Restaurés et numérisés, les trois films écrits et réalisés par Jeanne Moreau sont désormais visibles sur grand écran.
Entre 1975 et 1983, Jeanne Moreau a écrit et réalisé trois longs métrages qui étaient invisibles depuis de nombreuses années, en raison du très mauvais état des copies. Créée en 2017, après la mort de l’actrice, la Fondation Jeanne Moreau a fait restaurer et numériser ces films pour qu’ils puissent être enfin revus et reconsidérés, puis découverts par les jeunes générations. Ils sont distribués dans les salles par Carlotta Films depuis le 15 février dernier, et sont à l’affiche de La Cinémathèque de Toulouse au début du mois de mars.
Avec « Lumière » (1976), elle évoque le milieu du cinéma de l’intérieur, à travers le regard de quatre amies comédiennes, dont elle est l’une des interprètes. Dans son ouvrage « Jeanne Moreau, cinéaste »(1), Jean-Claude Moireau raconte: «Jeanne avait passé du temps à travailler en amont sur son projet: construire et remanier le scénario, apporter des précisions sur les nombreux personnages et la nature de leurs liens, réfléchir à son casting… Tout revêtait de l’importance. Elle a souvent comparé un tournage à un voyage que l’on doit faire ensemble, et il faut que chaque membre de l’équipe œuvre pour le même film».
Dans « Lumière » (photo), les quatre amies, d’origines et d’âges différents, se retrouvent et échangent leurs préoccupations sur leur parcours professionnel et sentimental. Jean-Claude Moireau explique : «Jeanne essaie de traduire la difficulté de la relation avec autrui, accrue sans doute dans un métier qui exacerbe les passions et accélère le temps. À considérer les multiples occasions où il joue la comédie, on pense parfois que l’acteur ment. Elle nous dit que non, que c’est une idée reçue. La vie est sa meilleure école, il y puise sa force, son authenticité et son travail est de tous les instants ! Elle a souvent clamé: ‘‘L’acteur recrée en revivant des émotions. Pour cela il ne peut qu’être vrai !’’.»
Dans « l’Adolescente » (1979), coécrit avec la romancière Henriette Jelinek, Jeanne Moreau décrit «le passage périlleux de l’enfance à la féminité, le moment où la conscience s’éveille, où le langage des adultes devient clair au lieu de paraître codé», précise-t-elle. L’action se déroule durant l’été 1939 et s’achève en septembre, au moment de la déclaration de guerre. Marie a douze ans et passe ses vacances chez sa grand-mère (Simone Signoret), où elle se prend de passion pour un jeune médecin interprété par Francis Huster. Poétique et nostalgique, ce récit d’initiation est celui de la fin de l’enfance et de l’imminente destruction d’un univers doux et paisible. Jean-Claude Moireau écrit: «Humain, tendre, généreux, ouvert, son film est chargé de tonalités impressionnistes, de courants de sensualité».
Le dernier film de Jeanne Moreau, « Lillian Gish » (1983) est un documentaire tourné à New York, le portrait de la star hollywoodienne du muet prenant la forme d’un entretien. Jean-Claude Moireau précise: «Il ne s’agit pas seulement d’un entretien mais aussi d’une rencontre et d’un échange. Avec un mélange de tendresse et d’admiration, Jeanne ne se lasse pas de fixer l’éclat de son regard clair ; elle écoute, sourit, acquiesce, interroge la vedette fétiche des films de Griffith, génial inventeur des débuts du cinéma.»
Jérôme Gac
pour le mensuel Intramuros
(1) Jean-Claude Moireau, « Jeanne Moreau, cinéaste » (Carlotta Films)
Du 1er au 9 mars, à la Cinémathèque de Toulouse, 69, rue du Taur, Toulouse. Tél. 05 62 30 30 10.