Présenté à l’Opéra national du Capitole dans une version de concert mise en espace, l’avant dernier opéra de Monteverdi est rarement monté, car il requiert une quinzaine d’excellents chanteurs solistes – dont pas moins de 6 ténors ! – et une quinzaine d’ instrumentistes de haut vol, tous nécessairement rompus à l’art du récitar cantando (récit chanté) si spécifique a ce répertoire italien du début du 17° siècle.
C’est donc un véritable tour de force qu’a réussi le jeune et très talentueux ensemble de musique ancienne I Gemelli, fondé en 2018 par l’un des plus remarquable ténor de sa génération, Emiliano Gonzalez Toro, et par la soprano Mathilde Etienne qui signe ici une mise en espace au service de la musique et du texte .
En effet, les chanteurs évoluent au milieu de la scène, en contact très direct et en connivence avec les excellents instrumentistes qui les entourent de part et d’autre du plateau : à cour les cordes pincées du continuo (harpe, théorbe, guitare, archiluth) ainsi que les vents (cornets, flutes, sacqueboutes) , à jardin les basses d’archet et la doulciane du continuo ainsi que les deux violons, au milieu la claveciniste et organiste Violaine Cochard, le tout sans aucun chef d’orchestre.
Ce dispositif renforce encore le lien voulu par Monteverdi d’un accompagnement instrumental totalement au service du chant et du récit : ce sont les chanteurs qui par leurs inflexions, leur énergie et leur musicalité impulsent et guident un continuo pleinement à leur écoute.
Et quels chanteurs ! le casting réunit donc quinze chanteurs tous formidables : des stars, des valeurs sûres, et des révélations, tous maitrisant souverainement l’art du chant baroque et la réthorique déclamatoire propre à Monteverdi.
Mention « excellent » sans réserve pour les trois stars du chant baroque que sont Emiliano Gonzalez Toro en Ulysse , Emöke Barath en Minerve, et le subtil Zachary Wilder en Télémaque : tous sont parfaits dans leur incarnation et leur musicalité.
Nous ne nous étendrons pas sur les qualités respectives de la dizaine d’artistes « valeurs sûres » de cette production, tous excellents chanteurs et acteurs, notamment dans les passages burlesques que ménage la partition et le livret.
Mais parlons davantage des trois révélations de cette soirée :
En commençant par Fleur Barron : contrairement à ce que suggère le titre « le retour d’Ulysse », le personnage central de l’opéra est bel et bien Pénélope, interprétée de façon bouleversante par la magnifique mezzo britannique Fleur Barron, dont la voix somptueuse, les beaux graves et la diction parfaite incarnent la plainte et la solitude d’une reine qui attend son Ulysse depuis 20 ans ….
En poursuivant par le ténor britannique Nicholas Scott, dont l’aisance vocale et scénique font merveille dans le rôle du porcher Eumée.
Et en terminant par le timbre de bronze, la projection parfaite et la facilité dans le grave comme dans l’aigu de la basse française Nicolas Brooymans, dans le rôle d’Antinoo, l’un des trois prétendants qui courtisent Pénélope.
Deux opportunités pour découvrir cette magnifique production :
Se précipiter ce samedi 2 décembre à 16h au Théâtre du Capitole pour la seconde et dernière représentation, et/ou acquérir le beau livre-disque de cette production qui vient tout juste de sortir chez le label « Gemelli Factory » que vient de créer I Gemelli : un ensemble décidément aussi talentueux qu ‘entreprenant….. et qui plus est, basé à Toulouse.