Le samedi 15 octobre dernier, l’Orchestre national du Capitole et le Chœur de l’Opéra tout aussi national du Capitole étaient placés sous la direction du chef invité David Reiland. Une seule œuvre était inscrite au programme de ce concert très attendu. Une œuvre d’envergure, puisqu’il s’agissait de la partition la plus longue jamais composée par Johannes Brahms, Ein deutsches Requiem, autrement dit Un Requiem allemand.
Cette œuvre sacrée, mais pas liturgique, occupe une place à part dans la série des messes des morts composées tout au long de l’histoire de la musique. De Mozart à Fauré en passant par Berlioz et Verdi, la référence à la liturgie était de mise. Le titre exact de ce Requiem traduit bien la volonté du compositeur d’adopter une structure différente de celle des autres messes : « Un Requiem allemand, sur des textes de l’Écriture sainte, pour solistes, chœur et orchestre (avec orgue ad libitum) ». Les sept parties qui se succèdent illustrent bien des textes de la Bible, mais qui, paradoxalement, n’appartiennent pas aux offices funèbres. Il s’agit plutôt d’un série de méditations sur la condition humaine et ses rapports avec la mort. En ce sens, le lien avec Johann Sebastian Bach et la structure de ses cantates n’est pas à négliger.
Le chef d’orchestre invité David Reiland, né en Belgique, est notamment le Directeur musical et artistique de l’Orchestre de Chambre du Luxembourg et le Premier Chef Invité et conseiller artistique à l´Opéra Théâtre de Saint-Etienne. Il aborde ce Requiem avec une exaltation toute particulière. Il en avive les arêtes et obtient de l’orchestre comme du chœur une lecture plus effervescente que recueillie. Néanmoins, le premier épisode, « Selig sind, die da Leid tragen » (Heureux les affligés…) illustre un beau dialogue entre sérénité et ferveur. L’allure martiale du chœur suivant (Car toute chair est comme l’herbe) est parcourue d’impressionnants crescendos.
La troisième section donne la parole au baryton solo qui s’adresse directement au Seigneur. L’invité initialement prévu, Edwin Crossley-Mercer, étant souffrant, c’est au baryton islandais Jóhann Kristinsson qu’il a été fait appel. Titulaire de grands prix internationaux de chant, ce jeune chanteur témoigne dès sa première intervention d’un sens aigu de l’expression sacrée. Son beau timbre vocal se mêle avec éloquence et sensibilité au soutien du chœur. La déclamation de son chant, la beauté de ses phrasés s’épanouissent encore lors de sa deuxième intervention.
Regrettons que la soprano sud-coréenne Sunhae Im peine à convaincre dans son air unique « Ihr habt nun Traurigkeit » du fait d’un vibrato envahissant. D’une manière générale, le chœur, dirigé par son nouveau chef Gabriel Bourgoin, se hisse au même haut niveau que l’ensemble de l’orchestre. Les voix s’équilibrent dans leurs spécificités et les nuances dynamiques confèrent à leur déclamation une vie et un relief permanents. La qualité des solos instrumentaux (notamment celui du hautbois) complète celle de l’ensemble des pupitres de notre bel orchestre.
La direction de David Reiland privilégie l’animation du discours, au détriment d’une certaine austérité sacrée de l’écriture brahmsienne, sollicitant parfois des tutti explosifs que l’acoustique de la Halle aux Grains tend à saturer. L’ultime épisode apporte enfin un apaisement, une sérénité, une respiration salutaires.
L’enthousiasme du public fera oublier les toux indiscrètes et même le déclenchement intempestif d’un téléphone portable… Heureusement, la musique a toujours le dernier mot !
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse
Orchestre national du Capitole