Une passion qui dicte, en tant que Directeur artistique, sa programmation de l’Opéra national du Capitole de Toulouse. Et donc, qui profite depuis plus de vingt-cinq ans au public du Théâtre du Capitole, depuis que le susnommé, est arrivé dans les murs en tant que dramaturge en 1995, parti, puis revenu en tant que véritable “patron“ artistique des lieux depuis septembre 2017.
Tout d’abord, vous vous devez de lire son entretien dans le Vivace ! n°18 avec l’actuel dramaturge, Dorian Astor. Entretien qui nous conte cette passion et nous dit le maximum sur le pourquoi de Matthias Goerne dans la programmation aussi bien en récital que dans les distributions de certains opéras. De même pour le récital de Marcelo Alvarez – jeudi 1er février 20h – devenu une gloire dès son apparition toulousaine en 1997, le samedi 14 juin, en deuxième distribution ! dans son mémorable duc de Mantoue dans Rigoletto. Nicolas Joël ne lâchera pas le ténor lyrique. Il sera sur la scène du Capitole, Werther, et trois prises de rôles avec Edgardo dans Lucia, Nemorino dans L’Elixir, Don José dans Carmen. Il abordera tous les grands rôles traditionnels de ténor. Toujours présent sur les plus grandes scènes, il chante Pollione dans Norma, Licinius dans La Vestale, Radamès dans Aïda, Mario Cavaradossi dans Tosca, Don Alvaro dans Don Carlo,…
Mais ce n’est pas exclusivement tous ces grands airs d’opéras que l’on entendra et que le public attend. Christophe Ghristi le sait et a souhaité un programme très personnel pour notre ténor argentin. Il interprètera donc aussi des chansons latino-américaines et des zarzuelas, accompagné par le pianiste Giulio Laguzzi. Carlos Gardel sera sûrement derrière le rideau. Il y aura comme un parfum et une ambiance latino dans la salle ! Une partie du public va rajeunir, à n’en pas douter.
« Lied “romantique », et “allemand“ : tautologies. Il n’y a de lied que romantique, et qu’allemand. » Marcel Beaufils
Quant à Matthias Goerne, notre Directeur artistique avoue une admiration sans bornes pour le baryton allemand, point de vue qu’en tant qu’auditeur, on ne risque pas de lui reprocher. Le vendredi 26 janvier 2024 à 20h, accompagné par le pianiste Alexander Schmalcz, somptueux programme Fin de Siècle, autour de Richard Wagner-Richard Strauss-Hans Pfitzner. Entre les rôles dans des opéras comme Parsifal et Amfortas, Elektra et Orest, Tristan et le roi Marke et les récitals consacrés à Franz Schubert, Christophe Ghristi nous fait adorer l’un de ses chanteurs préférés. Intitulé Au Crépuscule, nous entendrons les Wesendonck-Lieder, cycle de cinq lieder de Wagner, puis le dernier des Quatre derniers lieder de Strauss, Im Abendrot – Au Crépuscule que l’on connaît davantage chanté par une soprano dramatique. Pour clore, comme le lied allemand est la plus belle musique du monde, qu’il représente une dimension essentielle de l’art du récital, dixit Christophe Ghristi, ce seront des lieder d’un compositeur allemand Hans Pfitzner, peu présent dans les programmations pour des raisons non musicales.
Un Matthias Goerne qui, anecdote, eut son premier contact avec le lied à l’âge de …dix ans ! plus précisément avec Le Voyage d’hiver chanté par le ténor Peter Anders (1944), “sa“ référence, et surtout la cause du déclenchement d’une véritable passion pour ce répertoire. Un “Winterreise“ qui est son cœur de répertoire mais qu’il ne se lasse pas de chanter, découvrant à chaque fois de nouvelles dimensions, et qui en même temps l’aide dans l’interprétation de tout autre lied. Le lied, ce pur dialogue musical et poétique entre voix et piano, comme ceux du programme de ce récital. « Être soi-même oui, mais dans le respect absolu du texte musical, car la rigueur n’empêche pas l’exaltation et la souveraine liberté qui fait qu’un interprète est unique », voilà une phrase qu’on peut retenir de Matthias Goerne et qu’il inculque à ses élèves – il a la passion de l’enseignement – .
Une autre peut-être : « Il y a beaucoup de chanteurs mais finalement peu d’interprètes. Et pour cela, il n’y a ni apprentissage, ni expérience possible. Il faut respecter l’œuvre mais savoir aussi s’y adonner. C’est là, la clé de l’émotion. » Tout est dit.
Changement de programme en dernier instant : en bleu, ce qui concerne le programme initialement prévu et ici, en suivant quelques mots sur celui qui, en principe, vous attend !! Il est consacré à des lieder de Robert Schumann et de Johannes Brahms. Nous sommes toujours dans le lied romantique allemand.
En 1840, Schumann a trente ans quand il découvre le lied. Il n’a écrit pour l’instant que pour le piano. Mais il n’est pas que musicien. Il a failli être poète du verbe, romancier. Et pourtant, la liste est longue des poètes dont on retrouve le verbe dans ses lieder. Matthias Goerne pourra puiser dans les deux cent quarante-six recensés chez Schumann, ces lieder dits de paysages dont quarante sont écrits sur des poèmes de Henri Heine. On n’égrènera pas les noms rencontrés, tous très connus dans la littérature allemande. Sauf un, peut-être, un certain Chamisso auquel vous pourrez vous intéresser. Le choix de Schumann permet aussi de s’attarder sur l’importance de la musique, et donc de comprendre pourquoi certains considèrent tellement impropre le qualificatif usité d’ “accompagnateur“ attribué au pianiste. Et méditons sur le propos suivant, si évident chez Schumann : « Piano et voix sont deux lianes serrées, qui vivent sur une même racine, se nourrissent de la même sève. C’est de cette vie commune, c’est de cette écoute réciproque que naît une interprétation fidèle… . Ici, rien n’est séparable, jusque dans l’infinitésimal. » Marcel Beaufils
Quant à Brahms, dans sa production, la musique vocale occupe une place importante : plus de deux cent cinquante lieder aussi et le lied l’accompagnera tout au long de son activité créatrice. Une réelle fascination pour la voix. Notons que, à part Clara Schumann, il s’éprend essentiellement de…cantatrices. Vie sentimentale et production vocale sont intimement liées et la majorité des textes qu’il met en musique parle d’amour. Enfin, les poètes choisis sont de moindre importance. Comme s’il se préoccupait davantage d’un texte qui lui permette d’assurer une réelle autonomie à sa musique. C’est une originalité supplémentaire du lied brahmsien. Avec dans certains lieder, une construction musicale plutôt sidérante évoquant cette nostalgie caractéristique du romantisme allemand qui berce souvenirs et regrets, quand le lied se fait réflexion, introspection, consolation. Quel choix aura donc fait notre baryton si épris de ces moments musicaux ?