Pendant 10 jours, les « Rencontres du cinéma italien » feront la part belle aux films et réalisateurs transalpins lors d’une 18ème édition. Du vendredi 25 novembre au dimanche 4 décembre 2022, Toulouse sera le théâtre d’avant-premières, de films primés et d’œuvres plus confidentielles. Christine Grèzes, présidente de l’association organisatrice Cinéma Paradiso, nous en dit plus.
Culture 31 : Les « Rencontres du cinéma italien » représentent l’unique festival de cinéma italien sur toute la région du Grand Sud-Ouest. Il revient cet automne avec une 18ème édition. Êtes-vous impatiente de présenter son nouveau crû ?
Christine Grèzes : Je ne sais pas si « impatiente » est le mot. Il y a une certaine fébrilité, d’autant que les deux années passées ont été très compliquées à cause du Covid-19, avec une annulation en 2020 et un festival un peu au rabais en 2021. Cette année, nous avons 18 ans. Nous fêtons notre majorité. Nous espérons donc être à la hauteur de cette étape !
L’ABC de Toulouse est votre salle d’attache depuis la création de l’évènement. Ce sera toujours le cas lors de cette nouvelle édition ?
Absolument. J’en profite pour dire que l’ABC a un directeur et une équipe formidables, qui nous facilitent grandement les choses.
D’autres salles rendent également l’évènement possible.
Oui, il y a une dizaine de salles dans la périphérie de Toulouse qui sont partenaires. Elles proposent leurs propres films italiens. Elles ont souvent des comités de jumelage ou des associations. Des petits repas et buffets italiens sont également organisés pour animer leurs soirées.
Peut-on en savoir un peu plus sur la programmation, qui, au moment où nous parlons, n’a pas encore été dévoilée ?
Nous allons faire une soirée phare le 2 décembre en hommage à Jacques Perrin, qui est mort très récemment, trop tôt. Il a commencé sa carrière en Italie et a réalisé, pendant une période, plusieurs films italiens extrêmement beaux. La soirée sera composée d’un documentaire, « Cinéma Jacques Perrin », en présence de Jean Gili, qui a mené les interviews du cinéaste. Il y aura aussi un film de l’époque italienne, « La Corruption ». Ce film a été très peu vu en France. Ce sera donc une occasion de le découvrir, je pense, pour la plupart des spectateurs. Ensuite, un débat sera animé par Jean Gili.
Sinon, comme d’habitude, nous aurons 6 à 7 films inédits en compétition, qui sont tous des premiers ou deuxièmes films. Trois prix seront ainsi décernés. Un premier par le public, un autre par un jury spécialisé, et un dernier par diverses écoles. Nous proposerons également 4 ou 5 avant-premières de films qui sortiront en France à l’horizon 2023. Par exemple « Caravage », « L’immensità » avec Penelope Cruz, le dernier Mario Martone « Nostalgia », ou encore un film d’animation extraordinaire qui s’appelle « Interdit aux chiens et aux Italiens ». Dans la section panorama, nous aurons de très très beaux films de réalisateurs connus, surtout du public italien, mais qui ont tout de même une certaine notoriété en France. Par exemple Paolo Virzì, Paolo Genovese, Pif, Giuseppe Piccioni, etc. En tout, nous aurons une vingtaine de films.
Comment choisissez-vous les films diffusés d’une édition à l’autre ?
Le premier filtre est le sous-titrage. Nous sommes obligés de choisir parmi les films qui ont des sous-titres français, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas. Puisque sur le marché, ils sont systématiquement sous-titrés en anglais. Il y en a malgré tout un certain nombre et nous les sélectionnons en fonction des prochaines sorties et des prix des festivals. Certains sont passés à Cannes, d’autres à Venise, ou encore à Annecy. On s’arrange pour avoir au sein de notre sélection les films les plus représentatifs. La plupart sont de cette année ou de 2021. Certains n’ont pas encore été vus à cause des retards de distribution.
Je découvre en effet moi aussi la plupart des films du festival. J’en regarde un certain nombre et je choisis en fonction de la thématique, de la mise en scène, des acteurs… Le casting est très important pour faire venir du public, sachant que certains acteurs italiens sont quand même connus en France. Mais bien sûr, il y a toujours un côté subjectif dans la programmation.
Paolo Sorrentino, Michelangelo Frammartino, Damiano et Fabio D’Innocenzo… Le cinéma italien compte de nombreux cinéastes actuels de talent. Lequel a votre préférence ?
Je n’ai pas de préférence particulière. Ce qui est intéressant, c’est de pouvoir proposer une palette de ce qui sort dans les différents styles durant le festival : comédies, drames, animation, thrillers, etc. J’essaye d’être objective et éclectique. Les réalisateurs que vous avez cité sortent systématiquement en France, quoiqu’il arrive. J’aime tout de même beaucoup les frères D’Innocenzo, mais c’est un cinéma extrêmement dur.
Le critique Paolo Mereghetti a écrit que le cinéma italien était « en état de grâce » lors de la 78ème édition de la Mostra de Venise, en 2021. L’est-il toujours en 2022 selon vous ?
« En état de grâce » me semble un petit peu excessif. L’Italie produit énormément de films. Le problème, c’est que les italiens vont de moins en moins au cinéma et que les distributions sont très compliquées. Certains films sont tournés puis ne sortent jamais. Je comprends que Paolo Mereghetti ai parlé en ces termes mais je parlerais quand même plutôt d’une véritable dynamique, qui n’est pas assez mise en valeur, d’abord en Italie, mais aussi en France. Depuis 20 ans, il y a une vraie génération de nouveaux réalisateurs et d’acteurs absolument formidable. Et heureusement, justement, qu’il y a des festivals pour mettre le focus dessus. Cela permet un concentré de beaux films et d’en faire connaître certains, à moins qu’il s’agisse, comme vous l’évoquiez plus tôt, de Paolo Sorrentino, ou encore Nanni Moretti.
Autre nom qui n’est plus à faire connaître. Avec « Le Bon, la Brute et le Truand » ou encore « Il était une fois dans l’Ouest », Sergio Leone a participé au développement de ce que l’on appelle le western spaghetti, terme qu’il détestait. Il a également révélé Ennio Morricone et séduit un public international. Pourtant, la critique l’a quelque peu boudé pendant sa carrière. Que pensez-vous du cinéma de Leone ?
Je pense que c’est un immense talent. Il a fait des films extraordinaires. D’ailleurs, il a été extrêmement aidé par la musique d’Ennio Morricone, qui a vraiment imprégné son cinéma. Il a peut-être en effet eu une reconnaissance un peu tardive, mais objectivement, il était très talentueux. Même si le western est un genre que je n’apprécie pas énormément. Il fait évidemment partie des grands réalisateurs italiens.
Quels films conseilleriez-vous à une personne souhaitant s’initier au cinéma italien ?
Indépendamment de ceux que j’ai cité, Moretti et Sorrentino, les autres n’ont pas suffisamment de notoriété. Je conseillerais plutôt aux gens de voir les films en fonction des thèmes. De ce qu’ils aiment. La comédie par exemple. La comédie à l’italienne marche d’ailleurs toujours bien. Il y a des héritiers avec certains réalisateurs. Du côté de la comédie dramatique, on trouve beaucoup d’histoires de mafia, d’immigration. Tout ça plus ou moins traité différemment selon les réalisateurs. Il faut aller voir un film en fonction de son ressenti en voyant l’affiche ou en lisant le résumé. Le spectateur doit faire en fonction de ses goûts et de l’émotion qu’il pourrait ressentir. Je pense que c’est valable pour tout le cinéma, et pas seulement le cinéma italien.
Une phrase pour convaincre de participer à la 18ème édition des Rencontres du cinéma italien ?
Avoir un rendez-vous avec le cinéma italien une fois par an pendant 10 jours et voir une majorité de films que personne n’a vu, je crois que c’est une occasion à ne pas manquer.
Un message à faire passer ?
Je souhaiterais que les réalisateurs en général, et les réalisateurs italiens, ne vendent pas leurs films aux plateformes, parce qu’il faut aller au cinéma. On en a trop bavé de ces confinements et de ce repli sur soi-même. Ce n’est pas la même chose de regarder les films chez soi.
Propos recueillis par Inès Desnot
Rencontres du cinéma italien · Du 25 novembre au 4 décembre