Le 13 février dernier à l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines, Jérôme, Marc et Pierre Hantaï étaient les invités de la brillante saison des Arts Renaissants. Les trois enfants du peintre Simon Hantaï qui forment ce prestigieux Trio ont vécu leur enfance dans un environnement tourné vers l’art. Ils composent une entité musicale d’une cohésion, d’une unité impressionnantes, mais dans la diversités de leurs talents respectifs. Tout au long de ce concert, viole de gambe, flûte et clavecin n’ont cessé de déployer un extrême raffinement musical.
Présentés par Jean-Marc Andrieu, le Directeur artistique des Arts Renaissants, ces trois artistes exigeants ont exploré ce soir-là un répertoire baroque majoritairement consacré aux musiques du Grand Siècle français, avec une incursion vers l’incontournable Johann Sebastian Bach.
En guise d’ouverture, le Prélude du Concert royal n° 7 de François Couperin place la soirée sous le signe de l’élégance, d’une certaine douceur, et caractérise le jeu de chacun et de l’ensemble. Ce qui frappe immédiatement, c’est l’équilibre sonore parfait entre les trois instrument. Aucun n’impose sa propre rhétorique. Avec sa couleur spécifique, chacun joue son rôle dans une succession d’échanges permanents, à l’image d’une conversation entre amis. La pureté de la flûte, la rondeur timbrée de la viole, le détaché piquant du clavecin se complètent harmonieusement.
Le Prélude de Couperin s’enchaîne directement sur la Sonate VII en sol majeur du 4ème livre de Jean-Marie Leclair (1697-1764). Ce grand compositeur et violoniste lyonnais a privilégié dans son œuvre son instrument principal. Néanmoins, sa Sonate VII pour flûte traversière et basse continue témoigne d’un belle ouverture sur la littérature galante. On admire surtout le sens de la danse souligné par les interprètes et en particulier le badinage de l’Aria et altro qui précède la vivacité de l’Allegro moderato final.
Avec Marin Marais (1656-1728), la priorité est donnée à la viole de gambe. Les pièces pour viole de la Suite en ré mineur sont habilement accompagnées ici par le seul clavecin. La affects se suivent dans la diversité. Dans la pièce légitimement intitulée Bourrasque, Marc et Jérôme Hantaï déploient une vitalité, une virtuosité impressionnantes au service de l’expression de terreur suggérée par le compositeur. Le rythme affirmé de la Gigue finale s’avère tout aussi remarquable.
Un net changement de style caractérise les deux pièces qui suivent. Signées Johann Sebastian Bach (1685-1750), elles sont abordées avec la profondeur d’un dialogue permanent. Le Trio en sol majeur alterne les échanges d’une belle vitalité avec notamment un Allegro plein de sève et un Andante rêveur. Dans la Sonate pour flûte et clavecin en si mineur, les deux protagonistes rivalisent de vitalité, en particulier dans le très brillant Presto final.
La programme s’achève sur un retour à la musique française avec deux « portraits » de Jean-Philippe Rameau, extraits des Pièces de clavecin en concerts. Composées pour plusieurs trios possibles les deux partitions abordées rassemble donc la flûte, la viole et le clavecin. La Timide, extraite du Troisième concert et La Marais (Cinquième concert) opposent la diversité de leurs caractères. Cette dernière en particulier évoque un personnage un rien solennel et imposant. Là encore, les trois musiciens se complètent admirablement, alternant finesse de dentelle et affirmation rythmique.
L’ovation unanime d’un auditorium plein à craquer incite les interprètes à prolonger la soirée avec deux bis significatifs : un Prélude de François Couperin et une pièces brillante de Jean-Marie-Leclair.
La qualité musicale reste le moteur essentiel des concerts des Arts Renaissants. Le prochain événement de cette série réunira, le 12 mars 2024, l’Ensemble Clément Janequin et Les Sacqueboutiers dans la basilique Saint-Sernin pour un programme autour du compositeur franco-flamand de la Renaissance Pierre de La Rue (1452-1518). Un autre rendez-vous à ne pas manquer.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse