« Les cyberviolences laissent beaucoup d’enfants, de parents et de professionnels dans l’inquiétude »
Alors que La Maison des Droits des Enfants et des Jeunes (MDEJ) fête ses trente années d’existence, et dans un contexte de violence et de harcèlement de toutes natures qui se sont imposés aujourd’hui dans les relations entre jeunes de tous âges, nous avons décidé qu’il était utile, voire indispensable, de faire connaître l’activité de cette association sise à Toulouse. Pour ce faire nous avons rencontré Bérangère Dupont, rentrée en 2014 comme médiatrice familiale et devenue directrice en 2017, ainsi que Guy Merens, élu au Conseil d’administration de l’Association en 2012, porté à la Présidence en 2020.
Vous fêtez en 2023 vos trente années d’existence. Qui est à l’origine de cette structure de bénévoles ?
Notre association compte sept salariés et une trentaine de bénévoles. A l’origine ce sont des juristes et des psychologues qui ont voulu créer un lieu où les enfants puissent prendre connaissance de leurs droits. Cela fait suite à la Convention internationale des Droits de l’enfant de 1989. Cette Convention a conféré des droits aux enfants de manière très claire. Elle a été ratifiée par la France en 1990. Il y a eu ensuite un énorme travail à faire de manière à sensibiliser les différents acteurs concernés : les enfants et les adolescents bien sûr mais également les parents, les professionnels etc.
Quelle est aujourd’hui votre activité et à qui s’adresse -t-elle plus précisément ?
Nous nous adressons aux mineurs mais également aux jeunes majeurs. A la création notre activité était exclusivement de l’information soit individuelle soit collective. Une activité de formation est venue s’ajouter à l’attention des professionnels. En 2014, nous avons ouvert un service de médiation familiale soutenu par un conventionnement de la CAF. Enfin, en 2020, nous avons décidé de créer un service de soutien des parentalités. Ce dernier point était un besoin fort qui se manifestait.
Quels sont vos moyens de financement ?
75% sont des financements publics, CAF, Conseil départemental et Métropole pour l’essentiel. De plus certaines prestations, en particulier la formation des professionnels, nous permettent d’émettre des factures. Cela dit tout ce qui est à destination directe des jeunes est gratuit. Notre association étant reconnue d’intérêt général, nous pouvons également recevoir des dons en partie défiscalisés auprès du donateur.
Nous avons un mécène fidèle depuis plus d’un quart de siècle qui est l’Amicale des Arméniens de Toulouse. Chaque année, et cette fois ce sera le 25 novembre 2023 à la Halle aux Grains, elle organise un concert caritatif dont la moitié des recettes nous est adressée. Nous souhaitons remercier chaleureusement cette association pour son soutien et pour la qualité du partenariat construit au fil des années. Son investissement pour les jeunes à travers leur don, témoigne de leur engagement et de leur générosité. Les musiciens qui s’engagent à leur côté nous transportent dans la culture arménienne et offrent un cadeau dont nous ressentons les effets jusqu’à l’année suivante !
L’activité de votre association est-elle en expansion et combien de cas étudiez-vous par an ?
Notre rapport d’activité indique clairement l’augmentation notoire des cas que nous traitons et ce dans tous les domaines. D’ailleurs nous sommes dans l’obligation de renforcer nos équipes et sommes preneur du bénévolat le plus large. En résumé, nos actions touchent 5000 personnes par an, tous âges confondus. Sans oublier bien sûr l’activité sur notre site internet. L’an passé nous avons dénombré 40 000 visiteurs pour 112 000 visites. C’est énorme. 6000 personnes sont abonnées à notre newsletter.
Existe-t-il des modèles similaires au vôtre dans d’autres villes ?
Pas vraiment. C’est d’ailleurs l’un de nos vœux autant que celui du Défenseur des Droits des enfants, essayer de mettre en relation des structures comme la nôtre afin de travailler de concert. L’idée n’est pas de standardiser notre modèle mais de mettre en lien des organismes que l’histoire a fait évoluer de manière différente.
Quelles sont les urgences en matière de droit des jeunes ?
Nous sommes surtout sollicités pour les violences dans le milieu scolaire, le cyber harcèlement, les violences intrafamiliales. Nous informons aussi les enfants dans le parcours judicaire, en tant que victime ou en tant qu’auteur ou dans la procédure de leurs parents dans le cadre d’une séparation. Quand nous recevons un enfant seul nous sommes là pour le rassurer quant à ses droits, ce qu’il peut faire ou ne pas faire, être entendu par un juge, se taire aussi, le droit de rester au contact avec ses parents, ses grands-parents, ses frères et sœurs. Et tout cela avec les mots les plus simples possibles. Nous avons toutes les tranches d’âges même si le gros de l‘activité se concentre sur les 12/17 ans. Mais nous avons parfois des cas, rares à vrai dire, concernant les enfants à naître, c’est la problématique de la filiation ou de la reconnaissance de paternité.
Vous œuvrez dans des situations difficiles…
Oui bien sûr, car nous sommes surtout sollicités lorsque des personnes traversent des moments difficiles, de questionnements et de recherche de solutions.
Le fait de dire, les écouter, de dire le droit et de les orienter représente souvent pour eux un premier soulagement.
Il convient de préciser que nous sommes toujours surpris par la qualité de la relation qui s’instaure alors avec les enfants. Ils comprennent vite que nous ne sommes pas là pour les juger et prendre une décision quant à leur parcours.
C’est la même chose en ce qui concerne le soutien des parentalités et la médiation familiale. Nous les accompagnons dans l’élaboration de leur propre accord. Nous leur donnons les outils pour cela. Il ne faut jamais oublier que les personnes qui viennent nous voir sont volontaires. C’est le point d’entrée primordial. Plus que difficile nous disons que le métier que nous faisons est gratifiant. C’est merveilleux de voir certaines évolutions positives au bout d’une heure ou deux de discussion. Notons qu’en terme de médiation nous parvenons à 70% d’accords au bout de deux ou trois séances. Ces accords peuvent porter sur la résidence de l’enfant ou les questions financières par exemple.
Et concernant spécifiquement les problèmes de violence à l’école
Il est clair qu’on en parle plus qu’avant. Peut-on dire pour autant qu’il y en a plus qu’autrefois, ce n’est pas sûr. Les cyberviolences, qui elles n’existaient pas avant, laissent beaucoup de parents et de professionnels dans l’inquiétude. Ils se sentent souvent démunis et ne savent pas comment agir, que ce soit en prévention ou en réaction.
Le fait d’être informé de ses droits par exemple concernant le cyber harcèlement permet à la fois de prévenir et de savoir comment agir lorsque nos proches sont concernés.
Sur ce sujet nous intervenons également sous forme d’atelier dans des établissements scolaires et auprès de parents et de professionnels. En plus de sensibiliser, cela permet de connaitre nos permanences d’information juridique en cas de besoin : tous nos rendez-vous sont confidentiels, anonymes et gratuits pour les jeunes. N’importe quel enfant peut venir nous trouver, ou prendre rendez-vous ou nous téléphoner, quel que soit son âge. Il y a toujours une traduction juridique à son problème. Si l’enfant vient accompagné par un adulte, nous le recevons d’abord seul. Dans un processus de citoyenneté nous sommes là pour construite son propre regard par rapport à ses droits et non pas d’en faire un objet de droits. C’est cela qui fait la qualité de nos rencontres.
Propos recueillis par Robert Pénavayre
La Maison des Droits des Enfants et des Jeunes
22-24 rue Monserby – 31500 Toulouse
Téléphone : 05 61 53 22 63
Site : www.droitsetenfants.org
Concert exceptionnel au bénéfice de l’enfance en détresse de France et d’Arménie