L’ensemble Baroque de Toulouse signe sa 100ème Cantate le 3 mars à travers un parcours dans la Ville rose. Depuis 15 ans, l’association met en avant l’œuvre de Bach au fil de ses 200 cantates retrouvées, sous le format des Cantates Sans Filet, dirigées par Michel Brun. À mi-parcours, ce dernier a dévoilé à Culture 31 les dessous de cette aventure folle. Entretien.
Pourquoi avoir choisi de reprendre les cantates de Bach en particulier?
Bach n’était pas le seul à écrire des cantates, surtout en Allemagne, pour l’église. Mais les siennes sont complètement géniales. C’est le père de la musique, surtout pour nous à l’Ensemble Baroque, on est admiratifs. Il est l’un des plus grands génies de l’histoire de la musique, de l’art Occidental. Il a mis tout son génie dans ces cantates, elles sont absolument abouties sur le plan musical, elles sont captivantes à présenter au public. Il illustre le texte des liturgies avec une intelligence et une subtilité inégalable. Il créer des images fortes comme personne d’autre.
Le baroque est un style trop peu représenté dans les orchestres en général ?
Dans les orchestres institutionnels comme celui du Capitole, cette musique n’est plus vraiment jouée. Avec la redécouverte du baroque, ces orchestres-là ont eu un sentiment de perte de légitimité. C’est dommage, car ils pourraient se l’approprier et l’interpréter en faisant appel à des professionnels du baroque. Par exemple, l’orchestre Victor Hugo Franche-Comté m’a invité pour jouer cette musique et je leur ai donné une corde en plus à leur possibilité de jeu, même si ce n’est pas le même rendu qu’avec des instruments anciens. À côté de ça, beaucoup d’ensemble comme le nôtre se sont créés avec des musiciens intermittents pour jouer cette musique, donc beaucoup aujourd’hui en France jouent du baroque.
Toulouse est une ville de musique baroque ?
C’est une ville où la musique baroque est assez présente. Pour une raison historique, car le premier département de musique ancienne a été créé à Toulouse. Puis il a été intégré au conservatoire. Il y a aussi l’ensemble des Sacqueboutiers qui joue avec des instruments du XVIIème siècle et qui représente le baroque à Toulouse.
Le concept de ces cantates est de réviser avec tous les musiciens seulement 1h30 avant la représentation, et devant le public. C’est un moyen de se challenger ?
Ce ne sont pas des œuvres de concert mais de liturgie, donc ça ne passe pas bien en véritable concert. Les musiciens sont en tenues de ville, il n’y a pas de rémunération et les entrées sont libres, c’est très authentique. On répète 1h30 avant la cantate pour travailler et montrer la composition de Bach, le processus d’un orchestre et d’un chœur au public. Le retour qu’on me fait souvent c’est que le public a l’impression de voir les pièces d’un puzzle qui s’assemblent. À la fin, on invite le public à chanter comme les choristes à l’époque. Donc il y a une part de risque, d’où le nom « cantate sans filet ». On ne recherche pas la perfection d’un concert, on retrouve la forme d’urgence de l’époque de Bach.
En quoi c’est important que la musique de Bach ou le baroque soient accessible à tous ?
J’ai eu le sentiment en découvrant la musique du baroque d’avoir une grande chance, ça a illuminé ma vie. Je pense avoir une dette et donc je me dois de la rendre accessible à tous, car elle est accessible à tous. Ceux qui pensent le contraire sont juste dans la crainte et les préjugés.
Comment ont été choisis les lieux pour cette 100ème cantate ?
Nous allons commencer par la salle des Illustres. C’est un clin d’œil à la ville de Toulouse qui soutient ce projet. Puis on passe aux Halles de la Cartoucherie, lieu assez inattendu pour un tel évènement. C’est une manière de toucher un autre publique qui ne vient pas forcément pour ça. Puis il y aura l’église du Gesù. Les associations de musiques anciennes y ont leurs bureaux, notamment les Sasqueboutiers et Toulouse Les Orgues. C’est un lieu très souvent fermé donc le public pourra le découvrir. Et on finit donc avec la Halle aux Grains, lieu où on peut accueillir tout ce public, où l’acoustique est bonne.
On ne se lasse jamais des cantates ?
Chaque cantate est un chef-d’œuvre. C’est comme le journal intime d’un homme qui doit justifier son poste de cantor chaque jour. On ne peut pas se lasser de Bach, il peut nourrir une vie.
3 bonnes raisons d’aller à cette 100ème cantate :
Déjà c’est un moment complètement particulier. Mais qui reste détendu, bienveillant, il n’y a rien de snob. C’est un simple moment de partage entre les musiciens et le public. Ensuite, c’est participer à une aventure unique car c’est un projet unique au monde, pour cette interaction avec le public. Enfin c’est une musique absolument géniale, donc on ne peut pas passer à côté.