Chaque semaine, on vous invite à lire une nouveauté, un classique ou un livre injustement méconnu.
Drôle d’endroit pour une rencontre : c’est à Constantia en Australie, à l’occasion de la 23ème World Rose Convention, que le narrateur de La douceur, journaliste français dans un magazine d’art de vivre, fait la connaissance d’une consœur allemande aussi vive que charmante. Entre le quinquagénaire un brin cynique et la jeune femme pétrie de bons sentiments, le courant passe. Mais la rencontre la plus importante, au sein de cette manifestation apparemment futile, est celle avec l’organisatrice de l’événement : May de Caux, une Française à l’élégance altière dont la réserve jette un voile sur une longue vie marquée par la tragédie et le poids de l’Histoire.
Après L’Article de la mort, La Route du salut (prix des Deux-Magots en 2009), L’Amant noir (prix Jean-Freustié en 2013) et La Grande Epreuve (Grand prix du roman de l’Académie française en 2020), le nouveau roman d’Etienne de Montety, directeur du Figaro littéraire, débute comme une comédie dans laquelle une pointe de satire sociale croise les jeux de la séduction. Puis la « douceur », celle des pétales de rose, révèle peu à peu ses épines, ses cicatrices, ses déracinements, ses boutures.
D’hier à aujourd’hui
Quittant sa vie agréable, confortable, futile et solitaire faite d’horizons lointains et de voyages de presse pour des publi-reportages censés donner du rêve aux lecteurs, le narrateur va découvrir d’autres existences, un autre temps déraisonnable et féroce. L’entrée au Panthéon d’une résistante « ordinaire », Valentine Royer, qui fit passer nombre de réfugiés, résistants ou juifs en zone libre, permet au journaliste de recroiser May de Caux. Ancienne déportée au camp de Ravensbrück pour avoir appartenu à un réseau de la Résistance, celle-ci consent à témoigner auprès du Français et de son amie allemande en vue de la publication d’un livre.
Au gré d’entretiens avec la survivante et de la consultation de ses mémoires intimes se reconstituent les ombres et les lumières d’une existence dont la plongée dans l’enfer concentrationnaire demeure l’expérience fondatrice. Comment survit-on à une telle captivité ? Comment ces « revenants » retrouvent-ils la vie civile ? A quoi bon vouloir partager l’indicible ? Sans pathos ni effets, La douceur retrace une destinée dans ce qu’elle a de singulier et d’universel. Ce roman autour d’un livre en train de se faire réussit à donner chair et voix à la fraternité, au courage, au sens du sacrifice et à l’inextinguible espérance. D’hier à aujourd’hui, l’histoire continue.