Déjà la quatorzième édition du festival Toulouse Polars du Sud qui, comme son nom l’indique, est dédié à la littérature policière sous toutes ses formes. Son Grand Timonier, Jean-Paul Vormus, nous présente l’édition qui aura lieu du vendredi 7 octobre au dimanche 9 octobre, ainsi que les auteurs présents.
Cette année encore, il y a une importante dimension internationale parmi les auteurs invités. Avec un mélange d’auteurs connus (voire très connus comme Deon Meyer et Iain Levison), mais aussi quelques-uns moins célèbres. Quelques auteurs à nous recommander parmi ces derniers ?
La première à laquelle je pense est Simone Buchholz, une excellente romancière allemande qui vit à Hambourg et nous décrit remarquablement cette ville. Il y a aussi Miguel Szymanski qui écrit des polars de structure assez classique. Son dernier livre se passe après la dernière crise financière au Portugal, avec les magouilles entre les banques et le gouvernement. Il a un personnage principal extrêmement bien dessiné, c’est vraiment bien fichu. Sinon j’aime aussi Stuart Turton dont le dernier roman, L’Étrange Traversée du Saardam, se passe en 1634 du côté de l’Indonésie, où un bateau quitte les Indes Orientales pour Amsterdam. La croisière commence mal puisqu’un lépreux à la langue coupée maudit le bateau dès l’appareillage. Il pourrait y avoir un démon à bord. Tout un tas de phénomènes paranormaux se produisent. Il inverse même les codes du genre puisque celui qui pourrait être le détective principal, une sorte de Sherlock Holmes, est enfermé à fond de cale, et c’est finalement son Watson qui mène l’enquête. C’est très bien, avec plein de retournements de situation. Enfin Il y a aussi une autrice québécoise, Roxanne Bouchard, dont le roman noir évolue dans le milieu de la pêche en Gaspésie, au bord du golfe des Chaleurs. Elle parle très bien de cet univers des pêcheurs et il y a aussi le charme des expressions québécoises. C’est assez réjouissant et plein de couleurs. Enfin, je citerai Edyr Augusto, un auteur brésilien qui écrit à cent à l’heure (comme l’a dit un critique français, « il passe la troisième sans commencer par la première »).
Et chez les Français, quelles nouvelles têtes ?
Par vraiment une nouvelle tête mais une excellente autrice, Séverine Chevalier, dans un registre très noir mais très réussi, sur l’évolution d’une enfant qui grandit avec une mère alcoolique qui s’entiche d’un mec manipulateur. C’est d’ailleurs plus un roman noir et un roman social qu’un polar. J’ai bien aimé La Combinaison de Félix Lemaître qui raconte l’histoire d’un démonstrateur en supermarché, âgé d’une cinquantaine d’années, dont le rêve est de partir aux Antilles avec sa famille. Hélas, il est licencié. Au même moment, il reçoit une combinaison de plongée qu’il avait commandée pour son voyage aux Antilles. Il se met alors à porter cette combinaison chaque jour. Cela donne un roman social, drôle, foutraque qui en fait un livre très original. Sinon, je citerai Le Blues des phalènes de Valentine Imhof, superbe roman se déroulant pendant la Grande Dépression aux États-Unis. Enfin, Olivier Bordaçarre qui a écrit une dystopie, Appartement 816, où le confinement covidien est prolongé de façon quasi-illimitée, et où les gens sont ravitaillés par des drones et n’ont le droit d’ouvrir leur fenêtre que pendant quelques minutes.
Tu invites toujours aussi des auteurs toulousains…
Oui, cette année, ils sont encore nombreux, il y a Benoit Séverac, Nicolas Druart, Pascal Dessaint, Gabrielle Massat, Maïté Bernard, Fanny Abadie, Christophe Guillaumot, Pierre Dabernat et le dessinateur Gaël Henry.
On a toujours eu des cycles/modes dans le polar : le serial killer dans les années 1990, le polar nordique au début des années 2000, le polar sous d’autres cieux avec des auteurs étrangers plus présents en traduction et des Français qui écrivent sur d’autres pays (Ferey, Manook, etc.)… Quelle sera la prochaine tendance ?
Vu la période un peu flippante que nous vivons, je pense qu’il y aura un côté de plus en plus dystopique dans le polar. Que ce soit des dystopies politiques, écologiques (je pense au récent roman Collapsus de Thomas Bronnec qui décrit une dictature écologique avec des centres de redressement pour éduquer les gens à l’écologie), technologiques, les menaces nucléaires, le contrôle social, etc. Tout ça ne peut qu’inspirer les auteurs de noir. C’est un nouveau terrain de jeu pour eux.
Il y a dans le polar une diversité de maisons qui vont du plus mainstream au plus littéraire. Il reste de belles maisons et collections à taille humaine comme La Manufacture des Livres, Agullo, Equinox, Gallmeister… J’en oublie sans doute. Quand tu vois que Rivages a été racheté par Actes Sud (qui a aussi repris Bragelonne en SF si je ne me trompe pas), risque-t-on de voir les petits rachetés par les gros, comme on a vu ça dans le monde du disque et des labels indépendants il y a trente ans ?
La plus grande menace est la possible fusion (sous une forme ou une autre) sous l’égide de Bolloré entre Hachette et Editis. Cela risque de conduire à un monopole de la distribution et affaiblirait la richesse, la diversité et le dynamisme du paysage éditorial français. Malgré tout tu as tout un tas de petites maisons d’édition, éditant quelques livres par an. Et je ne suis pas forcément pessimiste car je pense qu’il y aura toujours des passionnés pour monter une maison d’édition. Je vais prendre l’exemple des éditions du Caïman. Il a édité notamment Sandrine Cohen qui a écrit un super roman : Rosine, une criminelle ordinaire. Nous l’avions invitée l’an passé. Regarde aussi Monsieur Toussaint Louverture qui est parti de rien et qui est aujourd’hui une belle réussite. Je reste optimiste même si l’aspect distribution avec Editis m’inquiète davantage.
Pour les animations du festival, qu’y a-t-il au menu cette année ?
Il y a notamment dimanche 9 octobre un rallye-enquête écrit par Maïté Bernard, un Cluedo grandeur nature au Museum d’histoire naturelle jeudi 6 octobre, une enquête réservée aux enfants pendant le week-end, des projections de films commentés par Hugues Pagan, Iain Levison et Jérôme Leroy.