La Happy Hour de ce samedi 5 novembre invitait son habituel et nombreux public à découvrir la cheffe américano-taïwanaise Mei-Ann Chen à la tête de l’Orchestre national du Capitole. Ce concert d’une heure consacré aux deux dernière symphonies de Mozart, a ainsi permis de découvrir une forte personnalité de la direction d’orchestre.
Les concerts Happy Hour possèdent leur propre spécificité qu’il faut absolument saluer. L’horaire choisi, une fin d’après-midi de week-end, autorise, attire même la venue d’un public particulier composé de plus de têtes blanches et de têtes blondes qu’à l’accoutumée ! De nombreux enfants, des familles entières, des jeunes peu familiers des concerts classiques se pressent sur les gradins de la Halle aux Grains et n’hésitent pas à manifester leur enthousiasme. Les applaudissements qui fusent entre les mouvements des œuvres prouvent la spontanéité des réactions d’un public peu habitué aux conventions actuelles du concert classique. Précisons bien qu’il s’agit des conventions actuelles. Car au temps de Mozart (la correspondance du jeune Wolfgang en témoigne) les applaudissements se manifestaient parfois même au milieu d’un mouvement, lorsque tel trait, telle cadence plaisait au public !
L’invitée de ce concert, Mei-Ann Chen, établie à Graz, est actuellement directrice musicale du Chicago Sinfonietta et cheffe d’orchestre lauréate du Memphis Symphony Orchestra. Elle a reçu de nombreuses récompenses internationales. En 2005 notamment, elle a été la première femme à obtenir le Premier Prix de la Malko Competition.
Les deux dernières symphonies de Mozart inscrites au programme de ce concert du 5 novembre ont été composées dans un laps de temps particulièrement court. Elles possèdent néanmoins des caractéristiques différentes. A l’agitation fébrile de la 40ème (en sol mineur, tonalité de la tragédie), succède la solennité conquérante de la 41ème (en do majeur), baptisée « Jupiter » au XIXème siècle.
Dirigeant sans partition et avec une énergie impressionnante, Mei-Ann Chen dispose les cordes de manière différente : les premiers et les seconds violons se font face, de part et d’autre du podium. Reconnaissons que les séquences d’écho entre ces deux pupitres y gagnent une certaine lisibilité. Notons également la présence au sein de l’orchestre de la flûte en bois et des timbales en peau, mieux adaptées au style classique.
L’orchestration de la 40ème symphonie ne comporte ni trompette ni timbale et la présence des clarinettes apporte une subtile douceur à l’ensemble des bois. La cheffe invitée n’hésite pourtant pas à dramatiser le Molto allegro initial, soulignant l’agitation haletante du rythme. L’Andante se poursuit dans un tempo soutenu qui n’exclut pas un lyrisme touchant. Le Menuetto prend ici un caractère plus paysan que ne le laisse supposer le titre de danse de cour. Enfin une fièvre pleine de tension ouvre le final Allegro assai, aux expressions particulièrement contrastées. Du sourire vers une affirmation péremptoire.
L’arrivée des trompettes et des timbales et le retrait des clarinettes confèrent un tout autre caractère à la 41ème symphonie. Plus solennelle, plus lumineuse, l’orchestration s’avère aussi plus complexe. La cheffe confère à l’Allegro vivace une vigueur extrême et affute les contrastes expressifs et ceux de la dynamique. Rêverie et inquiétudes alternent dans l’Andante cantabile, alors que la danse trouve à s’exprimer pleinement dans le Menuetto. Le mouvement final Molto allegro est un modèle de construction musicale. Les références à Johann Sebastian Bach se retrouvent avec l’utilisation de la fugue dans une coda en forme d’apothéose. La direction de Mei-Ann Chen souligne l’allégresse qui émane de cette utilisation d’un contrepoint connoté « historique » et stimulant à la fois.
Cette énergie déployée tout au long de ces deux exécutions vaut à la cheffe invitée une acclamation enthousiaste dans laquelle se détachent les jeunes voix du public. Mei-Ann Chen remercie avec ferveur chaque pupitre, chaque soliste à l’issue d’une soirée « pétillante ».
Programme du concert donné le 5 novembre 2022 à 18 h à la Halle aux Grains
- W. A. Mozart : Symphonies n° 40 et 41 “Jupiter “
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse
Orchestre national du Capitole