Dis moi ce que tu écoutes, je te dirai où aller… C’est la question que nous avons posé à Olivier de Joie, chanteur-guitariste du célèbre groupe toulousain Les Fils de Joie (les plus de 40 ans connaissent forcément leur tube « Adieu Paris », et les plus jeunes pourront bientôt les découvrir car le groupe a repris ses activités – nous en reparlerons prochainement dans Culture 31).
Il nous explique ici pourquoi le concert de Miles Kane (au Metronum le 12 mars prochain) est à ne pas rater !
Qui est Miles Kane ?
J’ai découvert Miles Kane par hasard en 2013 (deux ans après la sortie de son premier album en 2011). Un de mes bons copains, toulousain et guitariste lui aussi, François Lacombe, avait un billet pour le concert que Miles donnait à la Maroquinerie à Paris. Il devait partir pour l’étranger à cause de son boulot. J’habitais encore Paris à l’époque et François m’a donné son billet. C’est donc live que j’ai découvert les morceaux de Miles et ce jour-là, j’ai pris une claque. C’était vraiment du rock, ça jouait, ça chantait et franchement les morceaux étaient super bons. Je me suis documenté ensuite. En suivant son parcours, je me suis rendu compte qu’il était né dans la banlieue de Liverpool et était proche des Arctic Monkeys. C’est là que j’ai réalisé qu’il y avait une proximité entre les groupes de rock (britpop) de Liverpool, une solidarité et une complicité culturelle et affective.
Pourquoi aimes-tu ce disque ?
J’aime ce disque parce qu’il concentre ce que l’Angleterre du Rock nous apporte de meilleur dans son style : Des morceaux qui ont la patate, un certain degré de sophistication mais toujours accessible, avec l’énergie de riffs dont tu sais qu’ils ont été longuement recherchés mais sont clairement identifiés et te rentrent dans la gueule au premier moulinet, avec des voix et des mélodies qui te donnent envie de chanter dès le premier refrain et avec cette touche psychédélique qui force l’admiration parce que chez eux c’est naturel. C’est un peu comme quand tu te balades à Londres et que tu vois une grand-mère habillée en panthère avec un sac rose, des cheveux bleus et des chaussures en tartan. Personne ne semble la remarquer… La force de cette culture, c’est ce mélange de folie, de recherche d’originalité et de fierté culturelle.
Il y aussi cette confiance générée par l’immense corpus de standards du rock anglais de Liverpool, de Manchester, de Londres ou d’ailleurs… On pourrait faire un parallèle chez nous avec la poésie – de François Villon, à Rimbaud, de Ronsard à Verlaine, de Louise Labé à Apollinaire, Prévert ou Eluard ; si tu sais écrire chez nous, tu bénéficies de ce puissant héritage qui te force à élever ton niveau. Là-bas, quand tu as eu les Beatles, les Who, Jam, les Stones, Oasis, etc., ça te force à t’étalonner avec les meilleurs… Si tu t’en sors, forcément ce n’est pas par hasard. Et Miles c’est du sérieux. Ce qui me fait marrer, c’est la photo de Baggio à l’intérieur du disque avec le maillot de la Juventus et la chanson qui porte son nom. Le foot et le rock, c’est tellement anglais aussi… Bon j’ai bien écrit un jour de nostalgie «Tu Seras En Rouge Et Noir», une allusion plus ovale. On a tous nos faiblesses.
Apprécies-tu cette scène liverpuldienne des Artic Monkeys, Last Shadow Puppets, Miles Kane, sans oublier les sublimes The Coral ?
Naître et grandir à Liverpool, quand on a l’ambition de fonder un groupe, d’être songwriter et de devenir une rockstar c’est peut-être un challenge. C’est un peu comme vouloir faire des affaires quand on est le fils d’un grand entrepreneur… On a tout sous la main pour réussir mais j’imagine qu’une image iconique, quasi-paternelle comme celle des Beatles, peut vous brider. La quête d’originalité est forcément un sujet. Écrire de bons morceaux est une chose, écrire des morceaux originaux en est une autre… Si tu veux mon avis de songwriter, humblement. La première, la capacité d’écrire de bons morceaux est indispensable. La seconde, c’est une question de style et de volonté. Tu peux chercher l’originalité à tout prix ou te référer à quelque chose qui s’est passé avant, parfois longtemps avant. C’est l’éternel renouveau du Rock. Une musique qui vous attrape quand vous êtes jeune, et qui ne vous lâche plus. La recherche de l’originalité est secondaire en quelque sorte mais il faut quand même se démarquer. Est-ce qu’écrire de bons morceaux suffit à te faire remarquer ? Pas toujours.
Les Arctic Monkeys sont probablement le plus grand groupe de Liverpool aujourd’hui. Pas par leur influence culturelle car il est difficile d’égaler les Beatles mais par leur notoriété actuelle. Toujours ce soin apporté aux voix, aux guitares, cette recherche du son. Aucune chanson n’est laissée au hasard ou bâclée. Un son hyper moderne – désolé pour cette expression surannée… J’aime particulièrement « Do I Wanna Know ». C’est un super morceau. « C’est de l’argent bien gagné » dirait Daniel de Joie, notre ancien bassiste qui était fou de rock anglais. Je suis moins fan des violons de « There’d Better Be A Mirrorball » mais c’est un délire qu’on a connu à toutes les époques et dans tous les styles, même chez les rappeurs…
Bon, pour être honnête, je connaissais surtout Liverpool pour les Beatles ou Echo & the Bunnymen, un groupe de ma génération. J’avais aussi en tête, cette chanson : « Ferry Cross The Mersey To This Land I’ll Ever Love… » (de Gerry and the Pacemakers). Je vais te faire une confidence, je m’en étais même inspiré dans une des rares chansons que j’avais écrite en anglais pour Les Fils de Joie (« We’re Not Dancing Anymore ») pour le couplet sur John Lennon : « Hey John, so much time has gone since you crossed the Mersey on your way to Central Park. Imagine there’s still one light in the dark… » Bon, Lennon venait d’être assassiné et il avait dit un jour : « les Beatles sont davantage connus que le Christ » – lui qui avait rencontré McCartney à une fête paroissiale. Miles, comme nous tous, a les Beatles dans la tête. Et pour lui, c’est du local donc c’est aussi son ADN… C’est un groupe immense que j’ai découvert adolescent et qui était le groupe fétiche du chanteur de mon groupe fétiche : les Ramones (Joey Ramone). Au passage, je peux dire que ma chanson préférée des Beatles est : « Here Comes The Sun », une chanson écrite par George Harrison. Tout est parfait dans cette chanson : la guitare, les voix, la mélodie, le rythme… Encore une fois, si on regarde ce qu’a apporté la musique pop anglo-saxonne, et notamment les Beatles, c’est justement cette association sans cesse renouvelée de riffs de guitare électrique – pour l’énergie et le mordant – et de mélodies vocales toujours entraînantes, avec la touche de provoc, quand il faut, et toujours du style… Bref la marque des grands groupes de rock.
C’est probablement ce qu’ambitionne de faire Miles Kane. Il réussit plutôt bien avec ses morceaux anciens comme « Come Closer » ou les nouveaux comme « Troubled Son » sur le dernier album. Le son est plus velu que les Beatles, Brit pop oblige, tant mieux ! Live, ca dépote ! J’ai hâte de le revoir au Metronum.