On a beaucoup parlé récemment de Michel Sardou. À l’inverse des nouveaux Torquemada qui voudraient le brûler en place publique, ce qui me dérange chez Sardou, ce n’est pas sa nostalgie de la France d’avant (car, comme lui, je pense que la France d’aujourd’hui est pire), mais sa musique qui n’a, de mon point de vue, aucun intérêt. Baloche façon René Coll, paroles sans éclats ni réelle poésie, je n’ai absolument aucun morceau du Grand Michel dans ma discothèque ou dans mon ordi. Pas de synthé « soupe aux choux » du brûlot des « Lacs du Connemara » ni du sous-disco « Femmes des Années 80 » qui est davantage ringarde qu’un supposé tube du Top 50 à Kaboul.
La chanson française a pourtant de la qualité. Inutile de rappeler le triumvirat Brassens-Brel-Ferré qui fait l’unanimité (ou presque). Mais citons aussi Trenet, Gainsbourg, Nougaro, Dutronc, Nino Ferrer, Michel Delpech, Polnareff, Sheller, Bashung, Renaud, Daho, Daniel Darc, Katerine, Thomas Fersen et bien d’autres… Et puis il y a Christophe, le « beau bizarre », unique parce qu’original, original parce qu’unique.
Dans le très beau documentaire Christophe définitivement, qui vient de sortir en DVD, Dominique Gonzalez-Foerster et Ange Leccia nous montrent l’envers du miroir des lunettes fumées du chanteur. Essentiellement backstage ou faisant la balance lors des tournées, chez lui à Montparnasse, on y voit un Christophe totalement dédié à son art, tour à tour enthousiaste, émerveillé comme un enfant, pointilleux et soucieux du moindre détail (à la limite du casse-couilles), ponctuant toujours ses remarques d’un « T’es d’accord ou pas ? », évoquant ses madeleines de Proust cinéphiliques (le bougre a bon goût en plus !), musicales, picturales… Un régal. Entre deux séances de maquillage, fouraillant dans sa loge à la recherche d’un accessoire improbable, le chanteur se livre, évoque sa mère couturière, ou lance en entrant sur scène : « Je vais faire l’amour… » Profondément touchant à la ville comme sur disque, il ne passera pas et sera toujours écouté dans cent ans (la marque du vrai talent).
Christophe est parti mais son fantôme déambule encore sur le Minuit boulevard, morose dans sa veste de soie rose.