maison par les bulldozers. Ne restent plus que ceux qui n’ont nulle part où aller.
L’écrivaine Tanella Boni imagine un botaniste contrarié, amoureux du Jardin des Plantes qui va être arrêté pour meurtre parce qu’il a, pour la police, le profil de coupable idéal.
On part ensuite au bord du Canal du Midi, Manu Causse raconte l’histoire d’Ollie, une femme transgenre qui dédie sa vie à la protection des prostituées du canal. Pour aller jusqu’au bout de sa mission, elle va agir « en légitime défense de quelqu’un d’autre ».
Avec Al Baylac, on est aux Carmes Esquirol avec une journaliste qui prend pour prétexte une enquête sur un meurtre en « meute », pour retrouver la femme de sa vie, engagée dans le militantisme queer.
Maité Bernard nous emmène à Blagnac, dans le sex shop d’une zone commerciale pour rencontrer une jeune femme dont le destin a basculé, sans qu’elle en ait pleinement conscience, à la suite d’un harcèlement sexuel à l’université.
Drôle mais terrible aussi, le trafiquant décomplexé qu’a imaginé Benoit Séverac. Un type, pas du tout sympathique, qui va passer du trafic d’êtres humains au trafic de crânes récupérés dans un cimetière. Un « héros » sans morale aucune si ce n’est celle du profit et qui va être pris à son propre piège.
Pascal Dessaint a imaginé, lui, un « guetteur de plantes » qui s’émerveille devant les « belles de bitume », acharnées à survivre au milieu de l’asphalte du quartier Saint Michel. Un héros qui n’a d’autre solution que la violence quand il est confronté à la bêtise d’un voisin « éradicateur » de nature.
Impossible de parler de tous les auteurs, Gaspard Chauvelot, Adeline Grand-Clément, Francis Emourgeon, Sara Grall, dont les histoires pleines de talent complètent cette cartographie de la ville, quartier par quartier.
En exergue, en hommage au roman de Georges Perec, « Tentative d’épuisement d’un lieu parisien », Charles Henri Lavielle parle de « Tentative d’épuisement du rose ». Une tentative parfaitement réussie tant le rose se dissous dans le noir, pour révéler, derrière la carte postale, l’humanité qui se cache au plus profond de la ville.
Le livre est disponible le 31 Mai, dans toutes les librairies. Merci à Renaud Layet, de la librairie Série B, pour ses conseils avisés.