Prénom Antoine, pseudo Deep Kelins. Influencé par la musique depuis le plus jeune âge, le rappeur toulousain est aujourd’hui un artiste accompli. Dix ans après ses premiers pas dans le rap, il nous raconte son évolution à travers ses projets. Une mise en lumière méritée, aujourd’hui, mardi 31 octobre 2023, c’est son anniversaire.
Rencontre avec un artiste au talent monstrueux…
Se démarquer dans une scène musicale aussi saturée, notamment dans le rap francophone, n’est pas chose facile, pourtant certains le font à merveille. Deep Kelins est un de ces artistes qu’on ne peut que suivre, qu’attendre à chaque sortie et s’émerveiller devant sa poésie. Et je ne dis pas ça parce que j’ai réalisé mes années collège dans le même établissement que lui. Son rap unique et personnel, sa culture entre le jazz et le hip-hop, ses multiples identités… : rencontre avec un jeune artiste toulousain, aussi talentueux que protéiforme.
Culture31 : À tout juste 22 ans, Deep Kelins, tu as déjà plusieurs identités. Moi j’ai connu celui qui a débuté en tant qu’Antoine Theiler, à faire du rap dans sa chambre avec son grand frère. C’était au collège, et tu avais déjà les deux pieds bien ancrés dans la musique. Qui étais-tu à ce moment-là ?
Deep Kelins : Ça remonte cette époque (rires) ! Au collège, j’étais tout simplement Antoine Mario Theiler. J’ai toujours été passionné de musique. Mes parents m’ont dirigé instinctivement vers le monde de l’art. Ma mère écrit et peint. Mon père est musicien. Il m’a procuré son amour pour les percussions et à partir de mes 6 ans j’ai commencé à en jouer. Jusqu’à mes 12 ans j’ai beaucoup changé d’instruments : je suis passé par le piano, la basse, et la guitare par exemple; mais j’ai simplement acquis les bases. Tous les trois ans environ j’optais pour un nouvel instrument, j’aimais tout découvrir et je n’étais pas vraiment assidu pour accomplir un apprentissage complet.
J’ai commencé le rap à 12 ans, je voulais copier mon grand frère (sourit-il). Lui a tout arrêté depuis. J’ai écrit mes premiers textes naturellement. À cette période, je faisais de la basse avec mon voisin. Dès qu’on composait, j’aimais réfléchir à des lignes de texte à côté. J’ai commencé à composer mes propres prod à partir de la Seconde.
En parlant des années lycée, c’est la période où j’ai commencé à te perdre de vue. Que s’est-il passé ?
Le système scolaire est devenu difficile à suivre pour moi. Je savais que je voulais faire de la musique ma vie. Arrivé en Terminale, c’en était trop. J’étais en train de subir une phobie scolaire. Alors j’ai tout arrêté. Le lycée m’a quand même permis de rencontrer des personnes, des artistes, du même univers, avec qui je continue de travailler aujourd’hui. On s’est chacun poussé dans nos projets respectifs. Certains étudiaient au Conservatoire de Toulouse. J’ai appris que je pouvais accéder à des cours gratuits, alors j’en ai profité (rires). J’ai passé le concours de sélection et j’ai enfin eu accès à des cours qui m’intéressent : l’Histoire de la musique, des cours de chant, de guitare…
En 10 ans, tu as dû beaucoup évoluer. Et si on jouait au jeu des différences entre le Deep Kelins de 2012 et celui de 2023 ?
Il y aura plus de sept différences aha ! Au début, quand on se lance dans le rap, surtout quand on est jeune, on essaie forcément de jouer un rôle. La rap c’est un art où on prend une position de force. On peut accentuer des traits, romancer. Quand je réécoute mes anciens morceaux, ce qui me revient le plus, c’est que je ne me trouve pas sincère. Pour donner un exemple concret, en Terminale, en plein moment de doutes, j’ai sorti mon premier album solo, Vespa. Aujourd’hui il n’est plus disponible sur les plateformes, je l’ai retiré car il ne me ressemblait plus. Dix ans après, je me reflète dans mon art, je me sens vrai, moi-même. Mes textes me représentent, dans mon dernier album, plus particulièrement.
J’imagine que tu es en train d’aborder JDSLP, ton nouvel album paru le 20 octobre dernier. Alors que ton précédent projet abordait les différentes facettes de ta personnalité, parcourant avec sincérité tes crises d’angoisses, tes paradoxes, tes peurs et tes lacunes; où nous emmènes-tu avec “Je Danse Sous La Pluie” ?
Avec JDSLP, j’ai voulu créer un album existentiel. Je me suis questionnée sur les relations humaines, sur ma place dans le monde. Autour de 20 ans on a toujours plus ou moins une crise existentielle. Pour produire cet album, je m’étais donné une deadline très large avec pour objectif : réaliser 50 morceaux pour n’en garder que 10. Finalement, j’en ai sélectionné seulement 8 parmi 70, et une prélude. Ma volonté était de faire ressortir trois thèmes dans l’œuvre : le jeune singe (la spontanéité parfois maladroite, la montée), le grain de sable (la sensation de n’être rien, la redescente) et la danse sous la pluie (la prise de conscience, la solution).
Musicalement, tu navigues entre différents genres, tu les creuses, te les appropries et les fusionnes. Le résultat est au rendez-vous. Quelles sont tes influences ?
J’ai toujours eu un pied dans le rap, et l’autre dans les musiques du monde. Mon père, Frédéric Theiler, est percussionniste en musiques cubaines et folklore argentin. Nous avons vite collaboré ensemble, il est d’ailleurs présent sur la majorité des morceaux de JDSLP. Le conservatoire m’a apporté rigueur, humilité et connaissances; tandis que le rap me procure du courage, et l’audace d’assumer mes choix artistiques, d’oser. En mêlant le professionnalisme du conservatoire et la mentalité rap/jam, j’arrive à sortir des projets comme ce dernier album. Mélanger plusieurs styles, ça donne toujours quelque chose d’intéressant. Écoutez OutKast, vous verrez.
Est-ce qu’il y aura une occasion de te voir performer ce dernier projet sur scène ?
Une occasion unique oui, en fin d’année, le jeudi 21 décembre 2023, au Connexion Live à Toulouse. Maison Gally, collectif d’artistes toulousains dont je fais partie, assurera la première partie du concert, avec les rappeurs/groupe Whydah, Slalom et Raoul. Comme en mai dernier, je serais à leurs côtés sur scène. Pour la deuxième partie, la release de JDSLP, certain(e)s des musiciens et artistes avec lesquels j’ai collaboré sur l’album joueront avec moi durant le concert.
Deep Kelins fera partie de ces derniers artistes à passer sur la scène du Connexion, avant sa fermeture. Ce concert clôturera ce dernier projet, JDSLP, pour laisser place à la création d’un tout nouveau, au-delà des frontières. En janvier 2024, l’artiste Deep Kelins et les membres de Maison Gally prennent leur envol jusqu’en Belgique, à Bruxelles. “C’est une envie que l’on a depuis toujours, de partir, découvrir d’autres horizons, pour s’épanouir, évoluer dans la musique, et dans la vie”. Le concert du 21 décembre 2023 au Connexion marquera ses adieux à la scène toulousaine pour une durée indéterminée; la fin d’un chapitre, mais le début d’un autre !