À Toulouse, la saison du Théâtre Sorano offre une large place à la jeune création et convoque les figures de Phèdre, Marguerite Porete, Pierre Molinier, Céline Dion…
Depuis le début de l’année, le Théâtre Sorano est désormais labellisé «Scène conventionnée d’intérêt national» par le Ministère de la culture. Directeur depuis 2016, Sébastien Bournac y développe avec son équipe un projet nourri par l’histoire du lieu (ancien Centre dramatique national) et une nouvelle identité fondée sur la jeunesse et la création. Au cœur de la saison qui fait se croiser des grandes œuvres du répertoire revisitées et les écritures contemporaines, le festival Supernova s’est imposé comme un temps fort dédié au théâtre émergent et à la jeune création. La nouvelle édition automnale du festival affiche cette année douze spectacles, où il sera notamment question de prostitution en milieu forestier, de la béguine mystique Marguerite Porete (1250-1310), d’histoires d’occupation de théâtres, de sport automobile, des conséquences intimes et sociales d’une transition hormonale et médicale, etc.
Avec des comédiens fidèles, Sébastien Bournac reprendra ensuite « Peut-être pas », création en forme de cabaret existentiel mis en musique par Pascal Sangla. Sous la direction de Bruno Geslin, Pierre Maillet reprend une nouvelle fois « Mes jambes, si vous saviez quelle fumée », un portrait du photographe bordelais Pierre Molinier (1900-1976). Olivier Martin-Salvan et Pierre Guillois reviennent avec « les Gros patinent bien », leur «cabaret de carton» déjà à l’affiche la saison dernière ; Olivier Martin-Salvan sera ensuite seul sur scène pour interpréter « Nul si découvert », adaptation par l’auteur du premier roman de Valérian Guillaume, qui décrit le flux mental d’un être en mal d’amour, perdu dans un monde consumériste, hostile et indéchiffrable.
Parmi les spectacles à l’affiche, on attend avec impatience « La Vie invisible », création conçue et mise en scène par Lorraine de Sagazan et écrite par Guillaume Poix, à partir de témoignages recueillis auprès de personnes non-voyantes. Le metteur en scène Mathieu Boisliveau et le Collectif Kobal’t s’emparent de « Combat de nègres et de chien », de Bernard-Marie Koltès ; dans « Carte noire nommée désir », Rébecca Chaillon déploie des questions salutaires sur la construction des corps et des identités portées par des interprètes afro-féminines.
Jean-François Sivadier retrace dans « Sentinelles » l’histoire de trois prodiges du piano ; après « J.C. », Juliette Navis s’inspire de la figure de Céline Dion pour interroger avec « Céline » notre rapport à la mort et à la vieillesse ; dans « Points de rupture », la metteuse en scène Françoise Bloch s’intéresse aux moments où un être rompt avec le système et/ou le groupe dans lequel il est inscrit pour emprunter d’autres chemins de vie ; etc.
Déjà présenté dans les galeries souterraines du Théâtre Garonne, « la Cachette » est un spectacle musical réunissant le guitariste Nicolas Lafourest et le duo Baro d’Evel (Camille Decourtye et Blaï Mateu Trias) ; Le guitariste Yan Péchin accompagne Alain Damasio pour un concert dont les textes sont tirés de son roman « les Furtifs ». L’événement de cette saison captivante sera sans nul doute le retour de la Sicilienne Emma Dante qui, dans « Misericordia » (photo), raconte l’histoire de trois prostituées élevant ensemble un jeune garçon orphelin et handicapé.
Jérôme Gac
pour le mensuel Intramuros